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25/02/2020 | FRANCE | N°19LY02914

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 25 février 2020, 19LY02914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019, par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1905207 du 12 juillet 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 3 juillet 2019 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019, par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1905207 du 12 juillet 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 3 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B... soutient que :

- le préfet ne pouvait prendre une obligation de quitter le territoire français à son encontre alors qu'il savait qu'il avait sollicité un rendez-vous en préfecture pour déposer une demande de titre de séjour ;

- l'arrêté est dépourvu d'examen préalable réel et sérieux de sa situation ;

- il est conjoint d'une ressortissante française et est entré régulièrement sur le territoire français ; il peut bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision le privant de tout délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée de défaut d'examen préalable, réel et sérieux ; le fait de remplir les conditions pour qu'une telle décision soit prise ne suffit pas à la justifier ; il justifiait des garanties de représentation suffisantes ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence de circonstances particulières et quant à ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision le privant d'un délai de départ volontaire.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme A..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité algérienne, est entré en France le 25 juillet 2015, alors qu'il était âgé de seize ans, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Après avoir été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, il a signé un contrat jeune majeur et a sollicité un titre de séjour. Sa demande a été rejetée par le préfet du Rhône le 23 mars 2017 et a été assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant l'Algérie comme pays de destination. Il a contesté en vain ces décisions devant le tribunal administratif de Lyon puis devant la présente cour administrative d'appel. Après s'être marié, le 6 octobre 2018, avec une ressortissante française, il a sollicité un rendez-vous en vue de déposer une demande titre de séjour en tant que conjoint d'une ressortissante française. Le 3 juillet 2019, le préfet a pris à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et l'a assigné à résidence. M. B... relève appel de l'ordonnance par laquelle la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2° Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".

3. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne peut légalement édicter une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers sur le territoire français. Ainsi, lorsque la loi prescrit ou qu'une convention internationale stipule qu'un étranger doit se voir délivrer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait légalement obstacle à ce qu'il puisse être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

4. Pour prendre à l'encontre de M. B... l'obligation de quitter le territoire français en litige, le préfet du Rhône s'est fondé sur le fait qu'il se maintenait en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 23 mars 2017, qu'il ne pouvait justifier de la réalité de ses moyens d'existence effectifs et que la demande de rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour ne constituait pas une demande complète. Il a également relevé que M. B... n'établissait pas entrer dans l'une des catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français puisqu'il ne démontrait ni être marié depuis plus de trois ans avec une ressortissante française, ni une communauté de vie continue.

5. En premier lieu, il résulte des stipulations précitées de l'accord franco-algérien que l'obtention d'un certificat de résidence d'une validité d'une année n'est subordonnée qu'à une condition de régularité de l'entrée en France du demandeur et non à une condition de régularité de son séjour sur le territoire. La circonstance qu'un ressortissant algérien, régulièrement entré en France sous un visa de court séjour, a fait l'objet, au-delà de la durée de validité de ce visa, d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français et une décision fixant le pays de destination, régulièrement notifiées, ne fait pas obstacle à ce que la condition d'entrée régulière en France continue d'être regardée comme remplie, alors même que l'étranger s'est maintenu illégalement sur le territoire.

6. En second lieu, les stipulations précitées de l'accord franco-algérien ne subordonnent l'obtention d'un certificat de résidence d'une année, ni à l'existence de moyens d'existence effectifs, ni à une ancienneté du mariage supérieure à trois ans, ni à une vie commune ancienne et continue.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. B... est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour en cours de validité et, d'autre part, que M. B... s'est marié le 6 octobre 2018 avec une ressortissante française. Quel que soit le caractère récent de son mariage, il était donc fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour obtenir la délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " en tant que conjoint de français. Par suite, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit en estimant qu'il ne rentrait dans aucune des catégories d'étranger ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. La décision l'obligeant à quitter le territoire français est, par suite, illégale ainsi que, par voie de conséquence, les décisions le privant d'un délai de départ volontaire, fixant l'Algérie comme pays de destination et l'assignant à résidence.

8. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 3 juillet 2019.

9. L'annulation par le présent arrêt de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... implique nécessairement que sa situation soit réexaminée et que, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui soit délivrée. Il y a lieu, ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux semaines. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me C..., avocat de M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Rhône du 3 juillet 2019 et le jugement du 12 juillet 2019 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux semaines.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 25 février 2020.

2

N° 19LY02914

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02914
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-25;19ly02914 ?
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