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25/06/2020 | FRANCE | N°18LY00675

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 juin 2020, 18LY00675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Revel a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum, ou chacune en ce qui les concerne, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou décennale les sociétés Les Pressés de la Cité, ITF et CCSED, représentée par Me D..., ès qualité de liquidateur judiciaire, à l'indemniser des désordres affectant le bâtiment la " Maison Guimet Espace Petite Enfance ".

Par un jugement n° 1502477 du 20 décembre 2017, le tribunal a, sur le fondement de la garantie d

cennale et au titre des dépens et des frais non compris dans les dépens exposés par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Revel a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum, ou chacune en ce qui les concerne, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou décennale les sociétés Les Pressés de la Cité, ITF et CCSED, représentée par Me D..., ès qualité de liquidateur judiciaire, à l'indemniser des désordres affectant le bâtiment la " Maison Guimet Espace Petite Enfance ".

Par un jugement n° 1502477 du 20 décembre 2017, le tribunal a, sur le fondement de la garantie décennale et au titre des dépens et des frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Revel, condamné in solidum les sociétés Les Pressés de la Cité, ITF et CCSED à verser à la commune la somme de 153 891,46 euros, la société CCSED à verser à la commune la somme de 775,01 euros et la société Les Pressés de la Cité à verser à la commune la somme de 12 574,92 euros, ces sommes étant assorties des intérêts légaux, et a condamné in solidum les mêmes à verser à la commune la somme de 3 996,38 euros au titre des frais d'expertise. Le tribunal a par ailleurs fait droit aux appels en garantie croisés des sociétés condamnées.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 février 2018, Me C..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Pressés de la Cité, et la Mutuelle des architectes français (MAF), assureur subrogé de la société, représentés par la SELARL BSV, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Les Pressés de la Cité à garantir la société ITF à hauteur de 50 % des sommes mises à sa charge ;

2°) de condamner les sociétés ITF et CCSED, représentée par Me D..., à les relever et garantir à hauteur de 25 % des sommes mises à la charge de la société Les Pressés de la Cité.

Ils soutiennent que :

- au regard des conclusions de l'expert judiciaire et du rôle de chacun des locateurs d'ouvrage dans la survenance des désordres affectant l'installation de chauffage, le tribunal s'est mépris en retenant une responsabilité de la société Les Pressés de la Cité à hauteur de 50 % des condamnations prononcées, en opérant un partage de responsabilité basé sur la répartition des honoraires de maîtrise d'oeuvre ;

- la société ITF était chargée de la conception et du suivi de l'exécution des travaux confiés à la société CCSED, laquelle a manqué à son obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage sur les contraintes inhérentes à son lot et à son obligation d'exécuter et de livrer un ouvrage exempt de vice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, la société ITF, représentée par la SELARL Robichon et associés, conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société CCSED à la relever et garantir à hauteur de 15 % ou subsidiairement au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Les Pressés de la Cité ou de qui mieux le devra au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- en ce qui concerne les vices affectant l'installation de chauffage et de production d'eau chaude, le tribunal a parfaitement pris en compte les périmètres de sa propre mission et de celle de la société Les Pressés de la Cité qui a défini les volumes du bâtiment et l'implantation de l'installation ; en revanche il s'est mépris sur la part de responsabilité de la société CCSED qui a omis d'alerter l'équipe de maîtrise d'oeuvre sur le choix de l'emplacement du local technique ;

- les vibrations des équipements du local technique sont imputables à la société CCSED et aux sociétés Les Pressés de la Cité et Gaujard Technologies qui ont manqué à leur mission de contrôle ;

- le tribunal l'a condamnée in solidum avec les sociétés Les Pressés de la Cité et CCSED à indemniser la commune de la surconsommation d'électricité alors que l'expert judiciaire a imputé cette surconsommation à la société CCSED en 1er niveau.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme E...,

