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25/02/2020 | FRANCE | N°19LY02482

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 25 février 2020, 19LY02482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 mai 2019, par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1904008 du 27 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juin 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 mai 2019, par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1904008 du 27 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juin 2019, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 27 mai 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 21 mai 2019 ;

3°) de fixer, à titre subsidiaire, le lieu de son assignation à résidence dans le département de la Loire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

M. F... soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision l'assignant à résidence dans le Rhône :

- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les droits de la défense ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme A..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant guinéen né en 1990, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2008, où il a introduit une demande de protection internationale. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile à la fin de l'année 2009. Le 12 janvier 2015, il a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination. Sa demande de réexamen, présentée devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en 2018, a été rejetée comme irrecevable. Le 21 mai 2019, à la suite d'une interpellation à Lyon, M. F... a fait l'objet d'une nouvelle décision l'obligeant à quitter le territoire français, cette fois sans délai, et assortie d'une interdiction de retour pour une durée d'un an. Le même jour, il a fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence dans le département du Rhône. M. F... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français cite expressément les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la demande de réexamen au titre de l'asile de M. F... a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides le 20 avril 2018 et qu'il se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis 2008 et porte une appréciation sur sa vie privée et familiale. Elle est donc suffisamment motivée en fait et en droit, et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation qui entacherait cette décision doit être écarté.

3. En second lieu, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. F... soulève les mêmes moyens que ceux déjà soulevés devant le tribunal administratif, tirés de ce que cette décision méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

4. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

5. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.

6. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi mentionner les textes applicables qui fondent en droit ladite décision et ne peut se borner à énoncer des circonstances de fait.

7. En l'espèce, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne comporte pas mention des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne fait pas non plus apparaître les éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels le préfet a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision de lui interdire le territoire français pendant un an. Cette décision étant ainsi insuffisamment motivée, elle est illégale.

Sur l'assignation à résidence :

8. A l'appui de ses conclusions, M. F... soulève les mêmes moyens que ceux présentés devant le tribunal administratif, tirés de ce que la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen sérieux, méconnaît sa vie privée et familiale, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, et méconnaît les droits de la défense et l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. F... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour pendant un an.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La décision par laquelle le préfet du Rhône a pris à l'encontre de M. F... une interdiction de retour d'une durée d'un an, contenue dans l'arrêté du 21 mai 2019, est annulée.

Article 2 : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera 1 000 euros à M. F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. F... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône, ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 25 février 2020.

N° 19LY02482 2

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02482
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : ANDUJAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-25;19ly02482 ?
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