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02/04/2020 | FRANCE | N°18LY01787

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 avril 2020, 18LY01787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société France collectivité hygiène a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 48ème section de l'unité territoriale du Rhône a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... D..., ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique née le 4 décembre 2015, et d'autoriser le licenciement de M. D... pour faute grave ou, à tout le moins, pour faute réelle et sérieuse.

Par un jugement n° 1600508

du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société France collectivité hygiène a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 48ème section de l'unité territoriale du Rhône a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... D..., ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique née le 4 décembre 2015, et d'autoriser le licenciement de M. D... pour faute grave ou, à tout le moins, pour faute réelle et sérieuse.

Par un jugement n° 1600508 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 mai 2018, 14 décembre 2018 et 5 juin 2019, la société France collectivité hygiène, représentée par Me E..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler ce jugement du 20 mars 2018 et la décision du 30 juin 2015 de l'inspectrice du travail ainsi que la décision implicite du ministre du travail portant rejet de son recours hiérarchique.

Elle soutient que :

- la procédure menée devant le comité d'entreprise est régulière ;

- les faits motivant la demande d'autorisation de licenciement de M. D... sont matériellement établis et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- il n'existe pas de lien entre cette demande et les mandats détenus par M. D....

Par mémoire enregistré le 6 mai 2019, M. B... D..., représenté par Me A..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société France collectivité hygiène une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés et que la procédure suivie devant l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail sur le délai de quarante-huit heures qui doit au maximum séparer la délibération du comité d'entreprise et de la demande d'autorisation de licenciement et que la convocation qui lui a été adressée pour la réunion du comité d'entreprise n'était pas régulière.

La requête a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit d'observations.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2019 par ordonnance du 18 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour la société France collectivité hygiène, ainsi que celles de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société France collectivité hygiène, qui exerce une activité de distribution de produits et matériels de nettoyage destinés aux professionnels, a sollicité le 7 mai 2015 l'autorisation de licencier pour faute M. D..., exerçant les fonctions de responsable des expéditions et investi des mandats de membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de délégué au sein de la délégation unique du personnel. Par décision du 30 juin 2015, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation demandée. La société France collectivité hygiène a formé un recours hiérarchique devant le ministre du travail qui a été implicitement rejeté le 4 décembre 2015. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité de la décision de l'inspectrice du travail du 30 juin 2015 :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

3. En premier lieu, aux termes des dispositions, alors applicables, de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Tout licenciement envisagé par l'employeur (...) d'un membre élu du comité d'entreprise (...) ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est obligatoirement soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-9 du même code : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

4. Le comité d'entreprise de la société France collectivité hygiène s'est réuni le 30 avril 2015 à 9 heures pour émettre un avis sur le projet de licenciement de M. D.... Il ressort des termes du procès-verbal de séance que, lors des trente premières minutes de la réunion, le président du comité d'entreprise a rappelé l'ordre du jour et a apporté des précisions sur le déroulement de la réunion extraordinaire du jour en exposant les faits reprochés à M. D.... Ce dernier, qui n'avait pas à être convoqué à la même heure que les autres représentants du personnel, n'a été auditionné qu'à compter de 9 heures 30, conformément à l'heure indiquée dans sa convocation. A supposer même que les motifs de la procédure disciplinaire n'aient pas été rappelés à M. D... lors de son arrivée à la réunion, ce qui est d'ailleurs contredit par plusieurs attestations versées au dossier, celui-ci en a nécessairement eu connaissance lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 28 avril 2015 avec son employeur. En outre, il est constant qu'un échange a eu lieu, en séance, entre les membres du comité d'entreprise et M. D... au sujet des griefs invoqués par l'employeur. Dans ces conditions, le comité d'entreprise, qui a eu connaissance de l'ensemble des informations nécessaires et a pu auditionner M. D... sur les faits reprochés, a été mis à même d'émettre son avis, lequel a été d'ailleurs défavorable au projet de licenciement, en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation, tandis qu'aucun grief n'a été évoqué par cette instance consultative en dehors de la présence de M. D.... La procédure suivie devant le comité d'entreprise n'ayant pas été irrégulière, l'inspectrice du travail ne pouvait se fonder sur ce motif pour rejeter la demande d'autorisation de licenciement présentée et c'est également à tort que les premiers juges ont rejeté, pour ce seul motif, la requête présentée par la société France collectivité hygiène à l'encontre de la décision prise le 30 juin 2015 par l'inspectrice du travail.

