La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2020 | FRANCE | N°18LY03462

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 février 2020, 18LY03462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société SPT Empresa de Trabalho Temporario a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé deux amendes d'un montant total de 12 000 euros en sa qualité d'employeur étranger de salariés venus exécuter une opération de détachement en France.

Par jugement n° 1608276 lu le 3 mai 2018, le tribunal administratif

de Lyon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société SPT Empresa de Trabalho Temporario a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé deux amendes d'un montant total de 12 000 euros en sa qualité d'employeur étranger de salariés venus exécuter une opération de détachement en France.

Par jugement n° 1608276 lu le 3 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 septembre 2018 et 12 décembre 2019, la société SPT Empresa de Trabalho Temporario représentée par Me A... et Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 19 juillet 2016 lui infligeant deux amendes d'un montant total de 12 000 euros ;

3°) de juger ce que de droit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en retenant que la désignation doit être établie préalablement à chaque détachement, les dispositions de l'article L. 1262-2-1 du code du travail ont été méconnues ;

- le code du travail n'interdit pas à l'entreprise détachante d'établir une seule désignation pour plusieurs détachements ;

- seule l'absence de désignation d'un représentant de l'entreprise en France est passible de l'amende prévue par l'article L. 1264-3 et non d'éventuels manquements quant aux modalités, à la forme ou au contenu de la désignation ;

- les prescriptions de l'article R. 1263-2-1 du code du travail ne sont assorties d'aucune sanction, leur méconnaissance ne peut être réprimée ;

- s'agissant du défaut de présentation de documents, l'article L. 1263-7 du code du travail n'impose pas de présenter les documents sans délai et lors du contrôle ; la présentation sans délai, visée au seul article R. 1263-1 du code du travail, n'est pas assortie de sanction ;

- elle a régularisé les manquements reprochés dans le délai légal.

Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête de la société SPT Empresa de Trabalho Temporario en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de M. B..., pour la ministre du travail ;

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle effectué le 31 mars 2016 au sein de l'entreprise Segaud, l'inspection du travail a relevé différentes infractions en matière de législation sur les salariés détachés. Par une décision du 19 juillet 2016 le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes a prononcé à l'encontre de la société SPT Empresa de Trabalho Temporario deux amendes administratives d'un montant de 6 000 euros, chacune liquidée au tarif unitaire de 1 000 euros appliqué à six salariés, soit 12 000 euros, pour défaut de désignation d'un représentant en France et pour non-respect des règles relatives à la conservation et à la présentation des documents portant sur le détachement. La société SPT Empresa de Trabalho Temporario relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette sanction.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1262-2 du code du travail : " Une entreprise exerçant une activité de travail temporaire établie hors du territoire national peut détacher temporairement des salariés auprès d'une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre l'entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ". Aux termes de l'article L. 1262-2-1 du même code : " I.- L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. / II.- L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents [de l'inspection du travail] (...) pendant la durée de la prestation ". Aux termes de l'article R. 1263-6 du même code : " Les entreprises de travail temporaire qui détachent un salarié sur le territoire français, dans les conditions prévues à l'article L. 1262-2, adressent une déclaration comportant les mentions suivantes :/ (...) / 3° Les nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse électronique et postale en France, les coordonnées téléphoniques et, le cas échéant, la raison sociale du représentant de l'entreprise en France pour la durée de la prestation (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 1263-12 du même code : " (...) le donneur d'ordre qui contracte avec un employeur établi hors de France demande à son cocontractant, avant le début de chaque détachement d'un ou de plusieurs salariés, les documents suivants : (...) b) Une copie du document désignant le représentant mentionné à l'article R. 1263-2-1 (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1262-5 du code du travail " Un décret en Conseil d'État détermine : (...) 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l'article L. 1262-2-1 (...) ". Aux termes des dispositions de ce décret codifiées à l'article R. 1263-2-1 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " (...) / La désignation de ce représentant est effectuée par écrit par l'employeur. Elle comporte les nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse électronique et postale en France, le cas échéant la raison sociale, ainsi que les coordonnées téléphoniques du représentant. Elle indique l'acceptation par l'intéressé de sa désignation ainsi que la date d'effet et la durée de la désignation, qui ne peut excéder la période de détachement. / Elle est traduite en langue française. / Elle indique pour les documents prévus à l'article R. 1263-1 soit le lieu de conservation sur le territoire national, soit les modalités permettant d'y avoir accès et de les consulter depuis le territoire national ". Enfin, les manquements résultant de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1262-2-1 du code du travail sont, aux termes de l'article L. 1264-1 du même code, passibles d'une amende administrative, dans les conditions prévues à l'article L. 1264-3.

4. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que l'obligation de désignation d'un représentant de l'entreprise étrangère sur le territoire français comporte, outre la désignation elle-même, une désignation conforme aux dispositions précitées du code du travail qui doit avoir lieu, comme la déclaration de détachement elle-même, préalablement à l'opération de détachement. Par suite, la société SPT Empresa de Trabalho Temporario n'est pas fondée à soutenir que l'amende en litige serait dépourvue de base légale en ce qu'elle repose sur l'absence d'antériorité de ladite désignation.

