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30/06/2020 | FRANCE | N°18LY01966

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 juin 2020, 18LY01966


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NTR a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2013 ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1602808 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2018 et le 8 février 2019, la socié...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NTR a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2013 ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1602808 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2018 et le 8 février 2019, la société NTR, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 mars 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions et majorations et de l'amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société NTR soutient que :

- dès lors que le différend portant sur le montant du chiffre d'affaires, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était compétente pour en connaître et aurait dû être saisie ;

- pour une partie de son activité, elle intervient comme intermédiaire opaque, pour une autre, comme mandataire transparent ;

- la seule remise en cause du caractère d'intermédiaire transparent n'emporte pas taxation sur le prix total des véhicules, le régime de taxation sur la marge pouvant être appliqué ;

- le manquement n'est pas délibéré, son analyse à propos des cartes grises des véhicules étant conforme à celle de l'administration fiscale qui a délivré un quitus fiscal et dès lors qu'elle ne dispose que de peu de moyens humains ;

- le profit sur le trésor constaté par l'administration n'est pas justifié ;

- le mécanisme de l'auto-liquidation ne s'applique pas et l'amende de l'article 1788 A du code général des impôts n'est pas encourue.

Par des mémoires, enregistrés le 14 décembre 2018 et le 11 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost, président,

- et les conclusions de Mme D..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société NTR, qui exerçait une activité d'achat et de revente de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet, du 17 décembre 2013 au 14 mars 2014, d'une vérification de comptabilité portant, s'agissant des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2013. A l'occasion de ce contrôle, le vérificateur a constaté, en premier lieu, qu'un certain nombre de véhicules acquis auprès de négociants d'autres pays membres de l'Union européenne n'avaient pas fait l'objet, lors de leur acquisition, d'une auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée alors que les factures d'achat mentionnaient qu'il s'agissait de livraisons intracommunautaires. Aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'a été mis à la charge de la requérante à ce titre, la taxe sur la valeur ajoutée collectée donnant lieu à une taxe sur la valeur ajoutée pouvant être immédiatement déduite et la société s'est vu appliquer l'amende pour défaut de déclaration des opérations intracommunautaires prévue à l'article 1788 A du code général des impôts. Le vérificateur ayant constaté, en second lieu, que la société NTR avait appliqué à tort, lors de la revente de véhicules, le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à des opérations portant sur des véhicules qui soit étaient neufs, soit avaient fait l'objet d'une auto-liquidation, soit auraient dû en faire l'objet s'agissant d'acquisitions intracommunautaires, lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la différence entre les droits dus sur le prix de vente total des véhicules et les droits appliqués sur la marge. Les compléments de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à ce titre à la société NTR ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts. La société NTR relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. La société NTR reprend en appel le moyen relatif à la régularité de la procédure d'imposition, invoqué en première instance, tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait dû être saisie du différend. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

3. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. ". Aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause le régime de la taxation sur la marge appliqué par la société NTR lors de la revente de quatorze véhicules acquis auprès de vendeurs automobiles professionnels établis dans l'Union européenne, pour lesquels elle a estimé qu'aucune facture portant mention du régime de taxation sur la marge n'avait été produite s'agissant soit de véhicules neufs, soit de véhicules ayant été acquis auprès d'assujettis ayant facturé la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la livraison, soit encore de véhicules auxquels le régime des livraisons intracommunautaire avait été appliqué.

