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03/04/2020 | FRANCE | N°18LY03053

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 avril 2020, 18LY03053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Tokyo Electron Europe Limited a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, acquittée au titre des exercices 2013 et 2015.

Par un jugement n° 1600077 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2018, la société Tokyo Electro

n Europe Limited, représentée par Me D... et Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Tokyo Electron Europe Limited a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, acquittée au titre des exercices 2013 et 2015.

Par un jugement n° 1600077 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2018, la société Tokyo Electron Europe Limited, représentée par Me D... et Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;

2°) de prononcer la restitution de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Tokyo Electron Europe Limited soutient que :

- les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, telles qu'appréciées par l'administration, sont contraires au principe communautaire de liberté d'établissement, lequel implique notamment le libre choix entre la forme juridique de la filiale ou de la succursale pour l'exercice d'une activité dans un autre État membre, qui ne doit pas être entravé par des dispositions fiscales discriminatoires de l'État d'accueil ; or une société n'est pas traitée de la même manière au regard de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés selon qu'elle exerce son activité française au travers d'une succursale ou d'une filiale ; en effet, le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés d'une filiale établie en France et exerçant son activité économique en France détenue par une société résidente ou non résidente n'est apprécié qu'en fonction du seul chiffre d'affaires de cette filiale française ; en revanche, si cette même activité exercée en France est réalisée par le truchement d'une succursale détenue par une société non résidente établie dans un autre Etat membre, le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés sera apprécié en fonction du chiffre d'affaires mondial de la société non-résidente ;

- les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont également contraires au principe de non-discrimination prévu par la convention fiscale tendant à l'élimination des doubles impositions conclue le 19 juin 2008 entre la France et le Royaume-Uni.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- il convient de comparer la situation d'une société non résidence disposant d'une succursale résidente et celle d'une société résidente, laquelle peut notamment être la filiale d'une société non résidente ; au regard du régime de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, le traitement de l'une n'est pas moins avantageux que le traitement de l'autre ;

- les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ne sont contraire ni à la liberté d'établissement, ni à la convention fiscale tendant à l'élimination des doubles impositions conclue le 19 juin 2008 entre la France et le Royaume-Uni.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 54 ;

- la convention fiscale tendant à l'élimination des doubles impositions conclue le 19 juin 2008 entre la France et le Royaume-Uni ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme G..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Tokyo Electron Europe Limited a son siège social au Royaume-Uni et dispose d'un établissement à Meylan à raison duquel elle est assujettie à l'impôt sur les sociétés. Par une réclamation du 22 octobre 2015, elle a sollicité la restitution de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts qu'elle estime avoir versée à tort au titre des exercices clos en 2013 et 2015. Sa demande a été rejetée par une décision du 10 novembre 2015. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la restitution de la contribution exceptionnelle versée au titre de ces deux exercices.

2. Aux termes de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " I. - Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe ".

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 de laquelle elles sont issues, que le législateur a entendu soumettre les grandes entreprises à une contribution supplémentaire, compte tenu de leurs capacités contributives plus fortes. A cette fin, il a prévu un seuil de chiffre d'affaires de 250 millions d'euros, au-delà duquel cette contribution est due. Ce seuil s'apprécie par référence aux recettes tirées de l'ensemble des opérations réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle normale exercée en France et hors de France, quel que soit le régime fiscal du résultat des opérations correspondant à ce chiffre d'affaires.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre ". Aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres ". Le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un État membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement.

5. La société Tokyo Electron Europe Limited soutient que le principe de liberté d'établissement implique que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère et, en conséquence, celui de non-discrimination.

6. Toutefois, l'existence d'une différence entre les chiffres d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation du seul seuil d'assujettissement à cette contribution, et non pour la détermination de son assiette, selon que les sociétés étrangères exercent des activités en France dans le cadre d'une succursale ou dans le cadre d'une filiale, qui est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale, ne constitue pas, par elle-même, une entrave à la liberté d'établissement et au libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre. L'Etat membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés y opérant, est seulement tenu d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables.

7. Au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre Etat membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre Etat membre. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société qui serait de nature à compromettre le libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère, ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 25 de la convention fiscale tendant à l'élimination des doubles impositions conclue le 19 juin 2008 entre la France et le Royaume-Uni : " L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité ".

9. D'une part, au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie au Royaume-Uni disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France et y exerçant la même activité dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt.

10. D'autre part, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable que celle qui serait la sienne si son activité était exercée en France par l'intermédiaire d'une filiale, et non d'une succursale, dès lors que le principe de non-discrimination n'implique pas que les différentes structures susceptibles d'être choisies par les opérateurs pour exercer leurs activités économiques soient soumises à un seul et même traitement fiscal alors, de surcroît, que la filiale et la succursale françaises d'une société résidente ne font pas elles-mêmes l'objet d'un traitement similaire. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait fait une application des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts contraire au principe de non-discrimination résultant du 2 de l'article 25 de la convention fiscale déjà mentionnée doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Tokyo Electron Europe Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Tokyo Electron Europe Limited est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tokyo Electron Europe Limited et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B... présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 3 avril 2020.

5

N° 18LY03053

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03053
Date de la décision : 03/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-08 Contributions et taxes. Parafiscalité, redevances et taxes diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-03;18ly03053 ?
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