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12/03/2020 | FRANCE | N°19LY03307

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 12 mars 2020, 19LY03307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 5 juin 2019 par lesquels la préfète du Cantal, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence, ensemble la décision du 6 juin 2019 modifiant cette dernière décision.

Par un jugement n° 1901146 du 11 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 5 juin 2019 par lesquels la préfète du Cantal, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence, ensemble la décision du 6 juin 2019 modifiant cette dernière décision.

Par un jugement n° 1901146 du 11 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du 5 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour ;

3°) d'annuler la décision du 5 juin 2019 l'assignant à résidence, ensemble sa modification par la décision du 6 juin 2019 ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Cantal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer durant ce délai une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- l'obligation de quitter le territoire est intervenue en violation des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie de sa minorité par les documents produits à hauteur d'appel ;

- la présomption de minorité, dont il bénéficie dans le doute, a été méconnue ;

- le tribunal a inversé la charge de la preuve dès lors que l'administration n'établit pas sa majorité, en méconnaissance de l'article 388 du code civil ;

- il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalables, en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- l'interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de motivation ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- il présente des garanties de représentation ;

- l'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2019, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., se présentant comme un ressortissant ivoirien né le 28 février 2002, est entré, selon ses déclarations, irrégulièrement en France en mai 2018, et a été pris en charge en qualité de mineur isolé par l'aide sociale à l'enfance du Cantal. A la suite des conclusions défavorables émises le 9 mai 2019 par le service de la fraude documentaire de la police aux frontières sur les documents d'état civil qu'il a présentés, M. C... a été auditionné le 5 juin 2019 par les services de police. Le même jour, par deux arrêtés, la préfète du Cantal lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays d'origine pour destination, lui a interdit le retour pendant un an, et l'a assigné à résidence. M. C... relève appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 388 du même code : " (...) Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé (...) ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet ".

4. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

5. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. Selon les déclarations de M. C... lors de son audition par les services de police, l'extrait d'acte de naissance, daté du 14 août 2018, qu'il a produit aux services de l'aide sociale à l'enfance lui a été envoyé par sa mère en novembre 2018. Le rapport dressé le 9 mai 2019 à l'issue de l'analyse de ce document, remis aux services de la police aux frontières par le service d'accueil de l'intéressé, conclut à la contrefaçon, par le défaut de conformité de l'impression, en jet d'encre, l'irrégularité des mentions, et le doute sur l'authentification de la qualité de l'officier d'état civil signataire. A hauteur d'appel, M. C... produit un nouvel extrait d'acte de naissance, daté du 27 mai 2019, dont la signature, identique à celle portée sur le document du 14 août 2018, est légalisée par les autorités ivoiriennes, et un certificat de nationalité ivoirienne, daté du 18 juin 2019, dont la signature est également légalisée. Toutefois, ces documents contredisent la mention du lieu de naissance de l'intéressé, à Zouan-Hounien et non à Glangleu comme porté sur l'acte du 14 août 2018, et mentionnent pour date de naissance celle du 28 février 2002, affirmée par M. C... depuis sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et explicitement non remise en cause dans le rapport d'évaluation du 12 juillet 2018. Or, si la préfète du Cantal, à qui la requête a été communiquée sans qu'elle produise d'observations, ne conteste pas l'authenticité, laquelle n'est pas remise en cause par les pièces du dossier, de l'extrait d'acte de naissance du 27 mai 2019 et du certificat de nationalité ivoirienne du 18 juin 2019, M. C... n'établit pas, par la production de ces pièces, le lien entre sa personne et l'ensemble de ces documents.

8. Dans ces conditions, M. C..., qui par suite n'établit pas sa minorité à la date à laquelle la préfète du Cantal a pris à son encontre les décisions en litige, ne peut utilement se prévaloir, pour contester l'obligation de quitter le territoire français, des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) ".

10. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été entendu, le 3 juin 2019, par un officier de police judiciaire de la police aux frontières. A cette occasion, il a notamment refusé de se soumettre à des tests osseux en vue de vérifier son âge biologique et il a eu connaissance des conclusions de l'analyse documentaire aux termes de laquelle le document qu'il avait présenté pour justifier de son identité était estimé contrefait. Il a ainsi été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et il a pu, lors de cette audition, faire état de tous les éléments relatifs à sa situation. Il a eu dans ces conditions la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne et qui est notamment énoncé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. C... ne peut exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français et contre la décision portant son assignation à résidence.

13. M. C... reprend en appel les moyens tirés du défaut de motivation de l'interdiction de retour sur le territoire et de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision portant assignation à résidence. Ces moyens ne sont assortis d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent de nature à critiquer les motifs par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand les a à bon droit écartés. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement attaqué.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français du 5 juin 2019.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le conseil de M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie en sera adressée à la préfète du Cantal.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller,

Lu en audience publique le 12 mars 2020.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03307
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET MERAL-PORTAL-YERMIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;19ly03307 ?
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