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30/06/2020 | FRANCE | N°18LY00938

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 30 juin 2020, 18LY00938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté n° 33/2015 du 5 novembre 2015 par lequel le maire de Messery l'a suspendue de ses fonctions à compter de cette même date pour une durée de quatre mois ;

2°) de condamner la commune de Messery à l'indemniser de son préjudice financier d'un montant de 3 131, 93 euros et de son préjudice moral à hauteur de 20 000 euros ;

Par un jugement n° 1507797 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de

Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté n° 33/2015 du 5 novembre 2015 par lequel le maire de Messery l'a suspendue de ses fonctions à compter de cette même date pour une durée de quatre mois ;

2°) de condamner la commune de Messery à l'indemniser de son préjudice financier d'un montant de 3 131, 93 euros et de son préjudice moral à hauteur de 20 000 euros ;

Par un jugement n° 1507797 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 mars 2018 et un mémoire, enregistré le 21 juin 2019, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 et l'arrêté n° 33/2015 du 5 novembre 2015 du maire de la commune de Messery ;

2°) de condamner la commune de Messery à l'indemniser de son préjudice financier d'un montant de 3 131,93 euros et de son préjudice moral à hauteur de 20 000 euros avec intérêts et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Messery la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'elle n'a jamais prétendu à la gratuité des charges de son logement ; en outre la motivation du tribunal ne correspond pas au motif invoqué par le maire de la commune de Messery ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas vraisemblables et que la mesure a été prise pour lui nuire ;

- elle a subi un préjudice financier de 3 131,93 euros ;

- elle a subi un préjudice moral de 20 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistré les 28 mai 2019 et 29 août 2019, la commune de Messery, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme E... la somme de 2 000 euros.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés ;

- les faits reprochés constituant les motifs la mesure de suspension avaient un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour la justifier.

Par ordonnance du 2 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me F... représentant Mme E..., et de Me C... représentant la commune de Messery.

Une note en délibéré, présentée pour Mme E..., a été enregistrée le 9 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Affectée depuis 1991 à la commune de Messery, Mme E... y a exercé les fonctions de directrice générale des services à partir de 1998. Par un arrêté du 5 novembre 2015, le maire de la commune l'a suspendue de ses fonctions dans l'attente d'une procédure disciplinaire. Mme E... relève appel du jugement rendu le 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre cet arrêté et sa demande d'indemnisation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 dispose qu'" En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ". Les faits permettant à l'autorité de décider d'une telle mesure, qui ne constitue pas une sanction disciplinaire, doivent présenter " un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. ".

3. Pour décider de suspendre Mme E... par la décision litigieuse, le maire de la commune de Messery s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée avait, selon les motifs de la décision, en premier lieu, utilisé, pour y habiter, le rez-de-chaussée de l'immeuble pour lequel elle bénéficie d'une concession d'occupation pour le seul premier étage, en deuxième lieu, mis à la charge du budget communal de manière dissimulée des factures d'électricité correspondant à ce rez-de-chaussée occupé illégalement et, en troisième lieu, utilisé à des fins personnelles le téléphone portable mis à sa disposition par la commune pour l'exercice de ses missions et la prétendue compensation des frais correspondants par imputation sur des heures supplémentaires.

4. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 7 novembre 2006 décidant de concéder un logement à Mme E... ainsi que l'arrêté de concession dudit logement, du 9 janvier 2007, ne comporte aucune autre précision que l'adresse de celui-ci, situé 25 rue de la Seppe à Messery. L'immeuble comportant un rez-de-chaussée et un premier étage habitables, il n'est pas établi que Mme E... aurait occupé sans titre le rez-de-chaussée. S'il ressort, par ailleurs, d'une facture de communications téléphoniques relative au téléphone professionnel de Mme E... produite par la commune de Messery que quelques appels concernent des communications internationales, il n'est en revanche établi par aucune pièce du dossier que ces appels auraient été passés à titre privé.

5. Il ressort toutefois de ces mêmes pièces que les deux niveaux de l'immeuble occupé par Mme E... étaient chacun équipés d'un compteur de consommation d'électricité individuel. S'il n'est pas contesté que l'appelante réglait elle-même les frais d'électricité qui lui étaient facturés pour le premier étage, les factures de consommation d'électricité concernant le rez-de-chaussée étaient adressées à la commune et ont été payées par celle-ci. Ainsi que l'a considéré à juste titre le tribunal administratif de Grenoble, Mme E... ne pouvait ignorer, notamment en raison de ses fonctions de directeur général des services, ni que ces factures étaient acquittées par la commune, ni qu'elle devait assumer elle-même la charge financière des consommations d'électricité de son logement. Si Mme E... soutient encore que cette prise en charge par la commune n'était pas dissimulée, et produit au soutien de son affirmation des extraits de documents comptables, il n'en demeure pas moins que le paiement des consommations d'électricité du rez-de-chaussée de l'immeuble du 25 rue de la Seppe, n'apparaissait dans le compte administratif de la commune que sous une rubrique " divers ", qui faisait ainsi obstacle à ce que l'origine de cette dépense soit clairement identifiée dans ce document servant habituellement de référence aux membres du conseil municipal pour le suivi annuel des dépenses. La commune établit en outre en produisant une attestation non contestée par Mme E..., que l'inscription sous la rubrique " divers " desdites dépenses était réalisée à sa demande expresse et renouvelée chaque année. Il ressort enfin des pièces du dossier que cette rubrique " divers " ne correspondait qu'aux consommations d'électricité de l'immeuble du 25 rue de la Seppe. C'est par suite sans erreur que le maire de la commune, ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal administratif de Grenoble, a pu considérer que Mme E... avait dissimulé l'imputation indue de frais personnels d'électricité la concernant sur le budget de la commune et que ces faits présentaient un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant de nature à justifier une mesure de suspension.

6. Le moyen tiré de ce que la décision de suspension du 5 novembre 2015 est entachée d'un détournement de pouvoir doit être écarté pour les motifs retenus au point 7 de son jugement par le tribunal administratif de Grenoble et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 novembre 2015 du maire de la commune de Messery.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Les conclusions de Mme E... tendant à l'annulation de la décision litigieuse du 5 novembre 2015 devant être rejetées, celle-ci n'est fondée à se prévaloir d'aucune illégalité fautive de la part de la commune susceptible d'engager sa responsabilité. Les conclusions de Mme E... tendant à la condamnation de la commune doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

9. Les dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Messery, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de Mme E... en ce sens doivent être rejetées.

10. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme E... une somme de 800 euros qu'elle paiera à la commune de Messery, au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Mme E... versera une somme de 800 euros à la commune de Messery en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... et à la commune de Messery.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

Mme H..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

No 18LY009382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00938
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : OSTER LAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;18ly00938 ?
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