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30/06/2020 | FRANCE | N°18LY02927

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 juin 2020, 18LY02927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Au fil des jours a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009 et 2010, de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2

011.

Par un jugement n° 1603176 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Greno...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Au fil des jours a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009 et 2010, de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011.

Par un jugement n° 1603176 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer, à concurrence d'un montant de 75 044 euros, sur les conclusions de la demande relatives aux droits, aux pénalités et à l'amende et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2018 et le 6 février 2019, la SARL Au fil des jours, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions, des pénalités correspondantes et de l'amende restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Au fil des jours soutient que :

- il convient de retenir une part des liquides dans les notes de 23,91 % et non de 20 % ;

- le taux de pertes du service de bière à la pression habituellement retenu est de 15 % et non 12 % comme l'a fait l'administration ;

- la vente de vin au verre ne figurant pas dans la carte du restaurant, il y a lieu d'estimer que la moitié de la vente de vin en vrac est faite en pichets de 25 cl et l'autre moitié en pichets de 50 cl ;

- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère délibéré des manquements déclaratifs en se fondant sur les irrégularités de la comptabilité et l'importance des sommes rehaussées, dès lors que les rehaussements ont été fortement diminués à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et qu'ils doivent encore l'être ;

- en application de l'article 1756 du code général des impôts, il y a lieu de prononcer la décharge de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

Par des mémoires, enregistrés le 18 janvier 2019 et le 22 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer, à hauteur de 159 051 euros, sur les conclusions relatives aux pénalités et à l'amende et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts et les intérêts de retard ont fait l'objet d'une remise en cours d'instance, en application de l'article 1756 du code général des impôts ;

- les autres moyens soulevés par la SARL Au fil des jours ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme E..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Au fil des jours, qui exerce une activité de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et, en ce qui concerne les opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration a écarté la comptabilité comme non probante et a reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats de la période et des exercices en cause. En conséquence des rehaussements de résultats et de taxe sur la valeur ajoutée notifiés selon la procédure contradictoire, et après que l'administration a suivi l'avis de la commission des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, notifié le 4 septembre 2013, qui proposait de corriger la méthode de reconstitution, la SARL Au fil des jours a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu'à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Les impositions supplémentaires ont été assorties d'intérêts de retard et de majorations pour manquement délibéré. Par un jugement du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer, à concurrence de 75 044 euros, sur les conclusions de la demande dont il était saisi, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la SARL Au fil des jours. Celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer du ministre :

2. En application du I de l'article 1756 du code général des impôts : " En cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées (...), dus à la date du jugement d'ouverture, sont remis, à l'exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728 et aux articles 1729 et 1732 et des amendes mentionnées aux articles 1737 et 1740 A ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment des explications non contestées du ministre de l'action et des comptes publics corroborées par les copies d'écran versées à l'instance, qu'à la suite du jugement du 24 juillet 2018 plaçant la SARL Au fil des jours en redressement judiciaire, l'administration a prononcé, postérieurement à l'introduction de la requête, la remise en application des dispositions précitées, d'une part, des intérêts de retard de, respectivement, 2 372 euros et 2 178 euros appliqués aux compléments d'impôt sur les sociétés et aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société et, d'autre part de l'amende d'un montant de 154 697 euros qui lui a été infligée, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Par suite, les conclusions de la requête de la SARL Au Fil des jours relatives aux intérêts de retard et à l'amende sont devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels d'impôt :

4. L'administration a écarté la comptabilité de la SARL Au fil des jours au motif qu'elle comportait de graves irrégularités, ce que l'intéressée ne conteste pas devant la cour. Dans ces conditions et alors que les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient, conformément à l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, au contribuable d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions soit en démontrant que la méthode de reconstitution employée par l'administration est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit en proposant une méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration.

5. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de le SARL Au fil des jours, l'administration s'est fondée sur la méthode dite des " liquides ". Elle a déterminé la part du chiffre d'affaires correspondant à la vente de boissons dans le chiffre d'affaires total en procédant au dépouillement de cinq mois de tickets Z. Puis, en se fondant sur les achats de boissons, elle a déterminé le chiffre d'affaires correspondant aux ventes correspondantes, à partir duquel elle a calculé, en lui appliquant le ratio précédemment obtenu, le chiffre d'affaires total.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le vérificateur avait initialement évalué le pourcentage de recettes de liquides à 17 % du chiffre d'affaires total, à partir de l'analyse des tickets Z établis au cours des mois de mai à septembre 2010, incluant notamment une période de quinze jours de congés. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis l'avis de porter ce pourcentage à 20 %, en prenant en compte, tout en le corrigeant des variations saisonnières, le pourcentage de 23,91 % calculé par la société à partir de l'analyse des tickets Z de la période comprise entre septembre 2011 et janvier 2012. En se bornant à se prévaloir du ratio déterminé sur une période de cinq mois, d'ailleurs postérieure à la période vérifiée, ne correspondant pas à la même saison que la période qui avait été analysée par l'administration, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que le ratio de 20 % finalement retenu par l'administration, qui permet de corriger le fait que les tickets Z de la période vérifiée ne faisaient pas apparaître toutes les boissons vendues et parait suffisamment prendre en compte d'éventuelles variations saisonnières, serait erroné.

7. En deuxième lieu, la société fait valoir que le taux de 12 % de pertes du service de bière à la pression qui a été retenu par l'administration est inférieur au taux de perte réel qui s'élève à 15 % et qui correspond aux usages de la profession. Toutefois la société ne l'établit pas en se bornant à se référer, à l'appui de ses affirmations, aux chiffres retenus dans le cadre de la reconstitution du chiffre d'affaires de deux autres établissements vérifiés, dès lors qu'elle n'apporte aucun élément permettant d'établir la similarité des conditions d'exploitation des contribuables concernés avec celles de son propre établissement.

8. En dernier lieu, pour reconstituer les recettes résultant de la vente de vin en vrac, l'administration a estimé, au regard des indications données par le représentant de la société, que le vin en vrac avait été proposé à la fois en pichet de 25 cl et 50 cl et au verre et, en l'absence de toute estimation donnée par la société de la répartition de ces ventes, a estimé la part de ces ventes à 20 % pour le vin au verre, et à 40 % pour les ventes en pichets de 25 cl et 50 cl. La SARL Au fil des jours fait valoir que le pourcentage de vente de vin au verre retenu par l'administration est excessif alors que l'écart de prix avec la vente au pichet n'est pas significatif et que la vente de vin au verre n'est pas mentionnée sur la carte. Toutefois, il résulte des indications données par la gérante à la vérificatrice en cours de contrôle, telles que reprises dans un courrier du 23 juillet 2012 signé par la gérante que, malgré les mentions portées sur la carte du restaurant, une partie du vin vendu en vrac l'était au verre. Par ailleurs, la société n'établit pas que le pourcentage retenu serait excessif.

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration fait état de l'importance des minorations de recettes constatées sur l'ensemble de la période vérifiée et ce, y compris après les dégrèvements prononcés en cours d'instance devant le tribunal, et du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité de la SARL Au fil des jours, et notamment l'absence de pièces justificatives, des tickets Z raturés et des stocks incohérents. En se fondant sur ces éléments, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de la volonté délibérée de la société d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées.

11. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de la remise des intérêts de retard et de l'amende prononcée en cours d'instance, la SARL Au fil des jours n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et mettre à la charge de l'Etat une somme quelconque à verser à la SARL Au fil des jours au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence d'un montant de 159 051 euros, correspondant aux intérêts de retard et au solde de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts maintenus à la charge de la SARL Au fil des jours, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Au fil des jours est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Au fil des jours et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

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N° 18LY02927

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02927
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : PALOMARES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;18ly02927 ?
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