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12/03/2020 | FRANCE | N°18LY04601

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 12 mars 2020, 18LY04601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail, après avoir retiré sa décision implicite de rejet née le 23 mars 2017, a autorisé la société SMAC à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1704452 lu le 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 décembre 2018 et 17 avril 2019, M. D..

., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2018 ainsi ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail, après avoir retiré sa décision implicite de rejet née le 23 mars 2017, a autorisé la société SMAC à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1704452 lu le 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 décembre 2018 et 17 avril 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2018 ainsi que la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 en tant qu'elle procède au retrait de la décision implicite née le 23 mars 2017 et, à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 19 avril 2017 en tant qu'elle autorise son licenciement ;

2°) de lui allouer une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail ne pouvait retirer sa décision implicite de rejet de la demande dès lors que celle-ci n'était pas illégale, que son bénéficiaire n'en a pas demandé le retrait, que ce retrait n'est pas motivé ; en outre, l'inspecteur du travail a commis un détournement de procédure en utilisant le délai de quatre mois pour procéder au retrait en lieu et place du délai de deux mois d'instruction de la demande ;

- les faits reprochés ne sont pas établis ; le doute doit lui profiter ;

- ces faits sont prescrits ;

- la lettre de licenciement est insuffisamment motivée.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2019, la société SMAC, représentée par Me A..., demande à la cour de rejeter la requête de M. D... et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit d'observations.

La clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2019 par une ordonnance du 2 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., employé depuis le 15 octobre 2007 par la société SMAC, entreprise spécialisée dans l'enveloppe du bâtiment, exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable commercial pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il détenait le mandat de délégué du personnel titulaire jusqu'au 31 décembre 2016. La société SMAC a sollicité auprès de l'inspection du travail, par un courrier du 20 janvier 2017 reçu le 23 janvier suivant, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration pendant deux mois. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision explicite de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 retirant sa décision implicite de rejet née le 23 mars 2017 et autorisant son licenciement.

Sur la légalité de la décision en litige :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, " aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " En vertu des dispositions précitées, le délai de deux mois commence à courir lorsque l'employeur a une pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié protégé.

4. En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que, lors d'une réunion qui s'est tenue le 19 décembre 2016, peu avant la prise de fonctions de M. D... en qualité de responsable commercial dans le périmètre Auvergne-Rhône-Alpes de la SMAC est/sud-est, et permettant la transmission des dossiers relevant du portefeuille de devis de travaux géré par M. D... à ses successeurs, la direction de la société a découvert une anomalie dans la gestion d'un de ses dossiers ce qui a entraîné des recherches complémentaires, notamment par le service comptabilité de la société, lesquelles ont mis en lumière des anomalies dans deux autres dossiers dont M. D... avait la charge. En outre, il ressort des pièces versées et des attestations produites que, lors des réunions mensuelles ayant lieu sur le suivi de ces dossiers, M. D... n'a pas tenu la société informée de la réalité de l'avancement de ceux-ci en termes de facturation. Ce dernier ne peut donc utilement soutenir que son employeur était informé mensuellement de l'état financier de chacune des affaires qu'il avait dans son portefeuille. Par suite, l'employeur n'a eu connaissance des anomalies affectant les trois dossiers de M. D... consistant en l'absence de facturation ou la sous-facturation de certains travaux qu'à compter de la date de cette réunion. Dans ces conditions, les faits reprochés à M. D... n'étaient pas prescrits à la date du 6 janvier 2017 à laquelle M. D... a été convoqué à l'entretien préalable à son licenciement.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites par la société en première instance, composées des tableaux de suivi des devis et de l'activité, des factures émises par les fournisseurs et sous-traitants et se rapportant ainsi aux frais engagés par la société, qu'au cours des années 2015 et 2016, M. D... a procédé à la sous-facturation de dépenses de fournitures pour des particuliers afférents à la création d'un pool-house au sein de leur villa en ne facturant qu'une somme de 2 162 euros hors taxes aux clients pour un prix de vente réel, qui aurait dû être facturé, de 24 598,31 euros hors taxes, qu'il n'a jamais demandé la facturation d'un montant de dépenses de 4 539,90 euros hors taxes pour des travaux concernant un autre particulier à une adresse où se situait, après enquête, l'atelier d'artiste de sa propre mère et, enfin, qu'il n'a pas demandé la facturation d'un montant de 2 406 euros hors taxes de dépenses de fournitures livrées à l'adresse d'un troisième particulier. Pour ces deux derniers faits, les dépenses en cause ont été imputées à d'autres opérations. Ces faits reprochés à M. D... par la société SMAC dans sa demande d'autorisation de licenciement, matériellement établis, constituent des fautes dans l'exécution de son contrat de travail d'une gravité suffisante, eu égard aux fonctions qu'il exerçait et au préjudice financier engendré pour la société, pour justifier son licenciement.

6. En troisième lieu, le défaut de motivation de la lettre de licenciement adressée à M. D..., qui est postérieure à la décision d'autorisation contestée, est sans influence sur la légalité de celle-ci.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. " L'article L. 211-2 du même impose la motivation des décisions qui " 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ".

8. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration que, contrairement à ce que soutient M. D..., l'inspecteur du travail pouvait procéder d'office au retrait de sa décision implicite de rejet née le 23 mars 2017 sans demande de son bénéficiaire. En outre, M. D... reprend en appel et sans les assortir d'éléments nouveaux de fait et de droit, les moyens tirés de ce que l'inspecteur du travail ne pouvait retirer sa décision implicite de rejet dès lors que celle-ci n'était pas illégale, que ce retrait n'est pas motivé et de ce qu'il aurait alors commis un détournement de procédure en utilisant le délai de quatre mois pour procéder au retrait en lieu et place du délai de deux mois d'instruction de la demande. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption de motifs circonstanciés relevés à bon droit par les premiers juges.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision explicite de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 retirant sa décision implicite de rejet née le 23 mars 2017 et autorisant son licenciement.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit allouée à M. D..., partie perdante, la somme qu'il demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme que la société SMAC demande au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société SMAC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la société SMAC et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme Burnichon, premier conseiller,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

3

N° 18LY04601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04601
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : AARPI AVOCATS PARALEX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;18ly04601 ?
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