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04/06/2020 | FRANCE | N°18LY01583

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 04 juin 2020, 18LY01583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 9 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vèze a défini les conditions d'attribution de l'affouage et la liste des affouagistes ainsi que la décision du 27 avril 2016 du maire rejetant son recours gracieux, de condamner la commune de Vèze à lui verser une indemnité de 120 euros pour la perte de stères de bois et la somme de 50 euros en réparation de son préjudice moral et d'enjoindre à l

a commune de le rétablir dans la liste des affouagistes de la section du Mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 9 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vèze a défini les conditions d'attribution de l'affouage et la liste des affouagistes ainsi que la décision du 27 avril 2016 du maire rejetant son recours gracieux, de condamner la commune de Vèze à lui verser une indemnité de 120 euros pour la perte de stères de bois et la somme de 50 euros en réparation de son préjudice moral et d'enjoindre à la commune de le rétablir dans la liste des affouagistes de la section du Moudet et dans ses droits de membre et d'électeur de cette section.

Par un jugement n° 1601124 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 avril 2018 et un mémoire enregistré le 8 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 mars 2018 ;

2°) de faire droit à l'ensemble de ses demandes de première instance ;

3°) d'enjoindre à la commune de procéder à son inscription sur la liste des affouagistes pour l'année 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vèze la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- plusieurs conseillers municipaux étaient intéressés à l'affaire lorsqu'ils ont participé au vote de la délibération contestée ;

- la condition hivernale pour bénéficier de la qualité d'affouagiste fixée par la délibération contestée est illégale ;

- il respecte les conditions posées pour bénéficier de l'affouage et, notamment, celle du domicile réel et fixe en 2016.

Par des mémoires en défense enregistrés le 24 juillet 2018 et le 13 novembre 2019, la commune de Vèze, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire au prononcé d'un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 9 mars 2016 dans son ensemble ou en tant seulement qu'elle fixe comme condition pour figurer sur la liste des affouagistes de résider plus de six mois et un jour à compter du 1er novembre sur le territoire de la commune et demande à la cour de mettre une somme de 1 200 euros à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération attaquée ne fait pas grief et est dépourvue d'effet dans la mesure où par courrier du 20 septembre 2016, l'office national des forêts (ONF) a confirmé qu'il était impossible de délivrer des coupes pour l'affouage en 2016 ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code forestier ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme D...,

- et les observations de Me E... pour la commune de Vèze ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... relève appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 9 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vèze a défini les conditions d'attribution de l'affouage et la liste des affouagistes, ainsi que de la décision du 27 avril 2016 du maire rejetant son recours gracieux, à la condamnation de la commune de Vèze à lui verser une indemnité de 120 euros pour la perte de stères de bois et la somme de 50 euros en réparation de son préjudice moral et à ce qu'il soit enjoint à la commune de le rétablir dans la liste des affouagistes de la section du Moudet et dans ses droits de membre et d'électeur de cette section.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la commune :

2. Contrairement à ce que fait valoir la commune de Vèze, le fait que, par un courrier du 20 septembre 2016, l'ONF a indiqué à la commune l'impossibilité de délivrer des coupes pour l'affouage en 2016 ne rend, en tout état de cause, pas sans objet la demande d'annulation de la délibération du 9 mars 2016, dont la portée excède la seule année 2016.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient M. C..., le tribunal administratif a précisé en son point 6 les raisons pour lesquelles il a écarté le moyen tiré de ce que la condition de résidence de six mois et un jour serait illégale. Le moyen selon lequel le jugement attaqué serait à cet égard entaché d'une insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité de la délibération du 9 mars 2016 :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. ". Aux termes de l'article L. 2411-10 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. (...) L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les ayants droit non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette, la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l'espace rural. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 243-1 du code forestier : " Pour chaque coupe des bois et forêts appartenant à des communes et sections de commune, le conseil municipal (...) peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de leur consommation rurale et domestique. Ces bénéficiaires ne peuvent pas vendre les bois qui leur ont été délivrés en nature. L'Office national des forêts délivre les bois au vu d'une délibération du conseil municipal déterminant le mode de partage choisi en application de l'article L. 243-2 ainsi que les délais et les modalités d'exécution et de financement de l'exploitation. (...). ". Aux termes de l'article L. 243-2 du même code : " Sauf s'il existe des titres contraires, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes : 1° Ou bien par foyer dont le chef de famille a son domicile réel et fixe dans la commune avant la date de publication du rôle de l'affouage ; 2° Ou bien moitié par foyer et moitié par habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. Les ascendants vivant avec leurs enfants ont droit à l'affouage sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils ont la charge effective d'une famille ; 3° Ou bien par habitant ayant son domicile réel et fixe dans la commune avant la date mentionnée au 1°. Chaque année, avant une date fixée par décret, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. ". Aux termes de l'article L. 243-3 du même code : " Dans les cas mentionnés au 2° et 3° de l'article L. 243-2, le conseil municipal a la faculté de décider que, pour avoir droit de participer au partage par habitant de l'affouage, il est nécessaire, à la date de la publication du rôle de l'affouage, de posséder depuis un temps qu'il détermine, mais qui n'excède pas six mois, un domicile réel et fixe dans la commune. Les usages contraires à ces modes de partage sont et demeurent abolis. ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si les membres d'une section ont, dans les conditions qui résultent soit de décisions des autorités municipales, soit d'usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou ces droits. Ainsi, la section de commune dont les revenus en espèces doivent être employés dans son intérêt exclusif, ne peut les redistribuer entre ses ayants droit, à l'exception, lorsque cette section est propriétaire de bois soumis à l'affouage, du produit de la vente de tout ou partie de cet affouage. Le partage de l'affouage concerne la coupe de bois destinée à la satisfaction de la consommation rurale et domestique, bois de chauffage, de construction ou de réparation, des bénéficiaires de l'affouage. Ainsi, le conseil municipal, après avoir fixé le mode de partage et la quantité de bois destinée à l'affouage, quantité portée à la connaissance de l'Office national des forêts (ONF) chargé de la coupe, peut partager le produit de la vente de l'affouage aux ayants droit de la section de commune.

