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25/06/2020 | FRANCE | N°18LY03390

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 juin 2020, 18LY03390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise par les services de la préfecture de la Drôme dans l'instruction de la demande de renouvellement de passeport présentée par une personne usurpant son identité.

Par un jugement n° 1602383 du 28 juin 2018, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 260 euros.

Pr

océdure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2018, M. E..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise par les services de la préfecture de la Drôme dans l'instruction de la demande de renouvellement de passeport présentée par une personne usurpant son identité.

Par un jugement n° 1602383 du 28 juin 2018, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 260 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué et de porter la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices à 11 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le passeport délivré à la personne qui usurpe son identité a été remis à l'usurpateur par la préfecture de la Drôme ;

- à supposer que le passeport n'ait pas été remis à cette personne, sa délivrance lui a causé des préjudices ;

- ses préjudices matériels, qu'il évalue à la somme totale de 4 216 euros, sont constitués par treize déplacements à la mairie de son arrondissement depuis le dépôt le 7 janvier 2014 de la demande de renouvellement de sa carte nationale d'identité, cinq déplacements au commissariat et un déplacement à la police aux frontières, le report de son voyage de retour en Algérie du fait du retrait de son passeport par la police aux frontières le 2 décembre 2015 et la perte de rémunération de trois jours de travail ;

- il établit qu'il a subi des troubles dans les conditions d'existence qu'il évalue à la somme de 7 000 euros résultant directement du défaut de vigilance des services de la préfecture de la Drôme.

La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... relève appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à lui verser la somme de 260 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise par les services de la préfecture de la Drôme dans l'instruction de la demande de renouvellement de passeport présentée par une personne usurpant son identité et demande à la cour de porter cette somme à 11 000 euros.

2. Il résulte de l'instruction que le préfet du Val d'Oise a délivré le 11 décembre 2008 une carte nationale d'identité à un individu ayant produit une déclaration de perte pour se présenter sous le nom de B... E.... Ce même individu s'est présenté sous cette identité le 20 mai 2012 à la mairie de Pierrelatte (26) pour déposer une demande de passeport en produisant également une déclaration de perte. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, les services de la préfecture de la Drôme ont découvert qu'une autre personne ayant le même état civil avait obtenu un passeport en 2007 dans le département des Bouches du Rhône et une carte nationale d'identité dans le département du Val d'Oise. Soupçonnant une usurpation d'identité, le préfet de la Drôme a saisi la direction zonale Sud-Est de la police aux frontières, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence et le bureau de la nationalité, des titres d'identité et de voyage du ministère de l'intérieur. L'appelant a été entendu au cours de l'enquête ouverte à la suite de ces signalements, et à son issue, le ministère de l'intérieur a conclu le 20 décembre 2015 qu'il bénéficiait d'un faisceau d'indices en sa faveur et une procédure de retrait de la carte nationale d'identité et du passeport de l'usurpateur a été engagée. En revanche, la plainte pour usurpation d'identité a été classée sans suite le 17 février 2015 au motif que l'enquête n'avait pas permis de retrouver l'auteur de l'usurpation. M. E... a été interdit bancaire après l'émission par l'usurpateur de chèques sans provision et s'est vu retirer son passeport à l'aéroport de Marseille par la police aux frontières le 2 décembre 2015. Un passeport temporaire lui a été délivré sur injonction du juge des référés-libertés du tribunal administratif de Marseille, par une ordonnance du 4 décembre 2015. Le 21 décembre suivant, il a adressé une demande indemnitaire d'une part, au préfet du Val d'Oise pour obtenir réparation des préjudices résultant du défaut de vigilance de ses services dans l'instruction de la demande de l'usurpateur de carte nationale d'identité et, d'autre part, au préfet de la Drôme, en réparation des préjudices résultant du défaut de vigilance de ses services dans l'instruction de la demande de passeport. Par lettre du 18 avril 2016, le préfet de la Drôme lui a proposé une indemnisation à hauteur de 60 euros, somme correspondant au surcoût causé par le report de trois jours de son voyage après la confiscation de son passeport à l'aéroport de Marseille. Par le jugement attaqué du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à lui verser la somme de 260 euros au titre de ce surcoût et des troubles dans les conditions d'existence liés au report de son voyage. Par ailleurs l'Etat a été condamné à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant des défaillances dans l'instruction de la demande de carte nationale d'identité par un jugement du 7 novembre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

3. Le tribunal administratif de Grenoble a retenu la responsabilité pour faute du préfet de la Drôme qui s'est abstenu de prendre les mesures utiles pour éviter la confiscation du passeport de M. E... par la police aux frontières le 2 décembre 2015 plus de trois ans après la demande frauduleuse effectuée dans la Drôme. Le litige en appel ne porte que sur les montants alloués au titre de l'indemnisation des différents chefs de préjudice, hormis le coût du report de trois jours du voyage.

4. Il résulte de l'instruction que le passeport délivré le 26 juin 2012 à la demande de l'usurpateur a été retourné le 5 juillet 2012 par le service des passeports de la mairie de Pierrelatte, avant son retrait effectif, à la préfecture de la Drôme.

5. M. E... soutient en premier lieu que l'émission de ce passeport lui a causé des préjudices matériels constitués par treize déplacements bimensuels à la mairie de son arrondissement depuis le dépôt le 7 janvier 2014 de la demande de renouvellement de sa carte nationale d'identité, cinq déplacements au commissariat de police et un déplacement à la police aux frontières, le report de son voyage de retour en Algérie du fait du retrait de son passeport par la police aux frontières le 2 décembre 2015 et la perte de rémunération de trois jours de travail.

6. La perte de rémunération n'est pas davantage établie en appel qu'en première instance par la seule production d'un contrat de travail dont il ressort que M. E... est salarié d'une entreprise italienne. Les difficultés que l'intéressé a rencontrées pour le renouvellement de sa carte nationale d'identité résultent de la remise en 2008 d'un tel titre à l'usurpateur par le préfet du Val d'Oise. Il n'y a donc pas lieu de condamner à nouveau l'Etat à l'indemniser de ses déplacements depuis le dépôt le 7 janvier 2014 de la demande de renouvellement de sa carte nationale d'identité ni, pour le même motif, de ses déplacements au commissariat de police pour déposer une main courante et une plainte après l'ouverture de l'enquête par la police aux frontières pour faux et usage de faux et tentative d'obtention indue de document administratif. Le tribunal administratif de Grenoble a donc fait une exacte appréciation du préjudice matériel subi par M. E... en conséquence de défaut de vigilance des services de la préfecture de la Drôme en lui allouant la somme de 60 euros au titre du surcoût de son billet d'avion.

7. En second lieu, M. E... évalue à la somme de 7 000 euros les troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis résultant directement de la faute des services de la préfecture de la Drôme et à 2 000 euros son préjudice moral qui se manifeste par une aggravation de sa dermatose liée à son état d'anxiété. S'il soutient que le délai de deux ans d'instruction de la demande de passeport déposée au mois de juin 2014 par son fils a empêché sa famille de le rejoindre pendant les vacances scolaires, ce délai est imputable au défaut de vigilance des services de la préfecture du Val d'Oise. En revanche et compte tenu des désagréments subis par M. E... à chaque entrée et sortie du territoire depuis le retrait de son passeport, il sera fait une juste appréciation des deux chefs de préjudice invoqués en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 1 000 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que le tribunal a fait une appréciation insuffisante de ses préjudices.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. E... par le jugement attaqué est portée à 1 260 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1602383 du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme A..., président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juin 2020.

2

N° 18LY03390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03390
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : MORABITO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-25;18ly03390 ?
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