Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. I... D..., M. J... H... et M. K... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler les décisions du 9 janvier 2015 par lesquelles le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Drôme a rejeté leurs demandes en vue de bénéficier de jours de congés supplémentaires dits de fractionnement ;
2°) de constater l'illégalité du " guide de gestion " en tant qu'il ne prévoit pas le bénéfice de congés supplémentaires ;
3°) d'enjoindre au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Drôme de faire procéder par ses services à l'ajout d'un jour de congé supplémentaire sur leur compte de congés.
Par un jugement n° 1502573 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a :
- annulé les décisions du 9 janvier 2015 ;
- enjoint au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Drôme de réexaminer la demande de MM. D..., H... et E... ;
- rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 février 2018 et un mémoire, enregistré le 1er avril 2019, le SDIS de la Drôme, représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 et de rejeter la demande de MM. D..., H... et E... ;
2°) de mettre à la charge de MM. D..., H... et E... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que les dispositions de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 sont applicables au cas des sapeurs-pompiers dont le service annuel est organisé en gardes G 12 ou G 24 ;
- les moyens soulevés dans la demande des requérants ne sont pas fondés ;
- les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées dès lors qu'ils bénéficient déjà d'un nombre de jours de congés intégrant les jours de fractionnement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 mars 2019 et le 30 août 2019, M. I... D..., M. J... H... et M. K... E..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions.
Ils demandent que :
1°) soit enjoint au SDIS de la Drôme d'ajouter au décompte de leur congé un jour supplémentaire au titre de l'année 2014 ;
2°) soit mise à la charge de SDIS de la Drôme une somme de 2 000 euros pour chacun d'entre eux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les dispositions du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 leur sont applicables comme à tous les fonctionnaires, l'annualisation du temps de travail n'y faisant pas obstacle ; la notion d'obligation hebdomadaire de service n'est invoquée dans l'article 1er de ce décret que pour déterminer le nombre de jours ouvrés du congé annuel et n'a pas d'incidence sur l'application de l'alinéa 3 ;
- ils remplissaient tous les trois les conditions du bénéfice d'un jour de congé supplémentaire ;
- les jours non travaillés ne peuvent être assimilés à des jours de congés ; c'est par suite à tort que le tribunal administratif de Grenoble a refusé d'enjoindre au SDIS de la Drôme de leur accorder un jour de congé supplémentaire.
Par ordonnance du 2 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le SDIS de la Drôme, et de Me C... représentant MM. D..., H... et E... ;
Une note en délibéré présentée par le SDIS de la Drôme a été enregistrée le 6 février 2020.
Considérant ce qui suit :
1. MM. D..., H... et E..., pompiers professionnels affectés au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme, ont sollicité chacun en ce qui le concerne, en novembre 2014 l'octroi d'un jour de congé supplémentaire au titre des congés dits de " fractionnement ", prévus par l'alinéa 3 de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux. Leurs demandes ont été rejetées par des décisions du 9 janvier 2015 dont ils ont demandé l'annulation. Le SDIS de la Drôme relève appel du jugement rendu le 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 9 janvier 2015. Par des conclusions d'appel incident, MM. D..., H... et E... demandent l'annulation du jugement en tant qu'il a limité l'injonction adressée au SDIS de la Drôme à un simple réexamen de leur situation.
Sur la légalité des décisions attaquées :
2. Aux termes de l'article 1er du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 : " Tout fonctionnaire territorial en activité a droit, (...) pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés. / (...) [alinéa 3] Un jour de congé supplémentaire est attribué au fonctionnaire dont le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est de cinq, six ou sept jours ; il est attribué un deuxième jour de congé supplémentaire lorsque ce nombre est au moins égal à huit jours. ".