6. En appel, la société NTR produit cinq factures se rapportant aux opérations ayant donné lieu à une remise en cause de l'application du régime de TVA sur la marge par le vérificateur. S'agissant des factures datées des 27 janvier et 3 mai 2011, elles ne comportent aucune mention de l'application du régime de taxation sur la marge et font au contraire apparaître une taxe sur la valeur ajoutée à 0 %. S'agissant de la facture du 12 janvier 2011, elle mentionne une disposition de la loi fiscale allemande qui se rapporte au régime de la taxation sur la marge mais comporte une mention selon laquelle il s'agit d'une livraison intracommunautaire ne donnant lieu au paiement d'aucune taxe sur la valeur ajoutée. Ces trois factures ne conféraient pas à la société NTR, par elles-mêmes, le droit d'appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. La société NTR n'apporte par ailleurs aucun autre élément visant à démontrer que ses fournisseurs avaient bien appliqué le régime de taxation sur la marge s'agissant de ces trois opérations. S'agissant, en revanche, des factures datées du 26 juillet 2012 et du 27 juin 2013, qui ne se rapportent pas à des véhicules neufs, elles ne mentionnent aucune taxe sur la valeur ajoutée et comportent au contraire la mention " § 25 UstG ", dont la société requérante soutient sans être contredite qu'elles sont relatives à la taxation sur la marge. Ces factures peuvent ainsi, en l'espèce, être regardées comme conformes aux dispositions de l'article 297 E du code général des impôts. L'administration ne soutient pas que cette mention serait erronée, ni, a fortiori, que la société NTR ne pouvait l'ignorer. Il suit de là qu'elle n'était pas fondée à remettre en cause l'application par la société NTR du régime de la taxation sur la marge à ces deux opérations, d'un montant de, respectivement, 162 000 euros et 23 500 euros.

7. Eu égard à ses écritures d'appel, la société NTR peut également être regardée comme se prévalant subsidiairement de sa qualité d'intermédiaire transparent, notamment au sens de l'instruction administrative du 31 juillet 1992 qu'elle cite. Toutefois, outre qu'elle ne fournit aucune précision sur les éléments qui permettraient de la qualifier ainsi, en particulier pour les opérations en litige, une telle qualité, qui devait la conduire, le cas échéant, à facturer ses prestations de services d'entremise, ne saurait justifier l'application du régime de taxation sur la marge aux opérations litigieuses.

8. Le moyen relatif au profit sur le trésor, qui n'est, au demeurant, pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée doit, en tout état de cause, être écarté dès lors que le litige porte non pas sur l'impôt sur les sociétés mais sur la taxe sur la valeur ajoutée réclamée à la société requérante.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société NTR, l'administration fait valoir que cette société, en sa qualité de professionnel de l'automobile ayant parfaitement connaissance de la règlementation en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a appliqué pour la quasi-totalité de ses ventes de véhicules le régime de taxation sur la marge alors qu'elles avaient fait l'objet, pour certaines, d'une auto-liquidation et que les factures ne comportaient pas de mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. L'administration apporte ainsi la preuve du caractère délibéré du manquement de la société à ses obligations déclaratives. Le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat prévu au I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts étant délivré sur le fondement d'un contrôle formel des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, la société ne peut utilement s'en prévaloir pour démontrer l'absence de caractère délibéré de ses manquements.

Sur l'amende de l'article 1788 A du code général des impôts :

11. Aux termes de l'article 287 du code général des impôts : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. (...) ". Aux termes du 4 de l'article 1788 A du code : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. (...) ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'administration a appliqué l'amende de 5 % prévue par ces dispositions au montant de la taxe déductible afférente à dix-huit opérations d'acquisitions intracommunautaires effectuées par la société requérante avec des vendeurs automobiles professionnels établis dans d'autres Etats de l'Union européenne, sur un total de vingt-cinq opérations. La société NTR soutient que certaines de ces opérations ne lui ouvraient pas droit à déduction, dès lors que les véhicules en cause avaient été acquis sous le régime de la taxation sur la marge bénéficiaire, et produit cinq factures se rapportant aux opérations litigieuses. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, l'administration apporte la preuve que la société requérante a omis de déclarer la taxe déductible afférente aux opérations en cause, conformément aux dispositions de l'article 287 précitées, à l'exception des deux opérations ayant donné lieu aux factures du 26 juillet 2012 et du 27 juin 2013. Ainsi, la société NTR est fondée à demander la réduction de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1788 A précitées à concurrence de ces deux opérations.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société NTR est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux deux opérations mentionnées au point 6 ci-avant et des majorations correspondantes et de réduction, à due concurrence, de l'amende appliquée.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la société NTR et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La société NTR est déchargée des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des deux opérations mentionnées au point 6 et des majorations correspondantes.

Article 2 : La société NTR est déchargée de l'amende qui lui a été infligée à raison des deux opérations mentionnées au point 6.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société NTR est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la société NTR la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société NTR et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme E..., première conseillère,

Lu en audience publique le 30 juin 2020.

2

N° 18LY01966

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01966
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : HANSER ET CONCEPTS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;18ly01966 ?
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