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12/03/2020 | FRANCE | N°17LY01952

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 12 mars 2020, 17LY01952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté d'agglomération du pays voironnais (CAPV) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner, in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, les sociétés Rainero et Cie, Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval, à lui verser les sommes de 119 889,72 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des travaux de réfection induits par les désordres affectant l'unité de compostage des déchets verts du site de La Buisse et 10 750 euros TTC au titre des moyens humains et matériel

s mobilisés et de la perte d'exploitation résultant des travaux de réfection...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté d'agglomération du pays voironnais (CAPV) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner, in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, les sociétés Rainero et Cie, Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval, à lui verser les sommes de 119 889,72 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des travaux de réfection induits par les désordres affectant l'unité de compostage des déchets verts du site de La Buisse et 10 750 euros TTC au titre des moyens humains et matériels mobilisés et de la perte d'exploitation résultant des travaux de réfection, augmentées des intérêts au taux légal, ainsi que les sommes de 2 277 euros TTC au titre des frais d'huissier et 12 532,02 euros TTC en remboursement des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1401558 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, condamné les sociétés Rainero et Cie, Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval à verser à la CAPV la somme de 101 019,96 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2014 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 20 mars 2015, d'autre part, mis à la charge de ces sociétés la somme de 700 euros chacune au titre des frais du litige et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête, des mémoires et un mémoire récapitulatif produit après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés les 9 mai 2017, 25 et 27 septembre 2019 et 5 décembre 2019, la société Alp'études Ingénieurs Conseils, représentée par la SCP Seloron-Hutt-Grangeon, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 mars 2017 ;

2°) à titre principal, de rejeter les conclusions de première instance présentées par la communauté d'agglomération du pays voironnais à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des travaux de réparation des désordres à la somme de 74 960 euros toutes taxes comprises et de condamner les sociétés Rainero et Cie et Recyval à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Elle soutient que :

- les désordres allégués par la communauté d'agglomération du pays voironnais (CAPV) ne lui sont pas imputables ; le rapport d'expertise judiciaire est inexploitable ; en revanche, le diagnostic géotechnique, réalisé par la société EG Sol à la demande de la CAPV, met en évidence que la cause des fissurations alléguées est à rechercher dans la réalisation, par la société Rainero et Cie, d'un caniveau en béton après livraison de la plateforme au moment de la construction des structures béton du bâtiment stockage, sous maîtrise d'oeuvre de la société Recyval ; ce diagnostic permet d'exclure que les désordres ont pour origine une qualité médiocre de la plateforme ; en tout état de cause, le tribunal s'est mépris sur les missions de maîtrise d'oeuvre qui lui était confiées et ce, alors que le groupement de maîtrise d'oeuvre n'est pas solidaire ;

- si sa responsabilité devait être engagée sur le fondement de la garantie décennale, le montant des travaux de reprise des désordres doit être limité à 77 600 euros toutes taxes comprises (TTC) et il n'y a pas lieu d'y inclure le montant des travaux de reprise des désordres affectant les caniveaux ;

- par ailleurs, les désordres constatés n'ayant aucun lien avec la mission qui lui était confiée, c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre les sociétés Rainero et Cie et Recyval.

Par des mémoires et un mémoire récapitulatif produit après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés les 28 juillet 2017, 4 février, 27 septembre et 26 novembre 2019, la société Recyval, représentée par la SELARL Barre, conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre elle et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 mars 2017 ;

2°) à titre principal, de rejeter les conclusions de première instance de la communauté d'agglomération du pays voironnais en ce qu'elles sont dirigées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des travaux de réparation des désordres à la somme de 74 960 euros toutes taxes comprises ;

4°) en tout état de cause, de condamner les sociétés Rainero et Cie, Keller Fondations Spéciales et Alp'études Ingénieurs Conseils à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, de condamner les sociétés Rainero et Cie et Keller Fondations Spéciales à lui verser la somme de 1 260,58 euros TTC en remboursement des frais avancés pour les besoins de l'expertise, de les condamner aux entiers dépens et de mettre à leur charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres affectant l'unité de compostage des déchets verts du site de La Buisse ne lui sont pas imputables ; l'expert n'est pas formel concernant l'origine et la cause des désordres et considère que le tassement provient soit du terrain sous-jacent, soit d'une mauvaise exécution des colonnes ballastées ; si ces désordres trouvent leur origine dans un tassement du terrain sous-jacent, il appartenait aux sociétés Rainero et Cie et Keller Fondations Spéciales d'apprécier le bien-fondé des préconisations formulées par le bureau d'études EG Sol et la responsabilité décennale de la seule société Alp'études Ingénieurs Conseils peut être engagée dès lors qu'elle assurait la maîtrise d'oeuvre des terrassements ; si ces désordres trouvent leur origine dans le fait qu'une ou plusieurs colonnes ballastées se sont expansées latéralement, alors c'est la responsabilité du groupement composé des sociétés Rainero et Cie et Keller qui doit être engagée ; dans tous les cas, les désordres ne relevaient pas de sa sphère d'intervention ;

