La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2020 | FRANCE | N°18LY01075

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 février 2020, 18LY01075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner, d'une part, le centre hospitalier d'Avallon solidairement avec le centre hospitalier d'Auxerre à lui verser la somme de 97 676,54 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail et, d'autre part, le centre hospitalier d'Avallon à lui verser la somme de 635 388 euros en réparation du préjudice causé par la résiliation de

la convention qui les liait, la somme de 188 419,75 euros en rémunération d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner, d'une part, le centre hospitalier d'Avallon solidairement avec le centre hospitalier d'Auxerre à lui verser la somme de 97 676,54 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail et, d'autre part, le centre hospitalier d'Avallon à lui verser la somme de 635 388 euros en réparation du préjudice causé par la résiliation de la convention qui les liait, la somme de 188 419,75 euros en rémunération des prestations réalisées et non payées, la somme de 169 548,66 euros au titre des intérêts moratoires correspondant aux prestations réalisées entre 2010 et 2016 et payées avec retard ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du retard de paiement des prestations.

Par un jugement n° 1601750 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier d'Avallon à verser à la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers les intérêts moratoires échus entre le 1er janvier 2012 et la date de règlement des prestations réalisées par la société, sur la base d'un taux d'intérêt légal augmenté de deux points, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avallon à verser à la société la somme de 188 419,75 euros en rémunération des prestations réalisées et non payées et rejeté le surplus des conclusions de la société.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 mars 2018 la société Bio+ venant aux droits de la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 janvier 2018 ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier d'Avallon et le centre hospitalier d'Auxerre à lui verser la somme de 97 676,54 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Avallon à lui verser la somme de 635 388 euros en réparation du préjudice causé par la résiliation de la convention qui les liait ;

4°) de condamner le centre hospitalier d'Avallon à lui verser la somme de 70 043,95 euros au titre des intérêts de retard ;

5°) de condamner le centre hospitalier d'Avallon à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des prestations réalisées ;

6°) de condamner le centre hospitalier d'Avallon à lui verser une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1153 du code civil ;

7°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier d'Avallon et du centre hospitalier d'Auxerre une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la résiliation a été déloyale dès lors que la volonté des parties à la convention conclue en 2007 n'était pas de pouvoir rompre les relations contractuelles, moyennant un préavis de six mois, à tout moment mais à chaque période triennale et que le centre hospitalier s'était engagé à reprendre au moins quatre salariés ;

- le préjudice qu'elle a subi du fait de cette rupture des relations contractuelles, correspondant à son chiffre d'affaires pour les douze mois durant lesquels le centre hospitalier ne pouvait pas résilier le contrat, s'élève à 635 388 euros ;

- elle a présenté une demande préalable au centre hospitalier d'Auxerre concernant le défaut d'application de l'article L. 1224-3 du code du travail ;

- du fait de ce défaut d'application de l'article L. 1224-3 du code du travail, elle a dû licencier les salariés chargés des analyses liées au centre hospitalier, ce qui représente un préjudice de 168 117,22 euros ;

- le centre hospitalier d'Avallon reste redevable d'une somme de 5 000 euros correspondant aux prestations effectuées ;

- les intérêts échus entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011, soit 70 043,95 euros, ne sont pas atteints par la prescription quadriennale, son courrier du 31 juillet 2015 ayant eu pour effet d'interrompre cette prescription ;

- le centre hospitalier d'Avallon doit être condamné à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1153 du code civil.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2018, le centre hospitalier d'Avallon et le centre hospitalier d'Auxerre, représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la société Bio+ au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la société Bio+ n'a pas adressé de demande préalable au centre hospitalier d'Auxerre ;

- les conclusions tendant au paiement des intérêts de retards sur les prestations non réglées portant sur 2010 et 2011 ne sont pas recevables, ces sommes étant prescrites ;

- les moyens soulevés par la société Bio+ ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code du travail ;

- le code des marchés publics ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 21 décembre 1968 ;- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme B...,

- et les observations de Me C..., représentant les centres hospitaliers d'Auxerre et d'Avallon ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 3 juillet 2015, le centre hospitalier d'Avallon a décidé de mettre fin aux relations contractuelles qu'il entretenait avec la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers pour la réalisation de prestations d'analyses de biologie médicale. La société Bio+, venant aux droits de la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers, relève appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier d'Avallon à verser à la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers les intérêts moratoires échus entre le 1er janvier 2012 et la date de règlement des prestations réalisées par la société, sur la base d'un taux d'intérêt légal augmenté de deux points, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avallon à verser à la société une somme de 188 419,75 euros en rémunération des prestations réalisées et non payées et a rejeté le surplus des conclusions de la société. La société Bio+ demande, outre la réformation du jugement, la condamnation solidaire du centre hospitalier d'Avallon et du centre hospitalier d'Auxerre à lui verser la somme de 97 676,54 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail et la condamnation du centre hospitalier d'Avallon à lui verser la somme de 635 388 euros en réparation du préjudice causé par la résiliation de la convention, la somme de 70 043,95 euros au titre des intérêts de retard, la somme de 5 000 euros au titre des prestations réalisées et la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1153 du code civil.

Sur la résiliation :

2. Aux termes de l'article 9 de la convention conclue le 2 mai 2007 : " La convention court jusqu'au 31 décembre 2007. Elle est renouvelée par avenant, pour une durée de trois ans, après évaluation du Conseil exécutif. (...) La présente convention peut être dénoncée par l'une ou l'autre partie, sous réserve d'un préavis de six mois, par courrier en recommandé avec avis de réception. ".

