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25/06/2020 | FRANCE | N°18LY00577

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 juin 2020, 18LY00577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Groupama Rhône Alpes Auvergne, subrogée dans les droits de son assurée la commune de Revel, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum sur le fondement de la garantie décennale les sociétés Les Pressés de la Cité et ITF et Me D..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société CCSED, à lui verser la somme de 30 017,89 euros assortie des intérêts légaux en réparation des désordres affectant la " Maison Guimet Espace Petite Enfance " consécutivement à

un dégât des eaux, ainsi que la somme de 6 282,57 euros au titre des frais d'expertis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Groupama Rhône Alpes Auvergne, subrogée dans les droits de son assurée la commune de Revel, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum sur le fondement de la garantie décennale les sociétés Les Pressés de la Cité et ITF et Me D..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société CCSED, à lui verser la somme de 30 017,89 euros assortie des intérêts légaux en réparation des désordres affectant la " Maison Guimet Espace Petite Enfance " consécutivement à un dégât des eaux, ainsi que la somme de 6 282,57 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1505888 du 20 décembre 2017 le tribunal a, d'une part, fait droit partiellement à sa demande en condamnant les sociétés Les Pressés de la Cité et ITF et Me D... à lui verser la somme de 28 637 euros, assortie des intérêts légaux et, d'autre part fait droit aux appels en garantie croisés des sociétés condamnées.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 février 2018, Me C..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Pressés de la Cité et la Mutuelle des architectes français (MAF), assureur subrogé de la société, représentés par la SELARL BSV, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Les Pressés de la Cité à garantir la société ITF à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge ;

2°) de condamner les sociétés ITF et CCSED, représentées par Me D..., à les relever et garantir à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à l'encontre de la société Les Pressés de la Cité.

Ils soutiennent que :

- le tribunal s'est mépris sur le rôle de chaque intervenant à la conception et à la réalisation de l'installation de chauffage à l'origine du dégât des eaux ;

- l'isolant que la société Les Pressés de la Cité avait prévu a été supprimé en accord avec la société ITF, bureau d'étude des fluides et chargée du suivi de l'exécution des travaux confiés à la société CCSED, laquelle a manqué à son obligation de conseil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, la société ITF, représentée par la SELARL Robichon et associés, conclut au rejet de la requête ou subsidiairement à la réformation du jugement attaqué, à la condamnation des sociétés CCSED et Les Pressés de la Cité à la relever et garantir à tout le moins à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Les Pressés de la Cité ou de qui mieux le devra au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- le dégât des eaux a pour origine un défaut du disconnecteur ; ce vice ne lui est pas imputable ;

- elle n'a pas pris la décision de supprimer l'isolation des combles du local technique qu'elle avait prévue initialement ;

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir relevé un défaut ponctuel de calorifugeage du disconnecteur car sa mission de suivi de chantier ne concernait que les fluides et elle ne répondait que d'une obligation de moyen qui ne lui imposait pas sa présence continuelle sur le chantier ;

- le défaut de calorifugeage du disconnecteur est imputable à la société CCSED, titulaire du lot " Plomberie-Chauffage-VMC " qui à tout le moins a manqué à son obligation de conseil en lien avec ses compétences techniques ;

- il est également imputable à la société Les Pressés de la Cité qui n'a pas émis de remarque sur le calorifugeage du disconnecteur ;

- le principe des responsabilités de cette société et de celle de la société CCSED et leur quantum tels que retenus pas le tribunal sont incontestables compte tenu de leurs erreurs respectives.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme E...,

- et les observations de Me B..., représentant la société ITF ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Revel a fait construire sur son territoire un bâtiment dénommé " Maison Guimet bâtiment espace enfance " pour l'accueil de diverses activités sociales. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint constitué entre, notamment, la société Les Pressés de la Cité, architecte et mandataire du groupement, et la société ITF, bureau d'études des fluides et ventilation. Le lot n° 4 " Structure-Paroi-Plancher-Toiture " a été attribué à la société Charpente contemporaine et le lot n° 13 " Plomberie-Chauffage-VMC " à la société Chauffage Climatisation Sanitaire Electricité Dauphinoise (CCSED). La réception des travaux du lot n° 13, assortie de réserves portant sur la programmation, le réglage et la mise en service de la ventilation mécanique contrôlée, a été prononcée le 30 septembre 2010. A la suite d'un dégât des eaux dans le bâtiment, causé par un incident survenu le 25 décembre 2010 dans le local technique situé dans les combles, la commune de Revel a adressé une déclaration de sinistre à son assureur Groupama Rhône Alpes Auvergne qui lui a versé une indemnité de 30 017,89 euros. Le tribunal administratif de Grenoble, sur demande de cet assureur, a désigné un expert judiciaire qui a déposé son rapport le 3 avril 2014. Par un jugement du 20 décembre 2017, le tribunal, saisi au fond par la société Groupama Rhône Alpes Auvergne, a condamné sur le fondement de la garantie décennale les sociétés Les Pressés de la Cité et ITF et Me D..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société CCSED, à lui verser la somme de 28 637 euros, assortie des intérêts légaux, en remboursement de la somme perçue par la commune et a fait droit aux appels en garantie croisés. Me C..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Pressés de la Cité et l'assureur de celle-ci, la Mutuelle des architectes français, demandent que la part de responsabilité de la société Les Pressés de la Cité, fixée à 50 % par le tribunal, soit ramenée à 30 %. La société ITF conclut à la réformation du jugement qui a fixé sa part de responsabilité à 35 % et à la condamnation de la société Les Pressés de la Cité et de la société CCSED, dont la part de responsabilité a été limitée à 15 % par le jugement, représentées respectivement par Me C... et Me D..., mandataires, à la garantir à tout le moins à hauteur de 50 %.

