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13/02/2020 | FRANCE | N°18LY02949

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 février 2020, 18LY02949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 19 juin 2018 par lesquelles le préfet de la Côte d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le même préfet a décidé son assignation à résidence dans le département de la Côte-d'Or pendant une durée de quarante-cinq

jours.

Par jugement n° 1801675, 1801676 du 4 juillet 2018, le magistrat désigné p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 19 juin 2018 par lesquelles le préfet de la Côte d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le même préfet a décidé son assignation à résidence dans le département de la Côte-d'Or pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 1801675, 1801676 du 4 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a, dans son article 1er, annulé la décision prise le 19 juin 2018 à l'encontre de M. B... en tant qu'elle fixe le Kosovo comme pays de destination et, dans son article 2, annulé notamment la décision du 28 juin 2018 l'assignant à résidence.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, le préfet de la Côte d'Or demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 4 juillet 2018 qui annulent la fixation du pays de destination et l'interdiction de retour, ainsi que l'assignation à résidence ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif contre ces décisions.

Il soutient que :

- M. B... et son épouse ayant tous deux la nationalité kossovare, le Kosovo pouvait être désigné comme pays de destination ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire national a pris en compte la situation particulière de M. B... et considéré qu'aucune circonstance humanitaire ne faisait obstacle à son prononcé ;

- l'arrêté du 28 juin 2018 portant assignation à résidence n'a pas pour base légale la décision fixant le pays de destination et ne pouvait donc être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit d'observations.

Par lettre du 10 décembre 2019, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'absence d'intérêt du préfet de la Côte d'Or à relever appel du jugement qui n'a pas annulé l'interdiction de retour sur le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant kosovare, a déclaré être entré en France avec son épouse Mme A... épouse B... en 2010. Le couple a trois enfants nés en France en 2011, 2012 et 2015. M. B... et son épouse se sont vus déboutés de leur demande au titre de l'asile en France. Ils ont fait l'objet en 2015 et 2017 d'obligations de quitter le territoire qui n'ont pas été exécutées. Par un arrêté du 19 juin 2018, le préfet de la Côte d'Or a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le Kosovo dont il a la nationalité comme pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par arrêté du 28 juin 2018, le préfet de la Côte d'Or a également assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours M. B.... Le préfet de la Côte d'Or relève appel des articles 1er et 2 du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a notamment annulé la décision du 19 juin 2018 concernant M. B... fixant le Kosovo comme pays de destination ainsi que la décision du 28 juin 2018 l'assignant à résidence.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il annulerait l'interdiction de retour :

2. Le dispositif du jugement attaqué du 4 juillet 2018 n'annule pas la décision du 19 juin 2018 par laquelle il est fait interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par suite, le préfet de la Côte d'Or n'est pas recevable à contester le dispositif du jugement en tant qu'il annulerait cette décision.

Sur le surplus :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays (...) ".

4. Pour faire droit à la demande de l'intimé dirigée contre la fixation du pays de renvoi, le magistrat désigné a retenu comme fondé l'atteinte disproportionnée portée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale au motif que n'était pas établie la double nationalité serbe et kosovare de Mme B... permettant son admission dans l'un ou l'autre de ses deux États et donc la poursuite de la vie du foyer au Kosovo, État dont M. B... a la nationalité.

5. Or, il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le préfet extraites des dossiers de demande de reconnaissance du statut de réfugiés et de titre de séjour que Mme B... possède la nationalité kosovare. Elle fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Rien ne s'oppose donc à ce qu'ils poursuivent leur vie privée et familiale au Kosovo où ils pourront scolariser leurs enfants tandis qu'ils ne justifient d'aucune intégration particulière dans la société française. Par suite, la décision litigieuse ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a annulé la décision fixant le pays de destination pour ce motif.

6. En second lieu, à défaut d'établir l'illégalité de la fixation du pays de destination, c'est également à tort que le magistrat désigné a annulé par voie de conséquence la décision du 28 juin 2018.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif à l'encontre de ces décisions.

8. Les décisions des 19 juin 2018 et 28 juin 2018 prises à l'encontre de M. B... sont signées par M. Christophe Marot, secrétaire général de la préfecture de la Côte d'Or, disposant d'une délégation consentie par arrêté du préfet de la Côte d'Or du 22 mai 2018, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de ladite préfecture du même jour, à l'effet de signer les décisions en litige. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions doit donc être écarté.

9. Si M. B... soutenait devant le premier juge que l'exécution d'office de la mesure d'éloignement est impossible en ce qu'elle fixe alternativement deux pays de destination, un tel moyen manque en fait dès lors que la décision ne vise que le Kosovo comme pays de destination ou tout autre pays où il serait légalement admissible.

10. La décision du 19 juin 2018 prise à l'encontre de M. B... portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le moyen tiré par exception de son illégalité à l'encontre de la décision du 28 juin 2018 portant assignation à résidence doit enfin être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que doivent être annulés l'article 1er du jugement attaqué et son article 2 en tant qu'il a annulé la décision du 28 juin 2018 du préfet de la Côte d'Or portant assignation à résidence de M. B... et que doivent être rejetées les demandes d'annulation présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Dijon contre la décision du 19 juin 2018 fixant le pays de destination et la décision du 28 juin 2018 l'assignant à résidence.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1801675, 1801676 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 4 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1801675, 1801676 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 4 juillet 2018 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 28 juin 2018 du préfet de la Côte d'Or portant assignation à résidence de M. B....

Article 3 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Dijon tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2018 fixant le pays de destination et de la décision du 28 juin 2018 portant assignation à résidence est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

2

N° 18LY02949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02949
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-13;18ly02949 ?
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