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12/03/2020 | FRANCE | N°19LY01877

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 12 mars 2020, 19LY01877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 25 avril 2019 par laquelle le préfet de la Savoie a prolongé de deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à son encontre le 11 juin 2018.

Par un jugement n° 1903243 du 30 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2019, le préfe

t de la Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1903243 du magistrat désigné par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 25 avril 2019 par laquelle le préfet de la Savoie a prolongé de deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à son encontre le 11 juin 2018.

Par un jugement n° 1903243 du 30 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2019, le préfet de la Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1903243 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 30 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel il a obligé M. E... à quitter le territoire français et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an a été régulièrement adressé à l'intéressé à l'adresse à laquelle il avait déclaré être domicilié lors de la délivrance de son attestation de demandeur d'asile ; la circonstance que le pli a été retourné à la préfecture ne faisait pas obstacle à ce que la délai de quinze jours prévu par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir ; l'intéressé n'a avisé ni le centre d'hébergement, ni la préfecture d'un changement d'adresse ; enfin, aucun élément ne permet d'établir que sa prise en charge par le CADA ADOMA aurait cessé ;

- le tribunal a annulé à tort sa décision de prolongation d'une interdiction du retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2019, M. B... E..., représenté par Me D..., avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État de la somme de 1 200 euros au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'a pas eu connaissance de l'obligation de quitter le territoire français du 11 juin 2018 ;

- il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public, sa soeur et son époux résident régulièrement en France ; la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur d'appréciation.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;

- les observations de Me D..., représentant M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant albanais né le 8 septembre 1988 est entré en France le 27 septembre 2016 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2017 confirmée le 27 septembre 2017 par la cour nationale du droit d'asile. Le 11 juin 2018, le préfet de la Savoie a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le 25 avril 2019, il a été interpellé alors qu'il se présentait au guichet de la préfecture de la Savoie. Par décision du 25 avril 2019, le préfet de la Savoie a prolongé de deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à l'encontre de l'intéressé, le 11 juin 2018. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'accusé de réception réservé au destinataire du pli recommandé, dont les mentions sont suffisamment lisibles, que le pli contenant les décisions du 11 juin 2018 du préfet de la Savoie obligeant M. E... à quitter le territoire français et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an a été présenté le 20 juin 2018 à la dernière adresse communiquée par l'intéressé et correspondant au CADA ADOMA de Chambéry. L'intéressé qui a été avisé n'a pas retiré le pli mis en instance au bureau de poste. Les décisions du 11 juin 2018 sont ainsi réputées notifiées à la date de la première présentation, soit en l'espèce le 20 juin 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... aurait informé le préfet d'un changement d'adresse ou qu'il aurait cessé d'être hébergé au CADA ADOMA de Chambéry. Ainsi, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en ne prenant pas en compte le fait que l'intéressé n'aurait pas eu connaissance des précédentes décisions du 11 juin 2018. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé, pour ce motif, la décision du 25 avril 2019, par laquelle le préfet de la Savoie a prolongé de deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à l'encontre de M. E..., le 11 juin 2018.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. E....

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. En premier lieu, la décision a été signée par M. Patrick Lavault, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, directeur de la citoyenneté et de la légalité, en vertu d'une délégation consentie par un arrêté du préfet de la Savoie du 29 janvier 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour.

5. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision du 25 avril 2019 que le préfet de la Savoie après avoir cité les dispositions du septième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué que l'intéressé qui a fait l'objet le 11 juin 2018, de décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ne justifie pas avoir quitté le territoire français. Le préfet a également mentionné la durée et l'intensité des liens personnels et familiaux de l'intéressé en France. La décision en litige prolongeant de deux ans l'interdiction de retour de l'intéressé sur le territoire français est, par suite, suffisamment motivée en fait et en droit.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes mêmes de la décision contestée que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation personnelle de M. E....

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire qui lui a été faite le 11 juin 2018, qu'il est célibataire et sans enfant, qu'il ne justifie d'aucune activité professionnelle, ni de moyens d'existence et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Dans ces conditions, bien que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'ait pas fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement, le préfet de la Savoie n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prolongeant de deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet. Pour les mêmes raisons, la décision en litige n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que demande M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903243 du 30 avril 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... E....

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

N° 19LY01877 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01877
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MUSCILLO RAPHAËL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;19ly01877 ?
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