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30/01/2020 | FRANCE | N°19LY00363

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 janvier 2020, 19LY00363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... se disant Jocelyne C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 juin 2018 par lequel le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine pour destination.

Par un jugement n° 1804986 du 29 octobre 2018, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2019

, Mme A... se disant Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... se disant Jocelyne C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 juin 2018 par lequel le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine pour destination.

Par un jugement n° 1804986 du 29 octobre 2018, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2019, Mme A... se disant Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 29 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2018 par lequel le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, à verser à son avocat qui s'engage à renoncer dans ce cas à percevoir la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Elle soutient que :

- l'auteur de l'arrêté était incompétent pour prendre cet acte ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- faute d'avoir été entendue préalablement à l'édiction des mesures en litige, ces dernières sont intervenues en violation de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'administration ne renverse pas la présomption d'authenticité des documents qu'elle a présentés à l'appui de son identité et de sa minorité ; son refus de se soumettre à un test osseux ne peut lui être opposé ; ses propres déclarations aux services de police ne remettent pas en cause les justificatifs qu'elle présente ;

- sa convocation devant le tribunal correctionnel ne permet pas une obligation de quitter le territoire ;

- l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, dès lors qu'elle est mineure et prise en charge par les institutions publiques ;

- par la voie de l'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, la décision fixant le pays de destination est illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2019, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de Mme A... se disant Mme C... ne sont pas fondés.

Mme A... se disant Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La requérante, indiquant se dénommer Mme D... C..., relève appel du jugement du 29 octobre 2018 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2018 par lequel le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de réexaminer sa situation.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. Gérard Lacroix, secrétaire général de la préfecture de la Loire et signataire de l'arrêté en litige, a reçu, par arrêté du préfet de la Loire du 14 février 2018 publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'État dans le département de la Loire, délégation à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives et comptables relevant des attributions de l'État dans le département de la Loire ", à l'exception de mesures parmi lesquelles ne figurent pas les décisions en matière de droit au séjour des étrangers. Dès lors, le moyen tiré par Mme A... se disant Mme C..., qui n'allègue pas même que les conditions d'exercice de la délégation n'étaient pas remplies, de l'incompétence du signataire des décisions en litige manque en fait.

3. En deuxième lieu, l'arrêté du 20 juin 2018, sans que l'omission du visa de l'article 47 du code civil ait une incidence sur sa légalité, énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation de Mme A... se disant Mme C... dans une mesure suffisante pour permettre à l'intéressée d'en connaître et discuter utilement les motifs et au juge de l'excès de pouvoir d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause. Il est ainsi suffisamment motivé.

4. En troisième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Il ressort toutefois des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-1 de ce code, ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

6. En cinquième lieu, au soutien de l'identité dont elle se prévaut, l'appelante se borne à produire un extrait du registre des actes d'état civil de Cosrou, en Côte-d'Ivoire, un certificat de nationalité ivoirienne, et la carte d'identité de la personne qu'elle présente comme sa mère, décédée selon ses déclarations en 2012. Bien que les mentions sur le premier fassent apparaître une discordance dans les prénoms de la personne dont la naissance a été déclarée au 25 décembre 2001, en omettant en partie droite le prénom " Lou " porté à gauche, et tandis que la nationalité des parents y est omise, les services de l'analyse documentaire de la police aux frontières de la zone Sud-Est ont conclu à l'apparence authentique de l'extrait du registre d'état civil et du certificat de nationalité. Toutefois, les déclarations de Mme A... se disant Mme C..., notamment lors de son audition le 18 avril 2017 par les services de police dans le cadre de l'instruction d'une procédure judiciaire à son encontre pour escroquerie, nonobstant leur variation avec celles faites aux services d'aide sociale à l'enfance de la Loire, quant aux circonstances dans lesquelles elle se serait procuré ces documents, dont la carte d'identité réalisée en 2009, alors qu'elle soutient n'avoir aucun contact avec sa fratrie et que ses deux parents sont décédés, ne lèvent pas l'incohérence entre les dates auxquelles ont été établis ces documents et son parcours migratoire depuis, selon elle, 2012. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces documents, à supposer qu'ils ne soient pas contrefaits, lui appartiennent alors qu'ils ne comportent aucune photographie et que son identité est contestée par le préfet. Par suite, et en l'absence de tout élément infirmant les appréciations sur la majorité de l'intéressée en débat par ailleurs dans la procédure pénale, il ne ressort pas des pièces du dossier que le motif de l'arrêté en litige selon lequel la requérante n'est pas mineure soit erroné.

7. En sixième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Ces stipulations ne sauraient toutefois, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire.

8. Mme A... se disant Mme C..., qui, ainsi qu'il vient d'être dit, n'établit pas être mineure à la date de l'arrêté en litige, est entrée irrégulièrement en France selon ses déclarations en décembre 2016. Elle est célibataire et sans charge de famille. Sa fratrie réside dans son pays d'origine. Dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en obligeant l'appelante à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office, le préfet de la Loire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ces décisions et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.

9. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que Mme A... se disant Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme A... se disant Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire du 20 juin 2018 doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'elle présente au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... se disant Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... se disant Baliléfé Armande Jocelyne C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 janvier 2020.

N° 19LY00363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00363
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-30;19ly00363 ?
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