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04/06/2020 | FRANCE | N°19LY01010

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 04 juin 2020, 19LY01010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2015, par lequel le maire de Montluçon a délivré à la société civile immobilière (SCI) Valéa un permis de construire en vue de l'édification de deux garages.

Par un jugement n° 1600432 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 mars 2019 et un mémoire enregistré

le 7 février 2020, la SCI Valéa, représentée par la SELARL Asea, demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2015, par lequel le maire de Montluçon a délivré à la société civile immobilière (SCI) Valéa un permis de construire en vue de l'édification de deux garages.

Par un jugement n° 1600432 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 mars 2019 et un mémoire enregistré le 7 février 2020, la SCI Valéa, représentée par la SELARL Asea, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 décembre 2018 ;

2°) à titre principal de rejeter la demande de M. et Mme F... ;

3°) à titre subsidiaire de faire usage de ses pouvoirs de régularisation prévus par les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de M. et Mme F... la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. et Mme F... n'avaient pas intérêt à agir

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article UD 6 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il ne méconnaît pas davantage son article UD 13 ;

- il ne méconnaît pas davantage son article UD 2 ;

- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés ;

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2020, M. et Mme F..., représentés par la SELARL DMMJB Avocats, concluent au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SCI Valéa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'ils ont intérêt à agir et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2020, la commune de Montluçon, représentée par Maître C..., demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande de M. et Mme F.... Elle demande également qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme F... au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article UD 6 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il ne méconnaît pas davantage son article UD 13 ;

- il ne méconnaît pas davantage son article UD 2 ;

Par une ordonnance du 26 février 2020, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., représentant la SCI Valéa et de Me E..., représentant M. et Mme F... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 14 octobre 2015, le maire de Montluçon a délivré à la SCI Valéa un permis de construire sur la parcelle cadastrée BL 217, en vue, d'une part, de régulariser un garage déjà construit en limite est de la parcelle et, d'autre part, de l'édification d'un second garage en limite nord. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sur demande de M. et Mme F..., a annulé cet arrêté au motif qu'il méconnaissait les articles Ud2, Ud 6, Ud 13 du règlement du plan local d'urbanisme. La SCI Valéa et la commune de Montluçon interjettent appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI Valéa :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant, le cas échéant, les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. M. et Mme F... sont propriétaires de la parcelle cadastrée section BL n° 243 sur le territoire de la commune de Montluçon, qui est contigüe de la parcelle d'implantation du projet, de sorte qu'ils en sont voisins immédiats. L'arrêté en litige autorise, outre la régularisation du garage déjà édifié sans autorisation, la construction d'un second garage d'une hauteur d'environ 5,50 et d'une longueur de vingt-quatre mètres, situé en limite séparative de la propriété de M. et Mme F... et qui en modifiera donc de façon substantielle l'environnement immédiat. Dans ces conditions, ces derniers ont intérêt à agir contre l'arrêté contesté. Ainsi, la SCI Valéa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir soulevée devant lui.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

5. En premier lieu, aux termes de l'article Ud 6 du règlement du plan local d'urbanisme, intitulé " implantation des constructions par rapport aux voies " : " Toute nouvelle construction devra être implantée : / Soit à l'alignement d'une voie publique ou privée lorsque les constructions environnantes sont à l'alignement / Soit à 5 mètres minimum en retrait de l'alignement d'une voie publique ou privée, sauf si elle est accolée à un bâtiment existant en bon état, auquel cas elle pourra être édifiée dans son prolongement. / Dans le cas d'un aménagement global, des implantations différentes peuvent être admises sous réserve de la production d'une simulation graphique permettant de visualiser les perspectives. Le parti architectural devra être justifié et illustré par tout moyen que ce soit. / Dans toutes les situations, l'implantation sera en harmonie avec les constructions environnantes. (...) ".