- et les observations de Me B... représentant la société ITF ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Revel a fait construire sur son territoire un bâtiment dénommé " Maison Guimet bâtiment espace enfance " pour l'accueil de diverses activités sociales. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint constitué entre, notamment, la société Les Pressés de la Cité, architecte et mandataire du groupement, la société ITF, bureau d'études des fluides et ventilation, et la société Gaujard technologie, bureau d'études des structures bois. Le lot n° 13 " Plomberie-Chauffage-VMC " a été attribué à la société Chauffage Climatisation Sanitaire Electricité Dauphinoise (CCSED). La réception de ce lot, assortie de réserves portant sur la programmation, le réglage et la mise en service de la ventilation mécanique contrôlée, a été prononcée le 30 septembre 2010. A la suite d'un dégât des eaux dans le bâtiment, causé par un incident survenu le 25 décembre 2010 dans le local technique situé dans les combles, la commune de Revel a adressé une déclaration de sinistre à son assureur protection juridique Groupama Rhône-Alpes Auvergne qui a diligenté une expertise qui a mis en évidence divers désordres. Le tribunal administratif de Grenoble, sur demande de cet assureur après l'échec de la voie transactionnelle, a désigné un expert judiciaire qui a déposé son rapport le 3 avril 2014. Par un jugement du 20 décembre 2017, le tribunal, saisi au fond par la commune de Revel, a condamné in solidum ou chacune en ce qui les concerne sur le fondement de la garantie décennale les sociétés Les Pressés de la Cité et ITF et la société CCSED, représentée par Me D..., liquidateur judiciaire, à indemniser la commune et a fait droit aux appels en garantie croisés. Me C..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Pressés de la Cité et l'assureur de celle-ci, la Mutuelle des architectes français, demandent à la cour que la part de responsabilité de la société Les Pressés de la Cité fixée par le tribunal à 50 % pour la somme de 153 891,46 euros mises in solidum à sa charge avec la société ITF et la société CCSED au titre des désordres affectant l'installation de chauffage et de production d'eau chaude et des vibrations des équipements du local technique, soit ramenée à 25 %. La société ITF conclut à la condamnation, d'une part, de la société Les Pressés de la Cité à la garantir à hauteur de 50 % à tout le moins de cette somme et, d'autre part, de la société CCSED à la garantir intégralement de la même somme ou à tout le moins à hauteur de 30 % et à la garantir intégralement de la somme de 4 000 euros correspondant à la surconsommation électrique.

2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Par ailleurs, un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage n'est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur que si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur.

3. Il résulte de l'instruction que, d'une part, des dysfonctionnements constatés de l'installation de chauffage tiennent à l'impossibilité de réguler les températures dans chaque pièce en fonction des besoins, alors que le bâtiment, dont les salles n'ont pas vocation à être toujours occupées simultanément, accueille de manière intermittente des enfants, qui occupent le réfectoire et les salles d'activités, et d'autres personnes, usagers de la salle de réunions. D'autre part, le fonctionnement même de l'installation génère de manière fréquente et prolongée des vibrations ressenties dans l'ensemble du bâtiment, et ce alors que la maintenance ne peut en être assurée dans des conditions normales. Le jugement du tribunal, non contesté sur ce point, a considéré que ces désordres sont de nature décennale. Il a imputé la responsabilité de ces désordres à la société CCSED, qui a réalisé l'installation de chauffage et de production d'eau chaude, et aux sociétés Les Pressés de la Cité et ITF, qui ont conçu le local technique et l'installation de chauffage dans ce local et avaient pour missions la réalisation des études d'exécution et la direction de l'exécution des travaux.

4. Pour condamner les sociétés Les Pressés de la Cité et ITF à se garantir mutuellement de la somme de 137 141,46 euros, correspondant au surcoût de maintenance et au coût des travaux d'agrandissement du local technique, et condamner la société CCSED à les garantir de la même somme, le tribunal administratif de Grenoble a retenu, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, en premier lieu, que le choix délibéré de la société les Pressés de la Cité d'implanter le local technique dans les combles est fautif en ce qu'elle n'avait pas suffisamment tenu compte du gabarit des équipements et de l'importance des vibrations émises en fonctionnement, que la maîtrise d'oeuvre avait failli, d'une part, à sa mission études d'exécution en réalisant des plans de l'installation ne comportant ni les cotes, ni les coupes, ni les détails qui auraient permis de se rendre compte que l'emplacement choisi était inadapté et, d'autre part, à sa mission de direction de l'exécution du chantier en acceptant que les travaux débutent sans les études d'exécution et se poursuivent alors que le sous-dimensionnement du local était patent. Le tribunal a fixé la part de responsabilité de la société Les Pressés de la Cité à hauteur de 50 %, celle de la société ITF à hauteur de 35 % et celle de la société CCSED à hauteur de 15 %. Compte tenu de ce que la société ITF était chargée en vertu de la convention du groupement de la mission de direction de l'exécution des travaux portant sur les fluides et la ventilation et de ce que la société CCSED a accepté d'exécuter des travaux sans études d'exécution et de les poursuivre sans émettre aucune réserve, la part retenue par le tribunal de responsabilité de la société ITF dans la survenance des désordres résultant de l'implantation en combles de l'installation doit être portée de 35 à 45 %, celle de la société Les Pressés de la Cité doit être ramenée de 50 à 25 % et celle de la société CCSED doit être portée de 15 à 30 %.