7. Par une délibération du 9 mars 2016, le conseil municipal de la commune de Vèze a décidé qu'une partie des bois sur les sections de la commune serait réservée à l'affouage et a désigné comme affouagistes les habitants des sections de la commune ayant un domicile réel et fixe sur la section qui y résident six mois et un jour à partir du 1er novembre et qui font fumer leur cheminée à partir de cette date, en précisant que le nombre d'habitants bénéficiaires pourra être modifié chaque année en fonction du respect de la réglementation. Il a décidé à cette occasion un mode de partage du bois par feu, c'est-à-dire par chef de famille ayant un domicile réel et fixe sur la section et a fixé la liste des affouagistes pour l'année 2016 pour les différentes sections de la commune, notamment celle de Moudet.

8. L'établissement de la liste des affouagistes par cette délibération procède d'une répartition par feu. Toutefois, la faculté laissée au conseil municipal, de subordonner l'inscription sur cette liste à l'existence d'une antériorité de domicile fixe et réel, limitée à 6 mois, n'est ouverte par les dispositions précitées du code forestier que dans le cas de partage par tête ou de partage mixte opéré par tête et par feu. Dès lors, en introduisant une telle condition dans le cas d'un partage par feu, le conseil municipal de Vèze a méconnu les dispositions précitées des articles L. 243-2 et L. 243-3 du code forestier, qui fixent de manière limitative les conditions d'attribution de l'affouage. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la délibération contestée, qui désigne comme affouagistes les habitants des sections de la commune qui y résident six mois et un jour à partir du 1er novembre et qui font fumer leur cheminée à partir de cette date, doit être annulée.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Alors qu'il a finalement été impossible de délivrer des coupes pour l'affouage en 2016, M. C... n'établit pas avoir subi un préjudice du fait de l'illégalité de la délibération contestée qui l'exclut de la liste des affouagistes pour cette année. Sa demande indemnitaire tendant à ce que son préjudice pour perte de stères de bois et son préjudice moral soient réparés doit, en tout état de cause, être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande à fin d'annulation de la délibération du 9 mars 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

11. Les documents produits en appel par M. C... établissent, par leur nombre et leur nature, qu'il disposait au cours de l'année 2016 d'un domicile réel et fixe sur le territoire de la section de commune de Moudet. Si cette circonstance est de nature à lui ouvrir de plein droit l'inscription sur la liste des affouagistes de cette section de commune, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas, en l'absence d'affouage pour l'année 2016 qu'il soit enjoint au maire de la commune de Vèze, sous astreinte, de saisir le conseil municipal afin d'inscrire M. C... sur la liste des affouagistes pour cette même année.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Vèze une somme au titre des frais liés au litige. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme de 1 000 euros à la charge de la commune de Vèze à verser à M. C....

DÉCIDE :

Article 1er : La délibération du conseil municipal de la commune de Vèze du 9 mars 2016 et la décision du 27 avril 2016 du maire rejetant le recours gracieux de M. C... sont annulées.

Article 2 : Le jugement n° 1601124 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : La commune de Vèze versera la somme de 1 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Vèze.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme G..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juin 2020.

2

N° 18LY01583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01583
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-03-01 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune. Intérêts propres à certaines catégories d'habitants. Sections de commune.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : RIQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-04;18ly01583 ?
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