5. En deuxième lieu, ces mêmes dispositions et particulièrement celles du 3° de l'article R. 1263-6 du code du travail prévoient que l'obligation de désignation préalable du représentant s'applique à chaque prestation de service, sa méconnaissance étant passible d'autant d'amendes. Or, il résulte de l'instruction que la société portugaise Empresa de Trabalho Temporario a détaché six salariés pour la réalisation de différentes prestations de service au profit de l'entreprise Segaud. En application des dispositions précitées, elle devait procéder pour chacune des prestations exécutées, à une désignation de représentant unique. Par suite, le manquement reproché à la société SPT Empresa de Trabalho Temporario tiré du défaut de désignation d'un représentant lors de chaque détachement de salariés est établi et chaque opération ayant fait l'objet d'une désignation irrégulière pouvait faire l'objet d'une amende distincte. En conséquence, dès lors que six opérations de détachement de salariés ont été constatées entre le 8 février et le 8 avril 2016, la société portugaise est passible de six sanctions distinctes.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1263-7 du code du travail: " L'employeur détachant temporairement des salariés sur le territoire national, ou son représentant mentionné au II de l'article L. 1262-2-1, présente sur le lieu de réalisation de la prestation à l'inspection du travail des documents traduits en langue française permettant de vérifier le respect des dispositions du présent titre ". L'article L. 1262-5 du même code dispose qu'un décret en Conseil d'État détermine : " (...) / 7° Les conditions d'application de l'article L. 1263-7, notamment la nature des documents devant être traduits en langue française et leurs modalités de conservation sur le territoire national (...) ". Enfin, aux termes des dispositions de ce décret codifiées à l'article R. 1263-1 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " I.- L'employeur établi hors de France conserve sur le lieu de travail du salarié détaché sur le territoire national ou, en cas d'impossibilité matérielle, dans tout autre lieu accessible à son représentant désigné en application de l'article L. 1262-2-1 et présente sans délai, à la demande de l'inspection du travail du lieu où est accomplie la prestation, les documents mentionnés au présent article. II.- Les documents requis aux fins de vérifier les informations relatives aux salariés détachés sont les suivants (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'absence de présentation des documents exigés par la réglementation applicable, sans délai à l'inspection du travail, soit lors du contrôle, soit sur le lieu de la prestation de service, est constitutive d'un manquement passible d'une amende. Dès lors que la société SPT Empresa de Trabalho Temporario n'a pas communiqué les documents visés à l'article R. 1263-1 du code du travail lors du contrôle, le manquement reproché est établi et pouvait faire l'objet d'une amende liquidée selon un tarif unitaire appliqué au nombre de salariés concernés.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 1263-3 du code du travail : " Lorsqu'un agent de contrôle de l'inspection du travail (...), constate un manquement de l'employeur ou de son représentant à l'obligation mentionnée à l'article L. 1263-7 (...), il enjoint par écrit à cet employeur de faire cesser la situation dans un délai fixé par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes des dispositions de ce décret codifiées à l'article R. 1263-11-1 du code précité : " L'agent de contrôle de l'inspection du travail (...) qui constate l'un des manquements mentionnés à l'article L. 1263-3 enjoint par écrit à l'employeur établi hors de France (...) de faire cesser ce manquement dans un délai de trois jours, à compter de la réception de l'injonction (...) / L'injonction est adressée au représentant de l'employeur mentionné au II de l'article L. 1262-2-1. " Enfin, aux termes de l'article R. 1263-11-3 du même code : " Avant de prononcer une suspension temporaire de la prestation de services, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi invite le représentant de l'employeur à présenter ses observations dans un délai de trois jours à compter de la réception de cette invitation. Ce délai peut être réduit dans les cas de circonstances exceptionnelles, sans qu'il puisse être inférieur à un jour. / A l'expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l'intéressé, il peut, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, lui notifier une décision motivée de suspension temporaire (...) ".

8. La production a postériori des documents demandés par l'inspection du travail, le 5 avril 2016, si elle a permis à la société SPT Empresa de Trabalho Temporario d'éviter que l'administration ne prononce la suspension de la prestation de service en litige en application des dispositions citées au point 7, n'a eu aucune incidence sur le bien-fondé de l'amende administrative en litige qui, ainsi qu'il est dit au point 4, repose sur le manquement constaté dès le début de la prestation.

9. Il résulte de ce qui précède que la société SPT Empresa de Trabalho Temporario n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la sanction. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SPT Empresa de Trabalho Temporario est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SPT Empresa de Trabalho Temporario et à la ministre du travail.

Copie sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

N° 18LY03462 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03462
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Bien-fondé.

Travail et emploi - Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs.

Travail et emploi - Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs - Emploi des étrangers (voir : Étrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP BRUMM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-13;18ly03462 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award