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18/06/2020 | FRANCE | N°19LY03715

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 18 juin 2020, 19LY03715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019, par lequel la préfète de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1900793 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par un

e requête enregistrée le 30 septembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019, par lequel la préfète de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1900793 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 juillet 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour donnant droit de travailler, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la préfète a omis de saisir la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète a omis d'examiner sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète a méconnu l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la préfète a omis de saisir la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète a omis d'examiner sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète a méconnu l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2019, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2019 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être entré en France le 25 juillet 2016. Faisant valoir qu'il était âgé de seize ans et cinq mois lors de son entrée en France, il a présenté une demande de titre de séjour fondée sur l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 31 janvier 2019, la préfète de l'Allier a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...). ".

4. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil, qui dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. D'une part, il est constant qu'à la date de l'arrêté litigieux, M. B... ne justifiait pas suivre une formation professionnelle depuis six mois et ne remplissait donc pas les conditions permettant de se prévaloir de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. D'autre part, M. B... produit un jugement supplétif d'acte de naissance du 11 avril 2016, établi par le tribunal de première instance de Conakry 3-Mafanco, mentionnant comme date de naissance le 5 février 2000. Il produit également un acte de naissance établi le 14 avril 2016 sur la base de ce jugement supplétif et qui mentionne la même date de naissance.

8. Selon un rapport des services de la police aux frontières du 12 juillet 2018, la transcription du jugement supplétif ne respecte pas le délai prévu par l'article 601 du code de procédure civile guinéen. Toutefois, si l'article 601 du code de procédure civile guinéen dispose que : " Le délai de recours par une voie ordinaire est de dix jours en matière contentieuse comme en matière gracieuse ", cet article figure dans la partie du code portant " Dispositions communes à toutes les juridictions ". Les actes d'état civil relèvent de la partie portant " Dispositions particulières à certaines matières ", dans laquelle figure, notamment l'article 898, aux termes duquel : " Le dispositif de la décision portant rectification est transmis immédiatement par le Procureur de la République au dépositaire des registres de l'état civil où se trouve inscrit l'acte rectifié. / Mention de ce dispositif est aussitôt portée en marge de cet acte " et l'article 899, dont le dernier alinéa prévoit que : " Les transcription et mention du dispositif sont aussitôt opérées. "

9. Si ce même rapport mentionne que l'acte de naissance est établi sur support papier non sécurisé, ce qui ne permet pas d'être " formel d'un point de vue technique sur la conformité du document ", qu'il n'a pas été légalisé et que " des informations sérieuses " font état d'une fraude généralisée en République de Guinée, ces éléments ne suffisent pas à combattre efficacement la présomption instituée par l'article 47 du code civil.

10. Dans ces circonstances, les éléments relevés par les services de fraude documentaire ne permettent pas d'établir le caractère irrégulier, frauduleux ou inexact des documents produits. Toutefois, il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur les éléments mentionnés au point 6.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

13. Si le requérant fait valoir qu'il est bien intégré, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'est entré en France que depuis trois ans à la date de l'arrêté litigieux et n'établit pas être dépourvu de tout lien avec son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de sa vie. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

14. En quatrième lieu, il ressort de pièces du dossier que M. B... n'a pas fondé sa demande sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté comme inopérant.

15. En cinquième lieu, l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 31412, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".

16. Il résulte de ces dispositions que la préfète est tenue de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313.11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels elle envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. B... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète de l'Allier n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 19LY03715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03715
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-18;19ly03715 ?
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