Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
- d'annuler les décisions du 6 mai 2019 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or ne l'a pas autorisée à résider en France au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office en cas d'éloignement forcé ;
- d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;
- de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1901466 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2019, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1901466 du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ; à titre subsidiaire, de suspendre la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle a été prise sans examen particulier de sa situation et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les stipulations de l'article 33 de la Convention de Genève, celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe constitutionnel du droit au maintien sur le territoire durant la demande d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnaît le droit à un recours effectif prévu par les articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le considérant 25 et l'article 46 de la directive européenne du 26 juin 2013, les articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Un mémoire enregistré le 6 janvier 2020, après clôture de l'instruction, a été produit par le préfet de la Côte-d'Or.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... née le 6 novembre 1979, de nationalité albanaise, est entrée en France le 4 décembre 2018 avec son époux et ses enfants, également de nationalité albanaise et a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 mars 2019. Par un arrêté du 6 mai 2019, le préfet de la Côte-d'Or ne l'a pas autorisée à résider en France au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office. Mme A... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales.
2. En premier lieu, si l'arrêté préfectoral en litige vise par erreur les dispositions de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors abrogé, cette erreur matérielle est sans incidence sur la régularité de la motivation dudit arrêté au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait que le fondent. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision en litige doit être écarté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... ni qu'il se serait cru lié par la décision de l'OFPRA.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ".
4. L'article L. 743-2 du même code dispose toutefois que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 (...) ".
5. Le 6 mai 2019, alors même qu'elle avait saisi la Cour nationale du droit d'asile d'une contestation de la décision du 29 mars 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposerait d'éléments nouveaux à soumettre à cette juridiction, Mme A... relevait des dispositions précitées du 7° de l'article L. 743-2 de ce code qui mettent fin au droit de l'étranger de se maintenir sur le territoire français. Dès lors, elle pouvait, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 dudit code, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
6. Si la requérante soutient qu'il résulte de l'arrêté en litige une atteinte au principe à valeur constitutionnelle qu'est le droit d'asile, un tel moyen revient à contester devant le juge administratif la conformité de ces dispositions législatives à la Constitution. Un tel moyen ne peut être utilement soulevé en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution à laquelle la requérante n'a pas recouru.
7. Mme A... conservait la faculté, pendant la durée d'instruction de son dossier de demande d'asile et avant l'intervention de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, de faire valoir auprès de l'administration tous éléments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Elle ne fait état d'aucun élément de cette nature. Par suite, elle n'a pas été privée du droit d'être entendue tel qu'il est consacré notamment par le droit de l'Union européenne.
8. Mme A..., qui ne fait état en appel d'aucun élément qui justifierait de la réalité des risques allégués en cas de retour en Albanie, n'apporte aucun élément établissant que la mesure d'éloignement qu'elle conteste est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou qu'elle a pour effet de la priver de son droit à un recours effectif prévu par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et les dispositions du considérant 25 et de l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V (...) Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
10. A l'appui de sa demande de suspension de la mesure d'éloignement en litige, Mme A..., qui se borne à reprendre son récit devant l'Office français des réfugiés et apatrides, ne se prévaut d'aucune circonstance ni ne produit aucune pièce susceptible de démontrer la nécessité pour elle de se maintenir en France jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français en litige serait susceptible de lui faire courir des risques contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
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N° 19LY02804
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