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18/02/2020 | FRANCE | N°18LY01546

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 février 2020, 18LY01546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Le Vieux Bourg a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercice clos en 2008, 2009 et 2010 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2007 au 30 novembre 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1507308 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Lyo

n a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Le Vieux Bourg a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercice clos en 2008, 2009 et 2010 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2007 au 30 novembre 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1507308 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, l'EURL Le Vieux Bourg, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 février 2018 ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités correspondantes et d'ordonner leur restitution ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 89 000 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'EURL Le Vieux Bourg soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de la loi fiscale et des énonciations du paragraphe n° 190 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, reprenant le paragraphe n° 90 de la documentation administrative 13 L-1513 du 1er juillet 2002 ;

- la méthode de reconstitution de l'administration est viciée dans la mesure où elle ne se fonde sur aucun élément objectif, la plupart des informations sur lesquelles l'administration s'est fondée résultant de prétendues déclarations du gérant ;

- la pénalité n'est pas justifiée, l'administration n'apportant pas, en méconnaissance de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales et de la documentation administrative 13 N-1-07 n° 83 du 13 février 2007, reprise au paragraphe n° 30 du BOI-CF-INF-10-20-20 du 1er septembre 2012, la preuve du caractère délibéré de l'omission de déclaration d'une partie du chiffre d'affaires ;

- elle est fondée à demander la réparation du préjudice résultant du redressement illégal de l'administration, constitué par la dépréciation de son fonds de commerce, estimée à 29 000 euros, et par le manque à gagner pendant six exercices, soit 60 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la demande indemnitaire est irrecevable, faute pour la société d'avoir présenté une demande préalable en ce sens à l'administration ;

- cette demande est vouée au rejet, compte tenu des dispositions de l'article L. 207 du livre des procédures fiscales ;

- les autres moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., première conseillère,

- les conclusions de Mme E..., rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant l'EURL Le Vieux Bourg ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Le Vieux Bourg, qui a exploité un fonds de commerce de bar-restaurant jusqu'au 31 août 2011, date de sa cession, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 mars 2008, 2009 et 2010 en matière d'impôt sur les sociétés et la période du 1er avril 2007 au 30 novembre 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a écarté la comptabilité présentée comme étant irrégulière et non probante et a procédé à la reconstitution des chiffres d'affaires, laquelle a fait apparaître des minorations de recettes. En conséquence des rehaussements des chiffres d'affaires et résultats déclarés, notifiés suivant la procédure contradictoire, l'EURL Le Vieux Bourg a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices susmentionnés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2007 au 30 novembre 2010, auxquels l'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré de 40 %. L'EURL Le Vieux Bourg relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. La proposition de rectification du 4 septembre 2011 adressée à l'EURL Le Vieux Bourg indiquait qu'elle portait sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée et mentionnait les exercices et la période concernés. L'administration a exposé les raisons pour lesquelles elle a écarté la comptabilité de la société comme non sincère et non probante. Elle a expliqué de façon détaillée la méthode qu'elle a employée pour reconstituer les chiffres d'affaires de la société. A ce titre, elle a précisé qu'un certain nombre d'informations, à savoir les prix des consommations, les taux de produits non commercialisés, la répartition entre les différents quotas de vente et les modalités d'intégration de différents produits dans la confection de certaines boissons, avaient été directement fournies par le gérant et que la confrontation de ces informations avec les factures fournisseurs avait permis de mettre en évidence des écarts significatifs au niveau des recettes de ventes de boissons, lesquelles ont été reconstituées à partir de ces données. Cette proposition de rectification, qui permettait à la contribuable, comme elle l'a d'ailleurs fait, de formuler ses observations de façon utile, était ainsi suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, l'EURL Le Vieux Bourg n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu du paragraphe n° 90 de la documentation administrative 13 L-1513 du 1er juillet 2002, repris au paragraphe n° 190 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, qui est relatif à la procédure d'imposition et ne peut être regardé comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

6. Il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de rectification contradictoire, que le contribuable n'a pas accepté la rectification dans le délai imparti et que le litige n'a pas été soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour majorer le montant du chiffre d'affaires.

7. L'administration a reconstitué les recettes de ventes de boissons de l'EURL Le Vieux Bourg à partir des achats de boissons. Elle a déduit des quantités achetées de boissons une quantité de produits non commercialisés pour tenir compte des pertes, des offerts et de l'autoconsommation selon les données qui ont été indiquées par le gérant. Puis, en fonction des quantités servies à l'unité pour chaque produit, telles qu'indiquées par le gérant, elle a déterminé le nombre de produits vendus. Elle a enfin appliqué aux quantités vendues les prix pratiqués pour chaque type de consommation d'après les indications du gérant.

8. Le fait que l'administration se soit fondée sur les indications données par le gérant, ce qui permet de s'approcher le plus possible des conditions réelles d'exploitation, et non sur les pratiques habituelles dans la profession ou la comparaison avec les conditions d'exploitation du restaurant postérieurement à la période vérifiée, ne saurait être de nature à vicier la méthode de reconstitution. Si la société fait valoir qu'il n'est pas établi que les données sur lesquelles l'administration s'est fondée ont été effectivement fournies par le gérant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que tel n'aurait pas été le cas, alors que le vérificateur a rencontré le gérant à six reprises au cours de la vérification de comptabilité, que dans les observations formulées à la suite de la proposition de rectification la société n'a pas remis en cause le fait que ces données provenaient d'indications du gérant et qu'à la suite de l'entrevue avec l'inspecteur principal le gérant a même accepté les rectifications opérées. En outre, la société ne donne aucune indication, alors qu'elle est seule en mesure de le faire, sur les conditions réelles de son exploitation, ce qui permettrait de démontrer que les informations retenues par l'administration seraient erronées. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les sommes qu'elle a réintégrées dans le chiffre d'affaires de l'EURL Le Vieux Bourg présentaient le caractère de recettes.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. En relevant, d'une part, que la comptabilité de l'EURL Le Vieux Bourg comportait de graves irrégularités, notamment l'absence de justificatifs de recettes journalières, dont la matérialité n'est pas contestée par la société et d'autre part, la nature, l'importance et la répétition des insuffisances déclaratives de la société sur plusieurs exercices, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, des manquements délibérés de la société requérante à ses obligations déclaratives.

11. L'EURL Le Vieux Bourg n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 13 N-1-07 n° 83 du 13 février 2007, reprise au paragraphe n° 30 du BOI-CF-INF-10-20-20 du 1er septembre 2012, qui est relative à la motivation des pénalités fiscales et ne comporte, dès lors, aucune interprétation d'un texte fiscal invocable par un contribuable sur le fondement de l'article L. 80 A.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL le Vieux Bourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités mises à sa charge. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente tendant à la restitution des sommes correspondantes doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. L'EURL Le Vieux Bourg n'établissant pas, pour les motifs exposés aux points 2 à 7, que l'Etat aurait commis des fautes dans l'établissement des impositions supplémentaires mises à sa charge, elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander réparation des préjudices qu'elle aurait, pour ce motif, subis.

Sur les dépens et les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'EURL Le Vieux Bourg, la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par l'EURL tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Le Vieux Bourg est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Le Vieux Bourg et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

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N° 18LY01546

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01546
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : GOGUELAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-18;18ly01546 ?
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