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03/04/2020 | FRANCE | N°18LY02802

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 avril 2020, 18LY02802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Lebhar a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et la décharge de la majoration de 40 % appliquée à un chef de rectification.

Par un jugement n° 1602045 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2018 et

le 21 mars 2019, la SAS Lebhar, représentée par Me G... et Me C..., demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Lebhar a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et la décharge de la majoration de 40 % appliquée à un chef de rectification.

Par un jugement n° 1602045 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2018 et le 21 mars 2019, la SAS Lebhar, représentée par Me G... et Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 juin 2018 ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions et la décharge de la pénalité ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Lebhar soutient que :

Sur la remise en cause du bénéfice du crédit d'impôt recherche :

- les activités développées par elles sont éligibles au crédit d'impôt recherche dès lors que les travaux qu'elle a entrepris ont eu pour but d'améliorer la performance de la machine ou de la rendre totalement compatible à son activité ; ses travaux ont concouru à trouver une solution aux défaillances techniques ou, à tout le moins, à mettre en conformité la machine par rapport à ses besoins ; elle est la seule à posséder un tel matériel numérique pour réaliser des impressions sur des cartons épais à destination des emballages de pâtisserie et de chocolats ; la doctrine BOI-BIC-RICI-10-10-40 confirme son analyse ;

- les travaux de recherche et de développement réalisés de 2009 à 2011 s'inscrivent dans le prolongement de ceux entrepris en 2003 et 2004 pour lesquels elle avait bénéficié du crédit d'impôt recherche ;

- s'agissant de l'assiette des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche, il n'y a pas lieu de procéder à une proratisation de la dotation aux amortissements de la presse ; les dépenses de personnels s'entendent de celles qui sont définies à l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts ; aucune disposition n'interdit de procéder à une détermination forfaitaire du temps de travail consacré à la recherche pour les personnels affectés à des tâches de recherche et à d'autres fonctions ; les rémunérations des opérateurs de machines pouvaient être prises en compte ;

Sur la remise en cause du bénéfice du crédit d'impôt métier d'art :

- elle s'est vu délivrer le label Entreprise du patrimoine vivant par décision du ministre de l'économie le 28 octobre 2014 et son activité est la même qu'au cours des années précédentes ;

- les charges sociales des doreurs, graphistes, maquettistes et typographes doivent être prises en compte ;

Sur la majoration pour manquement délibéré :

- elle a commis une erreur d'interprétation des textes en pensant entrer dans le champ de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts et a déclaré la plus-value litigieuse ;

- elle a reconnu son erreur au cours du contrôle et n'a pas recherché à se soustraire délibérément de l'impôt.

Par un mémoire enregistré le 25 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- des dépenses concourant à des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes en vue de développer des fonctionnalités correspondant aux besoins spécifiques des clients n'entrent pas dans le champ du crédit d'impôt recherche ; ses moyens relatifs à l'assiette du crédit d'impôt recherche ne sont pas fondés ;

- l'activité de la SAS Lebhar relève de la fabrication de cartonnages de présentation et le seul fait de concevoir des équipements sur mesure ne suffit pas à caractériser l'existence d'un nouveau produit ; la SAS Lebhar ne conçoit pas de nouveaux produits ; subsidiairement, seuls les salaires afférents aux salariés directement chargés de la conception des produits sont éligibles au dispositif ;

- à supposer même qu'elle ait cru pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, cela ne justifiait aucunement la non-imposition de la totalité de la plus-value réalisée de sorte que la pénalité est justifiée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme F..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Lebhar, spécialisée dans le cartonnage et qui a pour activité la confection de boîtes pâtissières et de chocolats, l'emballage carton alimentaire et le papier pour les métiers de bouche, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2009, 2010 et 2011, à l'issue de laquelle l'administration a, d'une part, remis en cause le crédit d'impôt prévu en faveur des dépenses de recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts et le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art prévu par l'article 244 quater O du même code dont la société s'était prévalue au titre de la période vérifiée et, d'autre part, réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2011 une plus-value constatée à l'occasion de la cession d'un bien immobilier à Paris déduite du résultat fiscal et que la société avait déclarée en " plus-value à étaler ". Par la présente requête, la SAS Lebhar relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause des crédits d'impôt auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos 2009, 2010 et 2011 et tendant à la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée à l'imposition de la plus-value rappelée au titre de l'exercice clos en 2011.