5. En deuxième lieu, la demande d'autorisation de licenciement reposait sur les griefs tirés, d'une part, de la conduite sans permis de véhicules durant les heures de travail et, d'autre part, d'insubordination. L'inspectrice du travail dans sa décision du 30 juin 2015 a écarté ces griefs en considérant qu'ils n'étaient pas établis ou qu'ils n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. D....

6. M. D... a indiqué à son employeur, à son retour de congé maladie en mars 2015, ne plus être titulaire du permis de conduire depuis l'annulation juridictionnelle de ce titre prononcée le 26 mai 2009. Si la société France collectivité hygiène soutient que M. D... a, de par ses fonctions de responsable des expéditions de marchandises, été amené à utiliser un véhicule de l'entreprise pour remplir certaines des missions qui lui étaient confiées à compter de mai 2009, il ne ressort pas des pièces versées, notamment de la lettre d'engagement de M. D... et de la fiche de poste, que les missions de l'intéressé ou certaines d'entre elles nécessitaient l'usage d'un véhicule, quand bien même comprenaient-elles la gestion de l'équipe des chauffeurs et la maintenance du parc automobile. En conséquence, la matérialité de tels faits ne peut être regardée comme établie.

7. Si la société France collectivité hygiène fait valoir que M. D... a refusé d'effectuer des livraisons au moyen d'un véhicule à son retour d'arrêt maladie, c'est en raison de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de conduire. Une telle circonstance, qui ne révèle aucune volonté de se soustraire aux obligations nées du contrat de travail, ne saurait revêtir le caractère d'une insubordination.

8. En revanche, il ressort des pièces versées que M. D... a lui-même reconnu avoir utilisé son véhicule personnel, sans permis, pour effectuer occasionnellement des livraisons chez des clients en rentrant de son travail ou pour se rendre dans le garage chargé d'entretenir le parc automobile de la société. De tels faits, alors qu'il appartenait à M. D... d'informer son employeur de la perte de son permis de conduire dès le mois de mai 2009 en vertu du principe de loyauté auquel est tenu tout salarié vis-à-vis de son employeur et d'exécution de bonne foi du contrat de travail visé à l'article L. 1222-1 du code du travail, constituent à eux seuls une faute d'une gravité suffisante, eu égard aux fonctions exercées par l'intéressé, pour justifier son licenciement. La décision du 30 juin 2015 de l'inspectrice du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. D... doit en conséquence pour ce motif être annulée, sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens soulevés en appel par M. D... concernant la procédure suivie par l'employeur qui n'ont pas motivé la décision en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société France collectivité hygiène est fondée à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête et à obtenir tant l'annulation du jugement que celle de la décision du 30 juin 2015 de l'inspectrice du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. D... ainsi que le rejet opposé par le ministre sur son recours hiérarchique, né le 4 décembre 2015.

Sur les frais liés au litige :

10. Il résulte de ce qui vient d'être énoncé que les conclusions présentées par M. D... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1600508 du 20 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La décision du 30 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 48ème section de l'unité territoriale du Rhône a refusé d'autoriser le licenciement de M. D... ainsi que le rejet implicite opposé par le ministre du travail au recours hiérarchique sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société France collectivité hygiène, à M. B... D... et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

2

N° 18LY01787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01787
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ALAGY BRET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;18ly01787 ?
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