Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Fornas Promotion Construction a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 juin 2015 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes a exercé le droit de préemption sur des parcelles cadastrées section A n° 557, 991 et 1243 situées au lieudit Le Bourg sur le territoire de la commune de Civrieux-d'Azergues, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1510344 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, la société Fornas Promotion Construction, représentée par la SCP Deygas Perrachon et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision de préemption du 23 juin 2015 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que la préemption en litige ne présentait pas un intérêt général suffisant ;
- un intérêt général n'est pas caractérisé en l'espèce ; l'orientation d'aménagement de programmation (OAP) du secteur des Verchères était opposable à son projet qui intégrait déjà 25% de logements sociaux ; la réalité d'une politique locale de l'habitat à la date de la décision de préemption n'est d'ailleurs pas démontrée ;
- le tribunal n'a pas davantage suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- la décision en litige procède d'une manoeuvre de la commune, qui a paralysé la vente initiale du tènement en cause en approuvant le 13 novembre 2013 la modification n° 1 de son plan local d'urbanisme (PLU) à l'origine d'un second refus de permis d'aménager, avant de demander à l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes de préempter à l'occasion d'une nouvelle vente pour réaliser un projet de lotissement similaire ;
- par l'effet dévolutif de l'appel, elle maintient et réitère ses demandes exposées en première instance.
Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2018, l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes, représenté par la SCP Sartorio Lonqueue Sagalovitsch et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fornas Promotion Construction en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;
- en présence de Me A... pour la société Fornas Promotion Construction et de Me B... pour l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes qui n'ont pas souhaité formuler d'observations ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Fornas Promotion Construction s'est portée acquéreur de trois parcelles cadastrées section A n° 557, 991 et 1243 situées au lieudit Le Bourg sur le territoire de la commune de Civrieux-d'Azergues. Elle relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2015 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes a exercé le droit de préemption sur ces parcelles ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à chacun des arguments avancés par la société Fornas Promotion Construction, ont suffisamment précisé les motifs de droit et de fait pour lesquels, au point 5 de leur décision, ils ont écarté le moyen tiré de ce que la décision en litige ne présenterait pas un intérêt général suffisant. Ils ont également répondu en termes circonstanciés, au point 6 du jugement attaqué, au moyen tiré du détournement de pouvoir. Le moyen selon lequel le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité de la décision de préemption :
3. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".
4. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
5. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté par la société Fornas Promotion Construction que l'exercice par l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes du droit de préemption urbain est motivé par la constitution de réserves foncières en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme . Le " secteur des Verchères " au sein duquel sont situées les parcelles préemptées fait en effet l'objet d'une orientation d'aménagement et de programmation au PLU modifié le 13 novembre 2013, prévoyant la création d'un minimum de trente logements avec une proportion d'au moins 20 % de logements sociaux. La commune de Civrieux-d'Azergues, au nom de laquelle l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes a préempté les parcelles en litige, de même d'ailleurs que la parcelle voisine détachée du même tènement, poursuivait ainsi, à la date de la décision de préemption, un projet d'aménagement s'inscrivant dans le cadre d'une politique locale de l'habitat présentant un intérêt général suffisant de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit. A cet égard, ainsi que l'ont à bon droit relevé les premiers juges, la circonstance invoquée par la requérante qu'elle poursuit également un programme de logements sociaux sur ce tènement, de sorte que, selon elle, la décision de préemption aurait pour seul effet de lui substituer un autre maître d'ouvrage, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, qui n'est pas subordonnée à une carence de l'initiative privée.
6. Le droit de préemption ayant été légalement exercé, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, sur le fondement de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
7. En se bornant pour le surplus à maintenir les autres moyens qu'elle avait soulevés en première instance sans même les énoncer sommairement ni joindre à sa requête une copie de ses mémoires de première instance contenant les précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, la société requérante ne met pas la cour à même de se prononcer sur ces moyens.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Fornas Promotion Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Fornas Promotion Construction demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Fornas Promotion Construction le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Fornas Promotion Construction est rejetée.
Article 2 : La société Fornas Promotion Construction versera la somme de 2 000 euros à l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fornas Promotion Construction et à l'établissement public foncier de l'ouest Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... F..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme D... C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2020.
2
N° 18LY01828
dm