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11/06/2020 | FRANCE | N°18LY02773

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 11 juin 2020, 18LY02773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) de l'Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Ain lui a notifié la résiliation de la convention pluriannuelle d'objectifs conclue le 12 mai 2014, d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de condamner le département à lui verser la somme de 101 460 euros.

Par un jugement n° 1606976 du 24 mai 2018, le tribunal administratif

de Lyon a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) de l'Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Ain lui a notifié la résiliation de la convention pluriannuelle d'objectifs conclue le 12 mai 2014, d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de condamner le département à lui verser la somme de 101 460 euros.

Par un jugement n° 1606976 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la résiliation de la convention et à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles, et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 9 septembre 2019, la FRAPNA de l'Ain, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 mai 2018 en tant qu'il rejette sa demande tendant à la condamnation du département de l'Ain à lui verser la somme de 101 460 euros ;

2°) de condamner le département de l'Ain à lui verser cette somme ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Ain la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préjudice qu'elle a subi du fait de la résiliation de la convention pluriannuelle d'objectifs, qui tient aux subventions dues pour les années 2016 et 2017, s'élève à 101 460 euros au titre de son préjudice financier et de la perte de chance sérieuse de réaliser certaines actions ;

- son préjudice moral doit être évalué à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2020, le département de l'Ain, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la FRAPNA de l'Ain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande tendant à la réparation du préjudice moral de la FRAPNA de l'Ain est nouvelle en appel et par suite irrecevable ;

- la résiliation de la convention est justifiée ;

- l'association ne justifie pas avoir subi un préjudice.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme B...,

- et les observations de Me C..., représentant la FRAPNA de l'Ain ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention pluriannuelle d'objectifs pour les années 2014 à 2017 signée le 12 mai 2014, le département de l'Ain s'est engagé à verser à la FRAPNA de l'Ain, en contrepartie d'un programme d'actions annuelles portant sur l'aide à la vie associative, des actions relatives à l'éducation à l'environnement et à l'éducation populaire et des actions d'expertises écologiques, une subvention d'un montant total de 202 920 euros correspondant à un coût moyen de 50 730 euros par an. Par une délibération du 6 juillet 2016, le conseil départemental a dénoncé, avant son terme, cette convention. Avisée de cette mesure par un courrier du président du conseil départemental du 22 juillet 2016, la FRAPNA de l'Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette décision de résiliation, d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 101 460 euros. La FRAPNA de l'Ain relève appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal a jugé, d'une part, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la résiliation de la convention et à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande, en tant seulement que ce jugement a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Ain à lui verser la somme de 101 460 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de l'Ain :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

3. La FRAPNA de l'Ain est ainsi recevable à demander pour la première fois en appel l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation litigieuse, qui est le même fait générateur que celui qu'elle invoquait devant le tribunal. La fin de non-recevoir opposée par le département de l'Ain, tirée de l'irrecevabilité de la demande de la FRAPNA de l'Ain au titre de son préjudice moral, ne peut donc être accueillie.

Sur la demande de la FRAPNA de l'Ain :

4. Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. De tels droits ne sont cependant créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, qu'elles découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

5. La décision de résiliation litigieuse est fondée sur le fait que la FRAPNA de l'Ain aurait eu un "comportement souvent partisan et peu constructif". Toutefois, le département de l'Ain n'apporte aucun élément de nature à établir que l'association requérante n'aurait pas respecté ses engagements ou que son comportement aurait été tel qu'il justifiait que la convention pluriannuelle d'objectifs soit résiliée. Ainsi, la décision de résiliation n'apparaît pas justifiée.

6. Il résulte de l'instruction, en particulier du bilan de l'activité de l'association pour les années 2016 et 2017, des documents financiers ainsi que du rapport du commissaire aux comptes qu'elle a produits, que la FRAPNA de l'Ain a réalisé plusieurs actions prévues par la convention au titre des années 2016 et 2017, en particulier l'organisation de l'événement dénommé "les vingt-quatre heures naturalistes", un diagnostic biodiversité de la commune d'Ambérieu-en-Bugey, l'action "Sentinelles de l'environnement" et une assistance à d'autres opérateurs pour des actions d'animation. Alors que la convention procédait à une répartition du montant de la subvention en fonction des actions organisées par l'association, le département de l'Ain n'allègue pas que les actions ainsi organisées n'auraient pas respecté les conditions mises à l'octroi de la subvention. Si le département fait valoir qu'il n'a pas expressément validé les programmes de ces actions pour 2016 et 2017 comme le prévoyait l'article VI de la convention, les modalités d'exécution de la convention et de versement des subventions ainsi prévues ne pouvaient s'appliquer dès lors que cette convention avait été résiliée. Alors que le département de l'Ain ne s'était pas engagé à financer en totalité le déficit de chacune des actions menées par l'association requérante, cette dernière n'est pas fondée à demander à être indemnisée à hauteur de son déficit constaté, soit 64 061 euros. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la somme à laquelle peut prétendre la FRAPNA de l'Ain au titre de la subvention correspondant aux actions qu'elle a réalisées s'élève à la somme de 25 730 euros par an, soit 51 460 euros.

7. Il est constant que la FRAPNA de l'Ain n'a pas réalisé les actions "identification des réseaux écologiques" et "animations à destination des collégiens" en 2016 et 2017. En se bornant à faire valoir que ces actions représentaient une part importante de la subvention versée chaque année par le département, l'association requérante n'établit pas que l'absence de réalisation de ces actions serait directement imputable à la résiliation de la convention. Elle ne peut donc prétendre à l'indemnisation qu'elle demande, au titre de la "perte de chance sérieuse de pouvoir réaliser ces actions", à hauteur de de 101 460 euros.

8. Il n'est pas établi que le préjudice invoqué lié aux changements internes d'organisation, correspondant à des perturbations dans la gestion du personnel, serait directement imputable à la décision de résiliation de la convention.

9. Il sera fait une juste appréciation du préjudice de l'association découlant de l'atteinte à sa réputation auprès de ses partenaires locaux du fait de la résiliation litigieuse en condamnant le département à verser la somme de 2 000 euros à la FRAPNA de l'Ain.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la FRAPNA de l'Ain, dont le préjudice indemnisable peut être fixé à la somme de 53 460 euros, ainsi qu'il résulte des points 6 et 9 du présent arrêt, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté l'intégralité de ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la FRAPNA de l'Ain, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au département de l'Ain une somme au titre des frais liés au litige. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge du département de l'Ain à verser à la FRAPNA de l'Ain.

DÉCIDE :

Article 1er : Le département de l'Ain est condamné à verser à la FRAPNA de l'Ain la somme de 53 460 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1606976 du tribunal administratif de Lyon du 24 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le département de l'Ain versera la somme de 2 000 euros à la FRAPNA de l'Ain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) de l'Ain et au département de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 juin 2020.

2

N° 18LY02773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02773
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-02-04-03-04 Collectivités territoriales. Commune. Finances communales. Recettes. Subventions.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELURL PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-11;18ly02773 ?
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