2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Par ailleurs, un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage n'est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur que si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur.

3. Il résulte de l'instruction que la rupture du disconnecteur de l'installation de chauffage du bâtiment " Maison Guimet bâtiment espace enfance " survenue le 25 décembre 2010 a causé des infiltrations d'eau dans les combles puis dans tous les niveaux inférieurs occasionnant d'importants dégâts qui ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination. Il résulte des rapports de l'expert mandaté par la société Groupama Rhône Alpes Auvergne et de l'expert judiciaire que la rupture du disconnecteur, non calorifugé et situé dans des combles partiellement isolés, est due au gel. Contrairement à ce que soutient la société ITF, l'expert judiciaire n'a pas exclu l'imputabilité du désordre à un défaut du disconnecteur en l'absence de fuite constatée lors de la mise en service de cette pièce, puisqu'il a aussi pris en considération l'absence de fissure, de zone de faiblesse, de coup ou d'intervention pouvant laisser penser à un défaut propre au disconnecteur. Le désordre, qui a donc pour origine l'absence de calorifugeage du disconnecteur et d'isolation des combles du local technique, est imputable à la société Les Pressés de la Cité, qui en sa qualité d'architecte a conçu le bâtiment, à la société ITF, bureau d'études des fluides et ventilation qui a réalisé l'étude de l'enveloppe thermique du bâtiment et avait une mission de direction de l'exécution des contrats de travaux dans son domaine de compétence et à la société CCSED qui avait à sa charge la réalisation de l'installation de chauffage.

4. Pour condamner les sociétés Les Pressés de la Cité et ITF à se garantir mutuellement et la société CCSED, représentée par Me D..., à les garantir, le tribunal administratif de Grenoble a retenu, d'une part, s'agissant de l'absence d'isolation du local technique, que la société d'architecture " Les Pressés de la cité " avait omis de la prévoir dans les documents de consultation des entreprises et le cahier des clauses techniques particulières du lot n° 4, que cette omission n'avait pas été réparée en cours d'exécution du chantier et que ni la société ITF ni la société CCSED, professionnelles aguerries, n'avaient émis de réserve sur la réalisation de l'installation dans un local partiellement isolé. Le tribunal a retenu, d'autre part, que les fautes cumulées de la société CCSED, au titre de l'exécution des travaux portant sur l'installation de chauffage, et de la société ITF, au titre de la direction de l'exécution de ces travaux, étaient à l'origine de l'absence de calorifugeage du disconnecteur.

5. Si les appelants soutiennent que la société Les Pressés de la Cité avait prévu un isolant dans le plan projet, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, et qu'il a été supprimé en accord avec le représentant de la société ITF, la société d'architecture avait néanmoins les compétences techniques pour savoir qu'il existait un risque important de gel. Par ailleurs et ainsi qu'il vient d'être dit au point 3, la société ITF à qui était confiée une mission de direction de l'exécution des travaux portant sur les fluides et la ventilation, avait réalisé l'étude de l'enveloppe thermique du bâtiment. Elle ne peut efficacement faire valoir qu'il n'est pas établi que la décision de suppression de l'isolation du local technique lui serait imputable, alors qu'elle n'a pas présenté à l'expert judiciaire de notes de calcul pour l'enveloppe thermique du local technique et les déperditions thermiques de l'installation de chauffage. En outre, elle n'a pas fait usage de son devoir de conseil au maître d'ouvrage lors des opérations de réception concernant l'absence de calorifugeage du disconnecteur. Dans ces conditions, sa part de responsabilité qui a été retenue par le tribunal dans la cause des désordres doit être portée de 35 à 40 %, celle de la société Les Pressés de la Cité doit être ramenée de 50 à 30 % et celle de la société CCSED doit être portée de 15 à 30 %. Il s'ensuit que la société Les Pressés de la Cité devra être relevée et garantie de la somme de 28 637 euros, à hauteur de 40 % par la société ITF et de 30 % par la société CCSED. La société ITF devra être relevée et garantie de cette somme à hauteur de 30 % par la société Les Pressés de la Cité et de 30 % par la société CCSED, qui sera relevée et garantie de la même somme à hauteur de 40 % par la société ITF et de 30 % par la société Les Pressés de la Cité. Le jugement attaqué doit dès lors être réformé dans cette mesure.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont chacune exposés au titre du litige.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 4 et 5 du jugement n° 1505888 du tribunal administratif de Grenoble du 20 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : La société Les Pressés de la Cité, représentée par Me C..., est condamnée à garantir la société ITF et la société CCSED à hauteur de 30 % de la somme de 28 637 euros.

Article 3 : La société ITF est condamnée à garantir la société Les Pressés de la Cité et la société CCSED à hauteur de 40 % de la somme de 28 637 euros.

Article 4 : La société CCSED, représentée par Me D..., est condamnée à garantir la société Les Pressés de la Cité et la société ITF à hauteur de 30 % de la somme de 28 637 euros.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me C..., à la Mutuelle des architectes français, à la société ITF et à Me D....

Copie en sera adressée à la société Groupama Rhône Alpes Auvergne et à la commune de Revel.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme A..., président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juin 2020.

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N° 18LY00577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00577
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BSV BELLIN SABATIER VOLPATO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-25;18ly00577 ?
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