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22/04/2020 | FRANCE | N°19LY03312

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 22 avril 2020, 19LY03312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. C... F... et Mme B... J... ont chacun demandé au tribunal administratif de de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 20 février 2019 par lesquels la préfète du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par deux jugements n° 1900549 et n° 1900550 du 17 mai 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administra

tif de Clermont-Ferrand a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

I) Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. C... F... et Mme B... J... ont chacun demandé au tribunal administratif de de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 20 février 2019 par lesquels la préfète du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par deux jugements n° 1900549 et n° 1900550 du 17 mai 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 21 août 2019, sous le n° 19LY03312, et un mémoire en réplique, enregistré le 26 février 2020, qui n'a pas été communiqué, M. F..., représenté par Me A... I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900549 du 17 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée vie familiale " ou de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à son profit, au titre des frais exposés non pris en charge par l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son état de santé nécessite des soins indispensables qui ne peuvent être interrompus, mêmes ponctuellement, et auxquels il ne peut pas avoir accès dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un éloignement sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision précédente ;

- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'impossibilité de de soigner dans son pays d'origine et des risques encourus en Géorgie.

Par une décision du 19 juin 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. F....

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2019, la préfète du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

II) Par une requête, enregistrée le 21 août 2019, sous le n° 19LY03329, Mme B... J..., représentée par Me A... I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900550 du 17 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée vie familiale " ou de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à son profit, au titre des frais exposés non pris en charge par l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un éloignement sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision précédente ;

- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'impossibilité de de soigner dans son pays d'origine et des risques encourus en Géorgie.

Par une décision du 19 juin 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme J....

La préfète du Puy-de-Dôme n'a pas produit de mémoire.

Mme J... a produit des pièces complémentaires le 26 février 2020, qui n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme G... D..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 20 février 2019, pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Puy-de-Dôme a refusé le renouvellement de l'attestation de demande d'asile de M. F... et de Mme J..., ressortissants géorgiens nés respectivement en 1982 et 1991, les a obligés à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai. M. F... et Mme J... relèvent appel des jugements du 17 mai 2019 par lesquels la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les deux requêtes visées ci-dessus, présentées par M. F... et par Mme J..., concernent un couple d'étrangers et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre et de statuer par le même arrêt.

Sur la légalité des arrêtés du 20 février 2019 :

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

4. En se bornant à faire état de certificats médicaux attestant que M. F... est atteint de différentes affections somatiques et psychiatriques justifiant un suivi ou un traitement médicamenteux ne pouvant être interrompu, les requérants n'établissent pas que M. F... ne pourrait voyager vers son pays d'origine muni du traitement médicamenteux dont il allègue bénéficier en France ni, par suite, qu'un retour vers la Géorgie impliquerait nécessairement une interruption de ce traitement, dont il ne précise pas la nature. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que la mesure d'éloignement de M. F... a été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 3.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés récemment en France, le 25 décembre 2017 selon leurs déclarations, et n'ont été autorisés à y résider qu'en raison des démarches qu'ils ont accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié. Rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent leur vie privée et familiale hors de France avec leurs deux enfants mineurs, qui ont vocation à les accompagner. Dans ces conditions, les décisions obligeant M. F... et Mme J... à quitter le territoire français ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, en mentionnant, dans les arrêtés en litige, que les intéressés n'entrent " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", la préfète du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

7. En premier lieu et compte tenu de ce qui précède, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'illégalité des mesures d'éloignement qui leur sont opposées entache d'illégalité les décisions fixant le pays de renvoi.

8. En deuxième lieu, les moyens des requérants, tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un éloignement sur leur situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.

9. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 4, les requérants ne sauraient soutenir que l'éloignement de M. F... vers la Géorgie constituerait, en raison de son état de santé, un traitement inhumain ou dégradant prohibé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. F... et Mme J..., dont les demandes d'asile ont été définitivement rejetées, n'apportent aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques de persécution auxquels ils allèguent être exposés en cas de retour en Géorgie. Par suite, leur moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

11. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions des requérants aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. F... et de Mme J... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., à Mme B... J... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

Mme H... E..., première conseillère,

Mme G... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 22 avril 2020.

2

N° 19LY03312, 19LY03329

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03312
Date de la décision : 22/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-22;19ly03312 ?
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