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18/02/2020 | FRANCE | N°18LY02801

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 février 2020, 18LY02801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1604750 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2018 et le 25 f

vrier 2019, M. et Mme F..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1604750 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2018 et le 25 février 2019, M. et Mme F..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme F... soutiennent que :

- l'imposition complémentaire mise à leur charge aurait dû être recouvrée par un avis de mise en recouvrement et non par un simple avis d'imposition ; l'avis d'imposition qui leur a été adressé ne mentionnait pas la procédure de redressement engagée à leur encontre ni la proposition de rectification ; il n'indiquait pas davantage l'assiette des intérêts de retard et ne comportait pas la formule exécutoire ;

- l'administration devait reprendre l'abattement pour durée de détention au titre de l'année 2012 et non au titre de l'année 2013 ;

- les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts imposant au cédant de cesser toute fonction dans la société dont les titres sont cédés, doivent être comprises comme visant les fonctions de direction et non les fonctions salariées ;

- la documentation administrative BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30 § 50 prévoit expressément la possibilité de réaliser un cumul emploi-retraite.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- l'administration peut envoyer un avis d'imposition pour recouvrer un complément d'impôt sur le revenu et n'est pas obligée de procéder par voie d'avis de mise en recouvrement ; l'avis d'imposition qui leur a été envoyé est par ailleurs régulier ; en tout état de cause, les moyens sont inopérants dans un contentieux d'assiette ;

- l'année de reprise de l'abattement devait bien être 2013 puisque c'est au cours de cette année que M. F... a cessé de remplir la condition prévue par l'article 150-0 D ter ;

- la condition posée par le texte de cesser toute fonction dans la société vise notamment les fonctions salariées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme H..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte sous seing privé du 11 mai 2011, M. F..., qui était directeur général de la SAS F..., a cédé les actions qu'il détenait au capital de cette société. Dans le même temps, il a démissionné de ses fonctions de directeur général. La plus-value de cession de 356 977 euros constatée à cette occasion a été déclarée sous le régime de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, prévu en cas de départ à la retraite des dirigeants de petites et moyennes entreprises. En 2014, à la suite d'un contrôle sur pièces dont M. et Mme F... ont fait l'objet et d'un droit de communication auprès de la SAS F..., l'administration a remis en cause l'application de ce régime de faveur au motif que M. F..., qui avait repris une activité salariée au sein de l'entreprise tout au long de l'année 2013, n'en remplissait pas l'une des conditions. M. et Mme F... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'imposition complémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 qui en est résulté, ainsi que des majorations correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 175 A du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur le revenu et figurant dans la section III "Déclarations des contribuables" : " Le service des impôts peut rectifier les déclarations en se conformant à la procédure prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. ". En vertu de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts (...), les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A ". Aux termes de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales, figurant en section IV " Procédures de rectification ", chapitre 1 " Procédure de redressement contradictoire " de ce livre : " Après l'établissement du rôle ou l'émission de l'avis de mise en recouvrement, le contribuable conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190 ". Enfin, l'article R. 61 A-1 du livre des procédures fiscales dispose que : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de redressement est calculé : a) Soit sur la base acceptée par le contribuable si celui-ci a donné son accord dans le délai prescrit ou s'il a présenté dans ce même délai des observations qui ont été reconnues fondées ; b) Soit sur la base fixée par l'administration à défaut de réponse ou d'accord du contribuable dans le délai prescrit ; c) Soit sur la base notifiée par l'administration au contribuable après avis de la commission compétente dans le cas où le litige lui a été soumis. Le montant de l'impôt exigible donne lieu à l'établissement d'un rôle ou à l'émission d'un avis de mise en recouvrement ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 applicable à partir du 1er janvier 2011 : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement ".

4. Si l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires et qui doivent être combinées avec les dispositions précitées, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. Il suit de là que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure est irrégulière faute pour eux d'avoir reçu un avis de mise en recouvrement au lieu de l'avis d'imposition reçu en l'espèce.

5. En second lieu, dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités dont sont, le cas échéant, entachés les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt. Sont ainsi inopérants les moyens tirés de ce que l'avis d'imposition ne mentionnait pas la procédure de redressement ni la proposition de rectification, qu'il n'indiquait pas l'assiette des intérêts de retard et ne comportait pas la formule exécutoire.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D bis du même code, dans sa version alors applicable : " I. - 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D ter du même code, dans sa version applicable au présent litige : " I. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : (...) 2° Le cédant doit : a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...) c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ; (...) IV. - En cas de non-respect de la condition prévue au 4° du I à un moment quelconque au cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, l'abattement prévu au même I est remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie. Il en est de même, au titre de l'année d'échéance du délai mentionné au c du 2° du I, lorsque l'une des conditions prévues au 1° ou au c du 2° du même I n'est pas remplie au terme de ce délai. ".

7. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, l'administration a remis en cause l'application du régime de faveur prévu par les dispositions précitées à la plus-value réalisée par M. F... au motif que celui-ci a exercé, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013, des fonctions salariées dans la SAS F....

8. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte des dispositions précitées, lesquelles compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts était subordonné à la cessation effective de toute fonction au sein de la société dans les deux années suivant la cession, qu'il s'agisse ou non de fonctions de dirigeant exercées dans les conditions prévues par l'article 885 O bis du code général des impôts alors applicable. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. F..., dont il est constant qu'il a exercé, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013, des fonctions salariées dans la SAS F..., ne remplit pas la condition prévue au c) du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts.

9. D'autre part, en vertu du IV de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, en cas de non-respect de la condition prévue au c) du 2° du I du même article au terme de l'année d'échéance du délai de deux ans qui y figure, l'abattement prévu au même I est remis en cause au titre de ladite année d'échéance. M. F... ayant cédé ses titres dans la société le 11 mai 2011, le délai de deux ans expirait en 2013. Ainsi, l'administration, constatant que la condition en cause n'était pas remplie au cours de l'année 2013, était fondée à imposer la plus-value de cession au titre de l'année 2013. Le moyen tiré de ce qu'elle ne pouvait l'être qu'au titre de l'année 2012 doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

10. M. et Mme F... doivent être regardés comme se prévalant de la documentation administrative référencée BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. La documentation administrative ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui vient d'être faite. En tout état de cause, M. F... n'entre pas dans les prévisions du paragraphe 50, dont il se prévaut plus particulièrement, qui vise l'exercice d'une activité non salariée auprès de la société dont les titres sont cédés ou l'exercice d'une activité professionnelle dans une autre société.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D... présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique le 18 février 2020.

2

N° 18LY02801

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02801
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-18;18ly02801 ?
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