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15/06/2020 | FRANCE | N°19LY00283

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 juin 2020, 19LY00283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a rejeté ses demandes, présentées le 5 avril 2017, de maintien en activité dans le corps des ingénieurs de contrôle de la navigation aérienne au-delà de la limite d'âge de départ à la retraite, alors fixée à cinquante-sept ans et quatre mois, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 102 029,40 euros en ré

paration des préjudices subis consécutivement à son éviction du service à cinquan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a rejeté ses demandes, présentées le 5 avril 2017, de maintien en activité dans le corps des ingénieurs de contrôle de la navigation aérienne au-delà de la limite d'âge de départ à la retraite, alors fixée à cinquante-sept ans et quatre mois, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 102 029,40 euros en réparation des préjudices subis consécutivement à son éviction du service à cinquante-sept ans et quatre mois.

Par jugement n° 1705631-1708281 du 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 21 janvier 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique de le réintégrer à la date à laquelle il a été contraint de prendre sa retraite ;

3°) de condamner l'État à l'indemniser des conséquences de sa radiation prématurée du service, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une réintégration devenue impossible, de condamner l'État à lui verser la somme de 102 029,40 euros à titre d'indemnités en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions de l'administration ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a procédé à tort à une substitution de motifs en invoquant des motifs non invoqués par l'administration ;

- les dispositions législatives de report à cinquante-neuf ans de la limite d'âge des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne applicables aux seuls ingénieurs nés à compter du 1er janvier 1963 et de progressivité du relèvement de l'âge limite légal de départ à la retraite antérieur de cinquante-sept ans, à raison de quatre mois pour les fonctionnaires nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1961 et de cinq mois supplémentaires pour les fonctionnaires nés entre le 1er janvier et le 31 décembre 1962, instituent une différence de traitement injustifiée et contraire au droit de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 qui interdit les discriminations indirectes notamment liées à l'âge ou de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en son article 21 ;

- l'illégalité des décisions attaquées et les informations divergentes que l'administration lui a données concernant la limite d'âge de départ à la retraite applicable à sa situation sont à l'origine de préjudices financier et moral que l'État doit être condamné à réparer.

Par mémoire enregistré le 4 mars 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire, représenté par la SCP d'avocats Matuchanski, Poupot et Valdelièvre, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2019 par ordonnance du 30 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment son article 21 ;

- la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ;

- la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, notamment son article 88 ;

- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'État ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ingénieur du contrôle de la navigation aérienne, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes d'annulation des décisions implicites de refus de le maintenir en service au-delà de la limite d'âge de départ à la retraite de cinquante-sept ans et quatre mois qui lui est applicable compte tenu de sa date de naissance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. A... fait grief au tribunal d'avoir opéré une substitution de motifs afin d'écarter le moyen tiré de la discrimination en fonction de l'âge introduite par les dispositions du II de l'article 31 et les III et XIX de l'article 38 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, en se référant aux objectifs poursuivis par le législateur que n'invoquait pas l'administration en défense, un tel moyen, qui intéresse le fond du litige, est sans effet sur la régularité du jugement et doit être écarté comme inopérant.

Sur le fond du litige :

3. Aux termes de l'article 68 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur ". Aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 31 décembre 1989, dans sa rédaction issue de l'article 38 (V) de la loi susvisée du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " La limite d'âge des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est fixée à cinquante-neuf ans, sans possibilité de report ". Aux termes de l'article 31 de cette même loi : " I. - Pour les fonctionnaires (...) dont la limite d'âge est inférieure à soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l'entrée en vigueur de la présente loi, la limite d'âge est fixée : (...) 5° A soixante-deux ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à soixante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1960 ; (...) II. - Cette limite d'âge est fixée par décret dans la limite respective des âges mentionnés au I pour les fonctionnaires atteignant avant le 1er janvier 2015 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite applicable antérieurement à la présente loi et, pour ceux atteignant cet âge entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2014, de manière croissante à raison : 1° De quatre mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2011 ; 2° De cinq mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 ".

4. Il résulte de ces dispositions combinées, d'une part, que la limite d'âge applicable à M. A..., né le 16 décembre 1961, était, compte tenu du corps auquel il appartenait et de la génération dont il relève pour l'application progressive du relèvement de cette limite jusqu'à cinquante-neuf ans, de cinquante-sept ans et quatre mois et, d'autre part, qu'il ne peut y être dérogé par une mesure individuelle.

5. Il est vrai que la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail a pour objet, en vertu de ses articles 1er et 2, de proscrire les discriminations professionnelles directes et indirectes, y compris les discriminations fondées sur l'âge. Toutefois, aux termes du paragraphe 5 de son article 2 : " (...) la présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, (...) à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui ", tandis qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne susvisée : " Est interdite toute discrimination fondée notamment sur (...) l'âge (...) ".

6. La progressivité du relèvement de l'âge limite légal de départ à la retraite institué par les dispositions transitoires citées au point 3 vise, dans le cadre du recul général de l'âge des départs à la retraite tenant compte des évolutions de l'espérance de vie et de l'état de santé et d'aptitude des populations, à laisser aux agents un temps d'adaptation suffisant, en évitant de bouleverser les projets de ceux qui sont proches de l'âge de la retraite. Loin d'introduire une discrimination au détriment des agents qui, comme M. A..., relèvent des générations intermédiaires en leur interdisant de travailler jusqu'à la limite d'âge applicable à terme, ces dispositions transitoires protègent leur droit à jouir de leur retraite sans augmentation excessive de la durée de cotisation qui pourrait revêtir, compte tenu des conditions auxquelles les intéressés ont été recrutés et ont cotisé, un caractère confiscatoire. Elles entrent donc dans le champ des exceptions visées à l'article 2 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 précitée.

7. Ainsi, en repoussant sans possibilité de report le départ des agents nés avant le 1er janvier 1963 à cinquante-sept ans et quatre mois, les dispositions législatives citées au point 3 n'ont pas introduit de discriminations contraires aux dispositions communautaires citées au point 5. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le dispositif de relèvement progressif sans possibilité de prolongation d'activité aurait dû être écarté pour lui permettre de travailler jusqu'à cinquante-neuf ans.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions implicites de rejet qui ont été opposées à sa demande de prolongation d'activité au -delà de cinquante-sept ans et quatre mois. Les conclusions de sa requête présentées aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

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N° 19LY00283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00283
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ANDRE - DESCOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-15;19ly00283 ?
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