Sur le crédit d'impôt en faveur des dépenses de recherche :

2. A l'appui de ses conclusions, la SAS Lebhar soulève le même moyen que celui soulevé devant le tribunal administratif, tiré de ce que les travaux qu'elle a entrepris sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt en faveur des dépenses de recherche prévu aux article 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. La SAS Lebhar soutient que la documentation administrative BOI-BIC-RICI-10-10-40 confirme son analyse. A supposer qu'elle ait entendu ainsi s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle ne rentre pas dans le champ de cette instruction administrative qui concerne les entreprises du secteur " textile, habillement et cuir ". Par ailleurs, la circonstance que l'administration n'a pas remis en cause le crédit d'impôt qu'elle a déclaré pour des travaux de recherche et de développement identiques, au titre des années 2003 et 2004 ne constitue pas une prise de position formelle dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Sur le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art :

4. Aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts : " I. - Les entreprises mentionnées au III (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; 2° Des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la conception des nouveaux produits mentionnés au 1° et à la réalisation de prototypes ; (...) 5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et de la réalisation de prototypes ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 1° (...) ". Aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code, alors applicable : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes ".

5. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la seule circonstance qu'une entreprise artisanale exerce un ou plusieurs métiers d'art n'est pas suffisante pour lui permettre d'être éligible au crédit d'impôt et, d'autre part, que les opérations de conception de nouveaux produits ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt consistent en la mise en oeuvre de moyens visant à la production d'un travail de création original. A cet égard, la circonstance que des équipements seraient conçus et fabriqués sur mesure par des personnels mettant en oeuvre un savoir-faire exigeant pour répondre à la demande individuelle de chaque client, constituant ainsi autant d'ouvrages d'artisanat d'art différents et uniques, ne suffit pas à caractériser un travail de conception d'un nouveau produit au sens des dispositions précitées.

6. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent. En particulier, il doit procéder à l'examen concret de la production de l'entreprise en vue de déterminer si elle est constituée de produits ou de gammes de produits nouveaux.

7. En appel, la requérante se borne à se prévaloir de l'obtention du label " entreprise du patrimoine vivant " en 2014, qui révèlerait à postériori qu'elle était éligible au dispositif du crédit d'impôt pour les métiers d'art pour les années en litige. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, une telle circonstance n'est pas suffisante pour lui permettre d'être éligible à ce dispositif, qui est également soumis à la condition tenant à la conception de nouveaux produits. L'activité de la société consiste en l'espèce à personnaliser des produits existants, assiettes ou plateaux, en y inscrivant un texte ou un décor par un marquage à chaud. Il ne résulte pas de l'instruction que, ce faisant, la SAS Lebhar serait à l'origine de produits ou de gammes de produits nouveaux au sens de l'article 244 quater O du code général des impôts. Dès lors l'administration pouvait pour ce seul motif remettre en cause le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dont la SAS Lebhar s'était prévalue.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

8. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité, le service a relevé que la SAS Lebhar avait réalisé en 2011 une plus-value à l'occasion de la cession d'un appartement et ses dépendances et de deux emplacements de stationnement d'un montant de 755 000 euros et que la société n'ayant pas déclaré cette plus-value, elle n'avait par conséquent pas été imposée, en méconnaissance du a du I de l'article 219 quater du code général des impôts. Le vérificateur a réintégré cette plus-value dans les résultats de la SAS Lebhar, ce qui a donné lieu à un rehaussement en matière d'impôt sur les sociétés, que cette dernière ne conteste pas. Elle conteste toutefois la majoration pour manquement délibéré dont ce rehaussement a été assorti.

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour infliger à la société une majoration pour manquement délibéré à raison de cette omission, l'administration a retenu que la société ne pouvait ignorer le caractère imposable de cette plus-value compte-tenu de sa taille et de l'organisation de son service comptable. L'administration fait valoir en particulier que le mécanisme d'étalement prévu par l'article 39 quaterdecies du code général des impôts ne s'applique pas aux sociétés imposables à l'impôt sur les sociétés, ce que la SAS Lebhar ne pouvait ignorer, et qu'en tout état de cause, le bénéfice de l'étalement de l'imposition de la plus-value à court terme sur trois ans aurait dû conduire à l'imposition d'un tiers au moins de la plus-value et non à son exonération totale au titre de l'exercice considéré. Ainsi, et quand bien-même l'opération avait été enregistrée comptablement, l'administration établit l'intention délibérée de la SAS Lebhar d'éluder l'impôt, la circonstance que cette dernière a reconnu son erreur en cours de contrôle ne permettant pas de conclure a posteriori à l'absence d'intention d'éluder l'impôt au moment de sa déclaration.

11. Il résulte de ce qui précède que la SAS Lebhar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi que celles tendant au versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Lebhar est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Lebhar et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B... présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 3 avril 2020.

5

N° 18LY02802

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02802
Date de la décision : 03/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : AMELIE LIEVRE-GRAVEREAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-03;18ly02802 ?
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