3. Cette convention n'a pas été renouvelée selon les modalités prévues par ces stipulations. L'exécution des prestations au-delà du 31 décembre 2007 s'est ainsi effectuée en vertu d'un nouveau contrat, non formalisé. Ce nouveau contrat ne prévoyant pas de limitation de durée le centre hospitalier d'Avallon pouvait le résilier à tout moment pour des motifs légitimes sans que cette résiliation présente un caractère abusif et ouvre droit à indemnisation au profit de son cocontractant.

4. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier d'Avallon a résilié ledit contrat par un courrier du 3 juillet 2015 indiquant que la résiliation prendrait effet six mois après sa notification à la société. Celle-ci a en outre été informée dès la réunion qui s'est tenue avec le centre hospitalier le 14 novembre 2014 de cette résiliation à venir. La résiliation est ainsi intervenue au terme d'un délai suffisant, alors même que la société avait acquis un matériel spécifique et affecté plusieurs salariés à la réalisation des prestations pour le centre hospitalier. Le centre hospitalier ne s'étant en outre pas engagé à reprendre ce matériel et ce personnel, il n'a pas méconnu le principe de loyauté des relations contractuelles.

5. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier d'Avallon a résilié le contrat avec la société au motif que son activité de biologie médicale ainsi que celle du centre hospitalier de Clamecy allaient être reprises par le laboratoire de biologie médicale du centre hospitalier d'Auxerre dans le cadre d'une démarche de coopération territoriale autour d'un projet médical commun. La résiliation repose ainsi sur un motif légitime et n'ouvre pas droit à l'indemnisation de la société.

Sur le défaut de reprise des salariés :

6. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle a effectivement dû licencier six salariés du seul fait de la résiliation du contrat avec le centre hospitalier d'Avallon ni que ces salariés étaient exclusivement affectés aux tâches requises par ce centre hospitalier. Sa demande tendant à ce que le centre hospitalier d'Avallon et le centre hospitalier d'Auxerre, qui n'a pas proposé la reprise des salariés comme le prévoient les dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail, soient condamnés à lui verser une indemnité correspondant aux frais de licenciement de six salariés doit donc, en tout état de cause, être rejetée.

Sur les prestations réalisées :

7. Si la société Bio+ soutient en appel que le centre hospitalier d'Avallon doit lui verser une somme de 5 000 euros au titre des prestations effectuées, elle n'établit pas que le centre hospitalier serait toujours redevable de cette somme alors que la facture qu'elle produit, dont la date est incertaine, porte sur d'autres sommes.

Sur les intérêts moratoires :

8. D'une part, aux termes de l'article 98 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. ". Aux termes de l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics applicable au litige : " Pour les organismes soumis aux délais de paiement mentionnés aux 2° de l'article 98 du code des marchés publics, qu'il soit ou non indiqué dans le marché, le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à 1'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). " et " Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de 1'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. ".

10. Par le courrier du 31 juillet 2015 qu'elle a adressé au centre hospitalier d'Avallon après avoir été informée de la résiliation de la convention les liant, la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers a rappelé à l'établissement qu'il lui devait encore, au mépris du délai de paiement prévu par la convention, des sommes importantes dont elle lui avait demandé le paiement à plusieurs reprises. Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le délai de prescription pour les prestations réalisées en 2011 a été interrompu par ce courrier qui en revanche n'a pas eu pour effet de proroger ce délai, déjà échu, pour les prestations réalisées en 2010.

11. La société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers a produit en première instance un tableau récapitulant, facture par facture, la date d'envoi, la période de référence, le montant, la date d'échéance, la date de paiement, le nombre de jours de retard, le taux d'intérêts et le montant des intérêts. Le centre hospitalier d'Avallon ne conteste pas avoir reçu les factures aux dates indiquées par la société, ni leur montant, ni que le délai de paiement convenu dans la convention était de quarante-cinq jours. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier à verser à la société Bio+ les intérêts de retard à compter du jour suivant l'expiration de ce délai jusqu'à la date du paiement effectif des prestations réalisées par la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011, alors même que cette dernière n'en avait pas fait la demande préalable à l'établissement public, au taux légal augmenté de deux points.

Sur la demande au titre de l'article 1153 du code civil :

12. Aux termes de l'article 1153 du code civil : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal (...) / Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. ".

13. Il ne résulte pas de l'instruction que les retards constatés dans le règlement des sommes dues à la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers résulteraient d'un mauvais vouloir ou d'une négligence grave du centre hospitalier d'Avallon. Dès lors, et alors que la société Bio+ n'établit pas l'existence d'un préjudice indépendant de ces retards, cette société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté les conclusions tendant au versement d'une indemnité au titre des dispositions précitées du code civil.

14. Il résulte de ce qui précède que la société Bio+ est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de la demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avallon à verser à la société Laboratoire de biologie médicale des Cordeliers les intérêts de retard au titre des prestations réalisées en 2011.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Bio+, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse aux centres hospitaliers d'Avallon et d'Auxerre une somme au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme à la charge de ces centres hospitaliers.

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier d'Avallon est condamné à verser à la société Bio+ les intérêts moratoires calculés conformément aux motifs du présent arrêt.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1601750 du tribunal administratif de Dijon du 25 janvier 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bio+, au centre hospitalier d'Avallon et au centre hospitalier d'Auxerre.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président de la formation de jugement,

Mme D..., premier conseiller.

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 février 2020.

2

N° 18LY01075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01075
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP MAZEN CANNET MIGNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-06;18ly01075 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award