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02/04/2020 | FRANCE | N°19LY04273

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 02 avril 2020, 19LY04273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1901682, Mme E... B... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

- Sous le n° 1901683, M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligé à qui

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1901682, Mme E... B... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

- Sous le n° 1901683, M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par deux jugements n°s 1901682 et 1901683 du 17 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

I°) Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, M. F..., représenté par Me A... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901683 du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète du Puy-de-Dôme du 5 août 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une admission exceptionnelle au séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la préfète a méconnu son droit à être entendu préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre, la conduisant à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- sa situation personnelle devait conduire la préfète à lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- l'arrêté en litige méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 décembre 2019.

II°) Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, Mme B... épouse F..., représentée par Me A... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901682 du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète du Puy-de-Dôme du 5 août 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une admission exceptionnelle au séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la préfète a méconnu son droit à être entendue préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre, la conduisant à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa situation personnelle devait conduire la préfète à lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- l'arrêté en litige méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le mémoire produit par la préfète du Puy-de-Dôme, enregistré le 24 février 2020 postérieurement à la clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.

Mme B... épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., ressortissants albanais, nés respectivement en 1996 et 1998, sont entrés irrégulièrement en France le 1er juillet 2019 accompagnés de leurs deux enfants nés en 2013 et 2016. Leur demande d'asile a été examinée en application de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 juin 2019, notifiée le 15 juillet 2019. En conséquence, par deux arrêtés du 5 août 2019, la préfète du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé. Par deux jugements du 17 octobre 2019, dont M. et Mme F... relèvent appel chacun en ce qui le concerne, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions.

2. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, ces deux requêtes qui présentent à juger des questions semblables et relatives à la situation de membres de la même famille.

3. En premier lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, ne saurait ignorer qu'il pourra le cas échéant faire l'objet, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui auront été définitivement refusés, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, ou à tout moment au cours de l'instruction de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, qui seraient de nature, le cas échéant, à faire obstacle au prononcé à son encontre d'une mesure d'éloignement. Le droit d'être entendu n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise à la suite du refus définitif de sa demande d'asile.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme F... auraient sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture du Puy-de-Dôme au cours de l'instruction de leurs demandes d'asile, ni qu'ils auraient été empêchés de porter spontanément à la connaissance de la préfète des éléments d'information susceptibles d'influer sur le sens des décisions prises à leur encontre. Ainsi, le moyen tiré de ce que la préfète aurait pris à leur encontre une mesure d'éloignement sans avoir respecté leur droit à être entendus doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) "

6. Les pièces que Mme B... épouse F... produit à l'instance attestent qu'elle est enceinte de cinq mois à la date de la décision contestée et qu'elle a bénéficié, postérieurement à cette date, d'une injection d'immunoglobulines anti-D afin de prévenir les risques résultant de l'incompatibilité entre le rhésus de la mère et celui de l'enfant. Néanmoins, ces pièces ne permettent pas d'établir, à la date de la décision en litige, ni que son état de santé nécessite des soins et un suivi particulier dont l'absence pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement de ce suivi et de ces soins en Albanie. Le moyen invoqué par l'appelante tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

7. En troisième lieu, les appelants invoquent la grossesse de Mme F..., la présence en France de leurs deux enfants en bas âge, celle du demi-frère de M. F..., amputé des deux jambes et à qui ils apportent leur aide dans les actes de la vie courante, ainsi que la circonstance qu'ils ont déposé chacun une demande de titre de séjour. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que les intéressés sont entrés en France récemment à la date des décisions en litige, après avoir vécu respectivement vingt-trois et vingt-et-un ans dans leur pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme F... ferait obstacle à son éloignement ni que la présence du couple auprès du demi-frère de M. F... lui serait indispensable. Par ailleurs, leur demande de titre de séjour est postérieure à la date de la décision en litige et les intéressés ne font état d'aucune intégration particulière sur le territoire national. Ainsi, ils ne sont pas fondés à soutenir que la préfète aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.

8. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions, issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, que pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, l'étranger dispose en principe d'un délai de trente jours à compter de la notification de la mesure d'éloignement. Ces mêmes dispositions donnent, en particulier, à l'autorité administrative la faculté de décider à titre exceptionnel d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en raison de sa situation personnelle. Néanmoins, M. et Mme F..., compte tenu de ce qui a été dit précédemment, n'établissent pas que le délai accordé par la préfète du Puy-de-Dôme aurait été insuffisant pour leur permettre de quitter volontairement le territoire national et ne font état d'aucune circonstance exceptionnelle de nature à influer sur le délai ainsi accordé.

10. En dernier lieu, M. et Mme F... soutiennent qu'ils ne peuvent être renvoyés en Albanie en raison des risques qu'ils encourent pour leur vie du fait de l'application de la loi coutumière du Kanun. Toutefois, à la date de la décision contestée, le directeur général de l'OFPRA avait rejeté leur demande d'asile et s'ils font valoir qu'ils ont formé appel de cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, ils n'apportent à la cour aucun élément nouveau sur les risques encourus personnellement en cas de retour dans leur pays d'origine. Le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination ont été prises en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande. En conséquence, leurs requêtes doivent être rejetées y compris leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme F... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., à Mme E... B... épouse F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

2

N°s 19LY04273, 19LY04278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04273
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : EL MOUKHTARI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;19ly04273 ?
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