- en tout état de cause, le montant des travaux de reprise des désordres doit être limité et il n'y a pas lieu d'y inclure le montant des travaux de reprise des désordres affectant les caniveaux ; c'est à bon droit que les premiers juges ont exclus les opérations de démontage et remontage du réseau d'arrosage du compost et le remplacement des conduits et pièces de ventilation ;

- par ailleurs, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre les sociétés Rainero et Cie et Keller, lesquelles devront être également condamnées à lui rembourser la somme de 1 260,58 euros en remboursement des frais avancés pour les besoins de l'expertise.

Par des mémoires et un mémoire récapitulatif produit après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés les 4 septembre 2018, 24 septembre et 13 décembre 2019, la communauté d'agglomération du pays voironnais, représentée par la SELARL Itinéraires, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 mars 2017 et de condamner les sociétés Rainero et Cie, Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval à l'indemniser ensemble de son entier préjudice à hauteur de 119 889,72 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise des désordres ;

2°) de mettre à la charge des sociétés Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le rapport de la société EG Sol n'est qu'un simple élément d'information sur lequel la société Rainero et Cie, placée en liquidation judiciaire, n'a jamais pu faire valoir ses observations ; en tout état de cause, ce n'est pas la réalisation du caniveau en lui-même qui a causé les désordres mais les travaux de terrassement durant la pose de celui-ci qui ont ensuite altéré l'étreinte latérale des colonnes ballastées ; eu égard aux missions qui lui étaient confiées, les désordres sont imputables à la société Alp'études Ingénieurs Conseils ;

- cette société a participé conjointement avec la société Recyval à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 3 " Terrassement " dans lequel le groupement de maîtrise d'oeuvre impose de stabiliser le terrain d'assiette par la réalisation de colonnes ballastées ; la société Recyval apparaît également mal fondée à rejeter la faute de conception des colonnes ballastées sur les sociétés EG Sol et Keller ;

- les montants des travaux préconisés par l'expert ont été établis toutes taxes comprises sur la base de l'ancien taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 19,6%, ces montants ont été donc être rectifiés pour tenir compte du nouveau taux de TVA applicable au jour du dépôt de la requête soit 20 % ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné les sociétés Rainero et Cie, Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval à supporter les sommes correspondant aux travaux préconisés par l'expert (82 066,96 euros TTC) ainsi que le coût de la réalisation des trois chapes supportant les radiers aux bonnes dimensions de 8,50 m x 3,50 m (8 676 euros) soit la somme de 90 742,96 euros ; mais c'est à tort qu'il a rejeté sa demande portant sur les opérations de démontage et remontage du réseau d'arrosage du compost (21 120 euros TTC) ainsi que le remplacement des conduits et pièces de ventilation endommagés (8 026,76 euros TTC) ; le montant de la condamnation devra être porté à la somme de 119 889,72 euros TTC.

Par des mémoires et un mémoire récapitulatif produit après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés les 10 avril, 20 septembre et 12 décembre 2019, la société Keller Fondations Spéciales, représentée par la SCP Bouseksou, Charvet et Claret puis par Me C..., conclut, à titre principal, au rejet des conclusions des parties dirigées contre elle, à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Recyval et Alp'études Ingénieurs Conseils à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et à la limitation du montant de l'indemnisation réclamée par la communauté d'agglomération du pays voironnais à la somme de 82 066,06 euros toutes taxes comprises, et en tout état de cause, à la mise à la charge des sociétés Recyval et Alp'études Ingénieurs Conseils et de la communauté d'agglomération du pays voironnais d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné les sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre sur le fondement de la garantie décennale, ainsi que la société Rainero et Cie en charge de la préparation et de l'exécution des travaux de fondations spéciales, et qu'il l'a mise hors de cause ;

- si sa responsabilité décennale devait être retenue, il conviendrait de condamner ces sociétés à la garantir de toute condamnation, l'expert judiciaire n'ayant jamais mis en cause sa responsabilité ;

- le montant de la condamnation doit être limité à la somme retenue par l'expert judiciaire.

La procédure a été communiquée à Me F... E..., liquidateur judiciaire de la société Rainero et Cie, qui n'a pas produit de mémoire.

