Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 août 2018 du préfet de la Drôme lui refusant le renouvellement de son titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.
Par un jugement n° 1903851 du 27 septembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, sous astreinte de 100 euros passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.
Il soutient que :
- le préfet, qui n'a pas examiné sa demande de renouvellement du titre de séjour délivré sur le fondement du 9° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a commis une erreur de droit ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et décidé de l'éloigner.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2020, le préfet de la Drôme, qui déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- et les observations de M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant cubain, a résidé régulièrement sur le territoire français en qualité de conjoint de ressortissant français jusqu'au 31 mars 2014 et a ensuite bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention "profession artistique et culturelle", régulièrement renouvelée, jusqu'au 31 mars 2018. Par un arrêté du 9 août 2018, le préfet de la Drôme a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 27 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. D'une part, aux termes du I. de l'article R. 776-2 du code de justice administrative et comme indiqué dans les mentions des voies et délais de recours de l'arrêté contesté : " (...) la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 (...) fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter (...) c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 août 2018 du préfet de la Drôme a été notifié à M. D... le 6 septembre 2018. L'intéressé a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 11 septembre, date à laquelle le délai de trente jours n'était pas expiré. La preuve de la notification à M. D... de la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Grenoble n'est pas rapportée, faute pour le tribunal administratif de Grenoble de la lui avoir adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. En l'absence d'une telle preuve, la tardiveté de sa demande de première instance, enregistrée le 12 juin 2019, ne peut lui être opposée.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Il ressort des pièces du dossier que le 13 mars 2018 M. D... a déposé au guichet de la préfecture de la Drôme une demande de renouvellement de son titre de séjour qui arrivait à échéance le 31 mars 2018 et a présenté à l'appui de sa demande ses bulletins de salaire au titre de son activité de professeur de danse et un contrat de prestation artistique. En considérant qu'il avait déposé une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en se fondant sur l'avis défavorable de l'unité départementale de la Drôme de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le préfet de la Drôme, qui n'a pas ainsi statué sur la demande dont l'intéressé l'avait saisi et qui tendait seulement au renouvellement de son titre de séjour antérieurement délivré sur le fondement du 9° de l'article L. 313-20 du même code, n'a pas procédé à un examen de sa situation et a commis une erreur de droit. Dès lors, l'arrêté du 9 août 2018 est, pour ce motif, entaché d'illégalité et doit être annulé.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ce jugement doit ainsi être annulé.
7. L'annulation prononcée implique seulement d'enjoindre au préfet de la Drôme, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir M. D... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903851 du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2019 et l'arrêté du 9 août 2018 du préfet de la Drôme sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de munir M. D... d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas.
Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Andy D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme B..., président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 juin 2020.
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N° 19LY04436