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02/04/2020 | FRANCE | N°18LY00075

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 02 avril 2020, 18LY00075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Iradiologie a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler ou de résilier le marché public conclu par le centre hospitalier du Pays de Gier avec la société Emaging portant sur la fourniture de service de téléradiologie et de condamner ce centre hospitalier à lui verser la somme de 91 126,91 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1406734 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier du Pays de G

ier à verser à la société Iradiologie la somme de 45 000 euros, a mis à sa charge l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Iradiologie a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler ou de résilier le marché public conclu par le centre hospitalier du Pays de Gier avec la société Emaging portant sur la fourniture de service de téléradiologie et de condamner ce centre hospitalier à lui verser la somme de 91 126,91 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1406734 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier du Pays de Gier à verser à la société Iradiologie la somme de 45 000 euros, a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre des frais du litige et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 janvier 2018 et 7 octobre 2019, le centre hospitalier du Pays de Gier, représenté par la SELARL BLT Droit Public, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 novembre 2017 ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires de la société Iradiologie ;

3°) de mettre à la charge de cette société une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il prend acte de ce que le prix des prestations médicales ne pouvait faire l'objet d'aucune concurrence ; toutefois le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences de cette interdiction ;

- c'est à tort que les premiers juges ont accordé une indemnité à la société Iradiologie alors que cette dernière avait présenté une offre inacceptable au sens de l'article 35 du code des marchés publics ; il ressort des deux bordereaux de prix, présentés le 30 août 2013 et le 6 janvier 2014, qu'elle a illégalement consenti une remise commerciale sur les prestations médicales telles que les radiographies ;

- dès lors que son offre était inacceptable, la société Iradiologie était dépourvue de toute chance d'emporter le marché ;

- en sa qualité de défendeur de première instance, il est recevable à invoquer tous nouveaux moyens en appel ; en tout état de cause, ce moyen n'est pas nouveau puisque la société attributaire avait relevé devant les premiers juges le caractère inacceptable de l'offre de la société Iradiologie ;

- il peut se prévaloir du caractère inacceptable de cette offre alors même qu'elle a été analysée, notée et classée dans le cadre de la procédure de mise en concurrence ; il ne peut lui être reproché d'être à l'origine du caractère inacceptable de l'offre de la société Iradiologie.

Par un mémoire, enregistré le 26 mars 2019, la société Iradiologie, représentée par la SELARLU Legipublic Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 novembre 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier du Pays de Gier à lui verser une indemnité de 91 126,91 euros ;

3°) de mettre à la charge de ce centre hospitalier une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen invoqué par le centre hospitalier du Pays de Gier est nouveau en appel et par suite, inopérant et infondé ; il ne saurait être fait grief au tribunal administratif de ne pas avoir d'office déclaré son offre irrégulière ;

- en tout état de cause, son offre n'est pas inacceptable ou alors l'offre de l'attributaire l'était au même titre que la sienne ;

- si son offre devait être considérée comme inacceptable, cette situation résulte de la défaillance du centre hospitalier dans son obligation de préciser les conditions d'application du critère prix aux candidats ;

- l'évaluation par le centre hospitalier des prix concernant les examens " scanners " est nécessairement entachée d'erreurs ou d'omissions ; en tout état de cause, l'application du critère prix étant illégale, ce critère n'avait pas à entrer en ligne de compte pour l'appréciation des offres des candidats ; dans ces conditions, le marché aurait dû lui être attribué ;

- le montant de la perte de marge nette globale a été évalué à 91 126,91 euros ; il n'y a pas lieu de mettre en doute cette estimation faite par un expert-comptable.

La procédure a été communiquée à la société Acetiam qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l'assurance maladie ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., pour le centre hospitalier du Pays de Gier et celles de Me C... pour la société Iradiologie ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 6 juillet 2013, le centre hospitalier du Pays de Gier (CHPG) a lancé une consultation en vue de la passation, selon une procédure adaptée, d'un accord-cadre avec un seul opérateur portant sur la fourniture de services de téléradiologie. Par un courrier du 28 janvier 2014, le CHPG a informé la société Iradiologie du rejet de son offre, classée en deuxième position, et de l'attribution du marché à la société Emaging, devenue depuis Etiam Connect puis Acetiam. Saisi d'un recours en contestation de la validité du marché signé le 10 février 2014 et de conclusions indemnitaires, le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 9 novembre 2017, a condamné le CHPG à verser à la société Iradiologie la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière, a mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 200 euros au titre des frais du litige et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Le CHPG relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre. La société Iradiologie, par la voie de l'appel incident, demande à la cour la réformation du même jugement et la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser à hauteur de 91 126,91 euros.