Par lettre du 13 septembre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que sont irrecevables, dès lors qu'elles sont nouvelles en appel, les conclusions d'appel en garantie présentées initialement par la société Alp'études Ingénieurs Conseils à l'encontre de la société Keller Fondations Spéciales et celles présentées par la société Recyval à l'encontre de la société Alp'études Ingénieurs Conseils.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant la communauté d'agglomération du pays voironnais, celles de Me A..., représentant la société Recyval et celles de Me B..., représentant la société Keller Fondations Spéciales ;

Considérant ce qui suit :

1. Pour la réalisation d'une plate-forme de compostage de déchets verts sur le site écologique de la Buisse, la communauté d'agglomération du pays voironnais (CAPV) a confié la maîtrise d'oeuvre à un groupement conjoint composé des sociétés Recyval, mandataire, et Alp'études Ingénieurs Conseils, par contrat conclu le 13 novembre 2000. L'exécution des travaux du lot n° 3 " fondations spéciales, génie civil maçonnerie - second oeuvre " a été confiée à un groupement conjoint composé des sociétés Rainero et Cie, mandataire solidaire, et Keller Fondations Spéciales, par un contrat conclu le 16 mars 2001. Quelques mois après la réception des travaux, prononcée sans réserve le 22 mars 2002, la CAPV a constaté l'existence de fissures sur les murs des cases de compostage et a saisi, en référé, le tribunal de grande instance de Grenoble d'une demande d'expertise à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 30 avril 2010. A la suite du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, le 8 mars 2013, la CAPV a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation, in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, des sociétés Rainero et Cie, Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit à sa demande en condamnant ces sociétés à lui verser la somme de 101 019,96 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2014 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 20 mars 2015. La société Alp'études Ingénieurs Conseil relève appel de ce jugement, à titre principal, en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre, à titre subsidiaire, en tant qu'il aurait dû limiter le montant des travaux de reprise des désordres et qu'il a rejeté ses conclusions d'appel en garantie. La CAPV et les sociétés Recyval et Keller Fondations Spéciales forment des conclusions d'appel incident et d'appel provoqué.

Sur l'imputabilité des désordres :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que les désordres affectant l'unité de compostage des déchets verts, dont il n'est pas contesté qu'ils sont de nature décennale, consistent en des fissurations et lézardes de plusieurs murs des cases de fermentation, un déplacement de la paroi extérieure du caniveau longitudinal implanté au pied du mur sud du bâtiment provoquant sa fermeture partielle et un basculement des radiers de support des tourelles d'extraction d'air situées à l'arrière du bâtiment. Ces désordres trouvent leur origine dans un tassement différentiel du sol entre les zones nord et sud de l'unité de compostage qui s'explique, selon l'expert qui n'a cependant pas fait réaliser de mesures d'investigation, soit par un tassement du terrain sous-jacent, dont la mauvaise qualité a été révélée par l'étude géotechnique réalisée à la demande de la CAPV par la société EG Sol le 27 avril 2000, soit par une mauvaise exécution des colonnes ballastées par le groupement d'entreprises chargées de l'exécution des travaux du lot n° 3. Au vu de ce rapport d'expertise, les premiers juges ont reconnu l'imputabilité des désordres à la société Alp'études Ingénieurs Conseils et à la société Recyval, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre en charge respectivement des missions afférentes aux travaux de terrassements des plateformes et à la réalisation des bâtiments, ainsi qu'à la société Rainero et Cie en charge de l'exécution des travaux du lot n° 3.

4. Il résulte de l'instruction que la CAPV a sollicité de la société EG Sol un nouveau diagnostic géotechnique réalisé le 16 février 2017. Selon cette étude, produite à l'instance par la société Alp'études Ingénieurs Conseils et communiqué aux parties, " la plateforme en matériaux rapportés présente des caractéristiques mécaniques élevées, excluant sa responsabilité dans les tassements constatés " et " les essais de réception des CBS (colonnes ballastées sèches) ne montrent pas d'anomalie au niveau de la réalisation de celles-ci, sur l'ensemble du site. ". Selon la société EG Sol, qui constate que le sinistre est lié à un tassement différentiel identifié au sud de l'ouvrage dans la zone où le caniveau a été implanté, les désordres constatés par l'expert judiciaire trouveraient leur origine dans la réalisation du caniveau, les travaux de terrassement ayant endommagé l'étreinte latérale des colonnes ballastées en décomprimant les sols dans leur voisinage. Il résulte de l'instruction, et en particulier du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 3, attribué aux deux sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et dont il n'est pas établi qu'il aurait été rédigé par l'une plutôt que l'autre de ces sociétés, que la réalisation du caniveau était inclus dans le lot n° 3, attribué à la société Rainero et Cie. Dans ces conditions, les sociétés Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval, en charge d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre concernant en particulier les terrassements des plates-formes pour la première, et la réalisation des bâtiments pour la seconde, incluant notamment une mission de surveillance des travaux, ne sont pas fondées à soutenir que les désordres affectant l'unité de compostage des déchets verts du site écologique de La Buisse ne leur sont pas imputables.