6. La construction déjà édifiée, située à l'est de la parcelle et que le permis litigieux a pour objet de régulariser, est implantée à l'alignement de la rue des plantes, qui borde le terrain. En admettant même que cette partie de la rue soit privée, il ressort des pièces du dossier qu'elle est ouverte à la circulation, de sorte qu'elle doit être regardée comme une voie au sens de l'article précité. Les constructions avoisinantes ne sont pas implantées à l'alignement de la voie et respectent au demeurant, à l'exception de l'une d'entre elles, la règle de retrait de cinq mètres de l'alignement. Ainsi, la construction litigieuse devait en principe être implantée à cinq mètres minimum en retrait de l'alignement. La SCI Valéa ne justifie pas en quoi un parti architectural justifierait de déroger aux règles d'alignement prévues aux deuxième et troisième alinéa des dispositions précitées. Par suite, quand bien-même les constructions environnantes sont peu qualitatives, de sorte que le projet ne romprait pas l'harmonie avec les constructions environnantes, M. et Mme F... sont fondés à soutenir qu'en tant qu'il porte régularisation de la construction édifiée à l'est du terrain, le projet litigieux méconnaît l'article Ud6 du plan local d'urbanisme.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article Ud 13 du règlement du plan local d'urbanisme, intitulé " espaces libres et plantations " : " Les surfaces libres de toute construction ainsi que les délaissés des aires de stationnement et les surfaces destinées à être construites ultérieurement doivent être plantées ou aménagées. (...) ".

8. Si la SCI Valéa fait valoir que les surfaces d'implantation des projets seront engazonnées, ceci ne saurait suffire à les considérer comme des surfaces " plantées ou aménagées " au sens des dispositions précitées. Si cette société fait valoir qu'il ressort d'un avis de RTE que le terrain est surplombé par des lignes électriques haute tension qui empêchent l'implantation à proximité d'arbres de haute tige et qu'à la suite de nombreux remblais, la faible qualité du sol ne permet pas d'autre implantation que du gazon, ces circonstances ne permettent pas de déroger à l'application des dispositions précitées du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, la SCI Valéa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article Ud 13 du règlement du plan local d'urbanisme.

9. En troisième lieu, l'article Ud 2 du règlement du plan local d'urbanisme autorise " les constructions à usage d'habitation, leur extension et les annexes " ainsi que " toute construction compatible avec la vocation de la zone (...) ". Le préambule de la partie du règlement concernant la zone Ud indique qu'elle regroupe " les quartiers résidentiels pavillonnaires et petits collectifs qui constituent l'essentiel de la ville et les grands ensembles collectifs qui ont vocation à être intégrés dans le tissu urbain à dominante d'habitat ". Ce préambule dispose également que " Les occupations du sol admises sont l'habitat et les commerces ainsi que les services et les équipements utiles à la vie des quartiers ".

10. Le garage construit sans autorisation que l'arrêté attaqué a pour objet de régulariser comporte une surface au sol de 180 m² tandis que le second garage comportera une surface au sol de 400 m². Alors même que la maison d'habitation appartenant à la SCI Valéa se situe sur une parcelle adjacente, les dimensions de ces constructions font obstacle à ce qu'elles puissent être assimilées à de simples annexes de cette maison à usage d'emplacements de stationnement. Ces bâtiments, qui ne relèvent ainsi ni de l'habitat, ni du commerce, ni des services et les équipements utiles à la vie des quartiers, ne peuvent être regardés comme compatibles avec la vocation de la zone au sens de l'article Ud2 précité. Par suite, la SCI Valéa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de cet article.

11. Le vice mentionné au point 10 n'est régularisable ni sur le fondement de l'article L. 600-5 de l'urbanisme, ni sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du même code.

12. Il résulte de ce qui précède que la SCI Valéa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que la SCI Valéa et la commune de Montluçon demandent sur leur fondement soient mises à la charge de M. et Mme F..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article, de l'article, de mettre à la charge de la SCI Valéa le paiement de la somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme F... au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Valéa et les conclusions de la commune de Montluçon sont rejetées.

Article 2 : La SCI Valéa versera à M. et Mme F... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Valéa, à la commune de Montluçon et à M. et Mme B... F....

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juin 2020.

2

N° 19LY01010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01010
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ASEA - CABINET ALDO SEVINO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-04;19ly01010 ?
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