Sur l'appel principal :

2. Aux termes du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics : " Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur (...) " Aux termes du III de l'article 53 de ce code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. (...) ". Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables tant aux procédures formalisées qu'à la procédure adaptée, que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables. Par suite, la circonstance que l'offre d'un concurrent évincé ait été examinée, classée et rejetée pour un autre motif ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur puisse le cas échéant, se prévaloir du caractère inacceptable de cette offre devant le juge du contrat, y compris pour la première fois en appel.

3. D'une part, aux termes de l'article R. 4127-19 du code de la santé publique : " La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. (...) ". L'article R. 4127-53 du même code prévoit que " Les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières. / Ils ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués même s'ils relèvent de la télémédecine. (...) ". Selon l'article R. 4127-67 de ce code : " Sont interdites au médecin toutes pratiques tendant à abaisser, dans un but de concurrence, le montant de ses honoraires. / Il est libre de donner gratuitement ses soins. ".

4. D'autre part, l'article L. 6316-1 du code de la santé publique définit la télémédecine comme une " forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication " mettant en rapport entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical. La tarification de l'activité de télémédecine en général et de téléradiologie en particulier, est encadrée par l'article R. 6316-5 du code de la santé publique qui renvoie aux dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. En vertu de cet article, la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie des actes et prestations réalisés par un professionnel de santé est subordonné à leur inscription sur une liste établie par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM). Le livre II de la décision du 11 mars 2005 de l'UNCAM relative à cette liste fixe la nomenclature des actes médicaux techniques pris en charge par l'assurance maladie, appelée classification commune des actes médicaux (CCAM). S'agissant des actes de radiologie conventionnelle, les tarifs fixés par la CCAM sont définis en tenant compte de la rémunération de la prestation intellectuelle du médecin et de l'ensemble des " coûts de la pratique " représentant les charges professionnelles incombant à ce même praticien. Ainsi, l'activité de téléradiologie implique nécessairement, s'agissant des actes de radiologie conventionnelle, une répartition du tarif fixé par la CCAM entre le centre hospitalier qui supporte les frais de fonctionnement et d'organisation de l'activité médicale et le radiologue " effecteur " qui interprète les images à distance et doit être rémunéré pour sa prestation.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en proposant, dans son offre mise à jour le 21 janvier 2014, une rémunération pour les actes de radiologie conventionnelle correspondant, pour chaque acte, à 32 % du tarif fixé par la CCAM au titre de la prestation intellectuelle et 20 % de ce même tarif au titre de ses propres frais de fonctionnement, la société Iradiologie n'a pas illégalement proposé un rabais sur les prestations d'interprétation des clichés de radiologie conventionnelle. Ainsi, le CHPG n'est pas fondé à soutenir que l'offre de cette société était inacceptable et que, devant être éliminée en application de l'article 53 du code des marchés publics, elle était dépourvue de toute chance de remporter le marché, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

Sur l'appel incident :

6. La société Iradiologie, dont l'offre, classée en deuxième position, ne pouvait être qualifiée d'inacceptable et dont il n'est pas contesté qu'elle avait une chance sérieuse d'obtenir le marché, a droit à l'indemnisation de son manque à gagner. Elle demande à ce que l'évaluation faite par les premiers juges soit portée à la somme de 91 126,91 euros correspondant à l'estimation, jointe à sa demande de première instance, faite par un cabinet d'expert-comptable pour la période totale d'exécution du marché.

7. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'article 2.1 du règlement de la consultation, que le marché faisant l'objet de la procédure de passation litigieuse était conclu pour une période d'exécution initiale ferme s'achevant le 31 mars 2015, renouvelable par tacite reconduction jusqu'au 31 mars 2017. Le tribunal administratif a retenu que l'indemnisation du manque à gagner de la société Iradiologie devait être calculée sur une période s'achevant le 31 mars 2017 correspondant à la période totale d'exécution du marché, reconductions comprises, et a évalué le manque à gagner subi par cette société à 45 000 euros. Toutefois, dès lors que le manque à gagner de la société Iradiologie ne revêt qu'un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'exécution initiale du contrat et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d'éventuelles reconductions, cette société n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a fait que partiellement droit à sa demande à hauteur de 45 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d'appel principal présentées par le CHPG et les conclusions d'appel incident de la société Iradiologie doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, leurs conclusions présentées au titre des frais du litige doivent l'être également.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHPG est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Iradiologie sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Pays de Gier, à la société Iradiologie et à la société Acetiam.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

2

N° 18LY00075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00075
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;18ly00075 ?
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