Sur le montant des travaux de reprise des désordres :

5. Il résulte du point 12 du jugement attaqué, que les premiers juges ont pour fixer le montant des travaux de reprise des désordres à la somme de 90 742,96 euros TTC, retenu la nécessité de procéder à une reprise du chaînage en tête des murs fissurés, au démontage et remontage des trois tourelles d'extraction, à la réalisation d'une chape rapportée sur les radiers supports des tourelles, au colmatage des fissures existantes, au remplacement des plaques de caniveau et à la réfection des trois chapes supportant les radiers des tours.

6. En premier lieu, dans la mesure où le caniveau longitudinal est solidaire des cases de fermentation, ni la société Alp'études Ingénieurs Conseils, ni la société Recyval par la voie de l'appel provoqué, ne sont fondées à soutenir que le montant des travaux de reprise des désordres devait exclure le remplacement des plaques de fermeture des caniveaux dont le montant a été fixé à 4 380 euros TTC.

7. En deuxième lieu, si les sociétés Alp'études Ingénieurs Conseils et Recyval soutiennent que le montant des travaux de reprise devait être limité à 74 960 euros, elles n'apportent à la cour aucun élément de nature à apprécier le bien-fondé de leurs prétentions.

8. En dernier lieu, la CAPV, qui forme des conclusions d'appel incident pour augmenter le montant de l'indemnité qui lui est due, n'apporte pas plus à la cour qu'au tribunal, d'élément de nature à établir que les travaux de démontage et remontage du réseau d'arrosage du compost et les travaux de remplacement des conduits et pièces de ventilation endommagées dont elle demande le remboursement du coût étaient nécessaires à la reprise des désordres affectant l'unité de compostage des déchets verts.

Sur les appels en garantie :

9. Dans le dernier état de ses écritures, la société Alp'études Ingénieurs Conseils demande à être garantie par les sociétés Recyval et Rainero et Cie. La société Recyval demande, quant à elle, à être garantie, in solidum, par les sociétés Alp'études Ingénieurs Conseils, Rainero et Cie et Keller Fondations Spéciales.

11. En premier lieu, les conclusions d'appel en garantie que présente la société Recyval à l'encontre de la société Alp'études Ingénieurs Conseils sont nouvelles en appel et sont par suite irrecevables.

12. En second lieu, si l'expert judiciaire avait émis l'hypothèse d'une mauvaise exécution des colonnes ballastées à l'origine des désordres affectant l'unité de compostage des déchets verts, cette hypothèse est contredite par le diagnostic géotechnique réalisé par la société EG Sol le 16 février 2017. La société Recyval n'apporte à la cour aucun autre élément de nature à établir que la société Keller Fondations Spéciales a commis une faute dans la réalisation des colonnes ballastées dont elle avait la charge. Ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre cette société doivent donc être rejetées.

13. En troisième lieu, les sociétés Alp'études et Recyval n'apportent à la cour aucun élément et ne versent au dossier aucune pièce permettant d'établir dans quelle mesure les travaux exécutés par la société Rainero et Cie ont été à l'origine des désordres constatés. Leurs conclusions d'appel en garantie dirigées contre cette société doivent donc être rejetées comme dépourvues de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

14. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, que les travaux du lot n° 3 auraient été exécutés sous la seule maîtrise d'oeuvre de la société Recyval. Par suite, les conclusions d'appel en garantie de la société Alp'études Ingénieurs Conseils dirigées contre cette société doivent être rejetées.

Sur les autres conclusions :

15. En premier lieu, la société Recyval se borne à faire valoir que la condamnation des autres constructeurs à la garantir des condamnations prononcées à son encontre implique nécessairement la condamnation, in solidum, des sociétés Rainero et Cie et Keller Fondations Spéciales à lui rembourser la somme de 1 260,58 euros qu'elle a engagée dans le cadre des opérations d'expertise. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit et dès lors, au surplus, qu'elle n'établit pas la réalité de son préjudice, que ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

16. En deuxième lieu, les conclusions de la société Recyval dirigées contre elle ayant été rejetées, les conclusions présentées par la société Keller Fondations Spéciales à l'encontre les sociétés Recyval et Alp'études Ingenieurs Conseils ainsi que celles tendant à la limitation du montant de l'indemnisation de la CAPV, présentées au demeurant à titre subsidiaire, ne peuvent qu'être rejetées.

17. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par l'ensemble des parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Alp'études Ingénieurs Conseils est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alp'études Ingénieurs Conseils, à la communauté d'agglomération du pays voironnais, à la société Recyval, à la société Keller Fonctions Spéciales et à Me F... E..., liquidateur judiciaire de la société Rainero et Cie.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

2

N° 17LY01952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY01952
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELORON HUTT GRANGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;17ly01952 ?
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