3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions, d'une part, que les jours de congés dont il est question sont décomptés en jours ouvrés et, d'autre part, que l'octroi d'un jour de congé supplémentaire est accordé à tout fonctionnaire territorial dès lors qu'il a pris un minimum de cinq jours ouvrés de congés en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre ou deux s'il a pris un minimum de huit jours ouvrés de congés en dehors de cette même période. Il ne résulte pas des dispositions de cet article 1er, ni d'aucune autre, que l'octroi de ce jour ou de ces deux jours de congés dits " de fractionnement " soit soumis à d'autres conditions. Ainsi, contrairement à ce que soutient le SDIS de la Drôme, la circonstance que le travail des pompiers professionnels soit organisé, en vertu du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 susvisé, au rythme de gardes de 12 ou 24 heures et selon des cycles qui peuvent n'être pas hebdomadaires, ne fait pas obstacle à ce que ceux-ci puissent se prévaloir des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 précité. Il ne ressort d'ailleurs d'aucun texte que la fixation du nombre de jours de congés des pompiers professionnels, qui relève des règles statutaires des fonctionnaires, soit régie par un autre texte que le décret du 26 novembre 1985 applicable à l'ensemble des fonctionnaires territoriaux dont font partie MM. D..., H... et E.... Le SDIS de la Drôme n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 9 janvier 2015 prises en méconnaissance de ces dispositions.
4. En second lieu, le SDIS de la Drôme expose que les pompiers professionnels qu'il gère disposent de trente-deux jours de congés annuels augmentés de quatre jours supplémentaires accordés par le président ainsi que de douze jours de récupération de temps de travail. Il ne ressort toutefois d'aucune des dispositions du " guide de gestion du temps de travail des personnels du SDIS de la Drôme " fixant, entre autres, les règles d'organisation des prises de congés, que ces personnels ont l'obligation de prendre un minimum de cinq ou huit jours ouvrés de congés en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre. Ainsi, même à supposer exactes les affirmations du SDIS de la Drôme selon lesquelles les pompiers professionnels disposent de quarante-huit jours de congés, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que ces jours incluent les deux jours dits de fractionnement dont l'octroi dépend uniquement des conditions susmentionnées. MM. D..., H... et E... sont ainsi fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que les intéressés ayant obtenu quarante-huit jours de congés, l'application du décret du 26 novembre 1985, en intégrant deux jours de fractionnement, aurait abouti au même résultat.
5. Il n'est pas contesté par le SDIS de la Drôme que MM. D..., H... et E... ont pris un minimum de cinq jours ouvrés de congés en dehors de la période du 1er mai au 30 octobre 2014. Ils sont par suite fondés à soutenir qu'en application des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985, un jour ouvré de congé supplémentaire doit leur être accordé. Par suite c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a refusé d'enjoindre au SDIS de la Drôme de leur accorder un tel jour au titre de l'année 2014 et son jugement doit être annulé dans cette mesure.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, MM. D..., H... et E... avaient droit au bénéfice d'un jour ouvré de congé supplémentaire au titre de l'année 2014. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement de circonstance de fait ou de droit fasse obstacle à l'octroi de ce jour de congé. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative d'enjoindre au président du SDIS de la Drôme d'accorder un jour de congé supplémentaire à MM. D..., H... et E... au titre de l'année 2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
7. Les dispositions précitées l'alinéa 3 de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 ne donnant pas de précision sur les modalités de décompte de ce jour ouvré dit de fractionnement, il ne découle pas nécessairement de ce qui précède que l'octroi du jour de congé mentionné au paragraphe précédent doit se traduire par l'imputation sur le nombre de gardes de 24 heures ou de 12 heures à hauteur d'une garde de l'une ou l'autre de ces durées. Le surplus des conclusions à fin d'injonction de MM. D..., H... et E... doit par suite être rejeté.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. D..., H... et E..., qui ne sont pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions du SDIS de la Drôme en ce sens doivent être rejetées.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du SDIS de la Drôme une somme de 2 100 euros qu'il paiera à MM. D..., H... et E... à raison d'un tiers de cette somme à chacun, au titre des frais non compris dans les dépens que ces derniers ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête du SDIS de la Drôme est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 1502573 du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 est annulé en tant qu'il n'a pas enjoint au SDIS de la Drôme d'octroyer à MM. D..., H... et E... un jour ouvré de congé supplémentaire au titre de l'année 2014.
Article 3 : Il est enjoint au SDIS de la Drôme d'accorder un jour de congé supplémentaire à MM. D..., H... et E... au titre de l'année 2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le SDIS de la Drôme versera une somme de 700 euros chacun à MM. D..., H... et E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de MM. D..., H... et E... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au Service Départemental d'Incendie et de Secours de la Drôme et à MM. I... D..., J... H... et K... E....
Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme G... A..., présidente de chambre,
Mme L..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2020.
No 18LY008272