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18/02/2020 | FRANCE | N°18LY01548

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 février 2020, 18LY01548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1507272 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, M. A..., représenté par Me E..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 février 2018...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1507272 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 février 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes et d'ordonner leur restitution ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- la proposition de rectification adressée à la société est insuffisamment motivée au regard de la loi fiscale et des énonciations du paragraphe n° 190 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, reprenant le paragraphe n° 90 de la documentation administrative 13 L-1513 du 1er juillet 2002 ;

- la méthode de reconstitution de l'administration est viciée dans la mesure où elle ne se fonde sur aucun élément objectif, la plupart des informations sur lesquelles l'administration s'est fondée résultant de prétendues déclarations du gérant ;

- conformément à la décision 2016-610 QPC du Conseil constitutionnel, il ne pouvait être appliqué une majoration de 1,25 aux sommes réputées distribuées pour l'imposition aux contributions sociales ;

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

- la pénalité n'est pas justifiée, l'administration n'apportant pas, en méconnaissance de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales et de la documentation administrative 13 N-1-07 n° 83 du 13 février 2007, reprise au paragraphe n° 30 du BOI-CF-INF-10-20-20 du 1er septembre 2012, la preuve du caractère délibéré de l'omission de déclaration d'une partie du chiffre d'affaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer partiel sur les conclusions relatives aux contributions sociales, à concurrence des dégrèvements prononcés, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- il n'y a plus lieu à statuer à concurrence d'une somme de 12 272 euros sur les cotisations supplémentaires de contributions sociales et les pénalités correspondantes assignées au contribuable au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H..., première conseillère,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me E..., représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EURL Le Vieux Bourg, qui a exploité un fonds de commerce de bar-restaurant jusqu'au 31 août 2011, l'administration, après avoir écarté la comptabilité présentée comme étant irrégulière et non probante, a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires des exercices clos les 31 mars 2008, 2009 et 2010, laquelle a fait apparaître des minorations de recettes. Les recettes omises ont été considérées comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. A..., unique associé et gérant de l'EURL Le Vieux Bourg, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. M. A... a été assujetti de ce fait, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008, 2009 et 2010 auxquelles l'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré de 40 %. Il relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 23 juillet 2018 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de la région Auvergne-Rhône-Alpes a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 12 272 euros, des cotisations supplémentaires de contributions sociales et des pénalités correspondantes assignées au contribuable au titre des années 2008, 2009 et 2010. Les conclusions de la requête de M. A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. La proposition de rectification du 7 octobre 2011 adressée à M. et Mme A..., indique qu'elle porte sur l'impôt sur le revenu des années 2008, 2009 et 2010. L'administration expose qu'il s'agit d'imposer, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en tant que revenus distribués à M. A... les recettes réintégrées dans les résultats de l'EURL Le Vieux Bourg. Cette proposition de rectification renvoie à la proposition de rectification du 4 septembre 2011 adressée à l'EURL Le Vieux Bourg qui lui est annexée. Cette dernière expose les raisons pour lesquelles l'administration a écarté la comptabilité de la société comme non sincère et non probante. Elle explique de façon détaillée la méthode qu'elle a employée pour reconstituer les chiffres d'affaires de la société. A ce titre, elle précise qu'un certain nombre d'informations, à savoir les prix des consommations, les taux de produits non commercialisés, la répartition entre les différents quotas de vente et les modalités d'intégration de différents produits dans la confection de certaines boissons, ont été directement fournies par le gérant et que la confrontation de ces informations avec les factures fournisseurs a permis de mettre en évidence des écarts significatifs au niveau des recettes de ventes de boissons, lesquelles ont été reconstituées à partir de ces données. Ainsi, la proposition de rectification adressée à M. A..., à laquelle était annexée la proposition de rectification adressée à l'EURL Le Vieux Bourg, qui permettait au contribuable de formuler ses observations de façon utile, était suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, M. A... n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu du paragraphe n° 90 de la documentation administrative 13 L-1513 du 1er juillet 2002, repris au paragraphe n° 190 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, qui est relatif à la procédure d'imposition et ne peut être regardé comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

7. Conformément à ces dispositions, lorsque le contribuable n'a pas accepté les rectifications qui lui ont été notifiées à la suite d'une procédure de rectification contradictoire, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qu'elle a mises à la charge du contribuable. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. et Mme A... n'ont pas accepté les rectifications notifiées selon la procédure contradictoire. Il appartient dès lors à l'administration fiscale d'établir le bien-fondé des impositions en litige.

8. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

9. L'administration a reconstitué les recettes de ventes de boissons de l'EURL Le Vieux Bourg à partir des achats de boissons. Elle a déduit de ces quantités achetées de boissons une quantité de produits non commercialisés pour tenir compte des pertes, des offerts et de l'autoconsommation selon les données qui ont été indiquées par le gérant. Puis, en fonction des quantités servies à l'unité pour chaque produit, telles qu'indiquées par le gérant, elle a déterminé le nombre de produits vendus. Elle a enfin appliqué aux quantités vendues les prix pratiqués pour chaque type de consommation d'après les indications du gérant.

10. Le fait que l'administration se soit fondée sur les indications données par le gérant, ce qui permet de s'approcher le plus possible des conditions réelles d'exploitation, et non sur les pratiques habituelles dans la profession ou la comparaison avec les conditions d'exploitation du restaurant postérieurement à la période vérifiée, ne saurait être de nature à vicier la méthode de reconstitution. Si le requérant fait valoir qu'il n'est pas établi que les données sur lesquelles l'administration s'est fondée ont été effectivement fournies par lui-même, en tant que gérant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que tel n'aurait pas été le cas, alors que le vérificateur l'a rencontré à six reprises au cours de la vérification de comptabilité, que dans les observations formulées à la suite de la proposition de rectification il n'a pas remis en cause le fait que ces données provenaient d'indications qu'il avait lui-même données et qu'à la suite de l'entrevue avec l'inspecteur principal il a même accepté les rectifications opérées. En outre, M. A... ne donne aucune indication sur les conditions réelles de l'exploitation, ce qui permettrait de démontrer que les informations retenues par l'administration seraient erronées. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les sommes qu'elle a réintégrées dans le chiffre d'affaires de l'EURL Le Vieux Bourg présentaient le caractère de recettes et constituaient, pour M. A..., seul maître de l'affaire, des revenus distribués.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. En relevant, d'une part, que M. A... était le seul maître de l'affaire de l'EURL Le Vieux Bourg et, d'autre part, la nature, l'importance et la répétition des insuffisances déclaratives sur plusieurs exercices, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, des manquements délibérés de M. A... à ses obligations déclaratives.

13. M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 13 N-1-07 n° 83 du 13 février 2007, reprise au paragraphe n° 30 du BOI-CF-INF-10-20-20 du 1er septembre 2012, qui est relative à la motivation des pénalités fiscales et ne comporte, dès lors, aucune interprétation d'un texte fiscal invocable par un contribuable sur le fondement de l'article L. 80 A.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve des dégrèvements prononcés en cours d'instance, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente tendant à la restitution des sommes correspondantes doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les dépens et les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 12 272 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... relatives aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de des années 2008, 2009 et 2010 et aux pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... en application de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

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N° 18LY01548

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01548
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : GOGUELAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-18;18ly01548 ?
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