5. Le tribunal a retenu en deuxième lieu que l'absence de manchon sur les gaines de la pompe à chaleur, par ailleurs posée sur des pieds antivibratoires inadaptés, est imputable aux fautes cumulées de la société ITF, au titre de la conception de l'installation et de la direction de l'exécution du chantier sur ce point, ainsi qu'à la société CCSED, au titre de la réalisation de l'installation de chauffage. L'expert judiciaire a cependant distingué, d'une part, les vibrations transmises par les parois via les gaines de la pompe à chaleur, qui sont imputables à la seule société CCSED qui n'a pas respecté le cahier des clauses techniques particulières de son lot qui prescrivait la mise en place de dispositifs anti-vibratiles et l'atténuation de l'énergie vibratoire supérieure à 90 % et, d'autre part, les vibrations transmises par le plancher du local technique, via la pompe à chaleur en dépit des pieds antivibratoires installés par la société CCSED, imputable à la seule société ITF qui n'a pas vérifié la capacité du plancher à absorber les fréquences de la pompe à chaleur. Il s'ensuit que la société CCSED, représentée par Me D..., doit garantir intégralement la société Les Pressés de la Cité, représentée par Me C..., et la société ITF, de la somme de 4 300 euros mise in solidum à la charge des trois sociétés au titre du coût de la pose de manchons souples sur l'ensemble des gaines de la pompe à chaleur et la société ITF doit intégralement garantir la société les Pressés de la Cité et la société CCSED de la somme de 650 euros correspondant au coût de la mise en place de pieds antivibratoires adaptés.

6. En troisième lieu, le tribunal a mis à la charge in solidum des sociétés Les Pressés de la Cité, ITF et CCSED la somme de 7 800 euros pour remédier aux problèmes de régulation de températures de chauffage du bâtiment, ainsi que la somme de 4 000 euros au titre des dépenses supplémentaires d'électricité exposées en conséquence par la commune. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que ces problèmes de régulation sont dus à des manquements de la part de l'entreprise sous-traitante de la société CCSED concernant le câblage électrique et la programmation du système de chauffage. La société ITF et la société Les Pressés de la cité, représentée par Me C..., sont dès lors fondées à demander à être intégralement garanties par la société CCSED pour la somme de 11 800 euros.

7. Compte tenu de ce qui précède, la société Les Pressés de la Cité sera relevée et garantie de la somme de 137 141,46 euros à hauteur de 45 % par la société ITF et de 30 % par la société CCSED et intégralement garantie de la somme de 16 100 euros par la société CCSED et de la somme de 650 euros par la société ITF. La société ITF sera relevée et garantie de la somme de 137 141,46 à hauteur de 30 % par la société CCSED et à hauteur de 25 % par la société Les Pressés de la Cité et intégralement garantie par la société CCSED de la somme de 16 100 euros. La société CCSED sera relevée et garantie de la somme de 137 141,46 euros à hauteur de 45 % par la société ITF et de 25 % par la société Les Pressés de la Cité et intégralement garantie de la somme de 650 euros par la société ITF. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 7 et 8 du jugement n° 1502477 du tribunal administratif de Grenoble du 20 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : La société Les Pressés de la Cité, représentée par Me C..., est condamnée à garantir à hauteur de 25 % les sociétés ITF et CCSED de la somme de 137 141,46 euros.

Article 3 : La société ITF est condamnée à garantir la société Les Pressés de la Cité à hauteur de 45 % de la somme de 137 141,46 euros et cette société et la société CCSED de la totalité de la somme de 650 euros.

Article 4 : La société CCSED, représentée par Me D..., est condamnée à garantir à hauteur de 30 % la société Les Pressés de la Cité de la somme de 137 141,46 euros et cette société et la société ITF de la totalité de la somme de 16 100 euros.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me C..., ès qualité de liquidateur de la société Les Pressés de la Cité, à la société la Mutuelle des architectes français, à la société ITF et à Me D..., ès qualité de liquidateur de la société CCSED.

Copie en sera adressée à la commune de Revel.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme A..., président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juin 2020.

2

N° 18LY00675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00675
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BSV BELLIN SABATIER VOLPATO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-25;18ly00675 ?
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