Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 1901052 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 mai 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 29 novembre 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne contient qu'une motivation sommaire qui ne tient pas compte de sa situation personnelle ;
- l'arrêté en litige méconnaît le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît également le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 19 juin 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me D..., représentant M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né en France en décembre 1957, est entré pour la dernière fois sur le territoire national, le 29 avril 2017, sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 29 novembre 2018, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement des 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement du 2 mai 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions.
2. En premier lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, en tant qu'elle est prise sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, rappelle la teneur de l'avis rendu le 7 septembre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et précise qu'après examen approfondi de la situation de l'intéressé, celui-ci ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... en tenant compte des éléments portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait insuffisamment motivée et ne tiendrait pas compte de sa situation personnelle au regard de son état de santé doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Par un avis du 7 septembre 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Il est constant que l'état de santé de M. B... nécessite un traitement médicamenteux à vie et un suivi cardiovasculaire pour une double valvulopathie mitro-aortique, découverte en 1974 et dont il a été opéré en Algérie en 2010. M. B... produit des pièces selon lesquelles le traitement anticoagulant " Coumadine ", qui lui a été prescrit en France, n'est pas disponible en Algérie et permet d'obtenir un INR (International Normalized Ratio) stable, contrairement à l'anticoagulant " Sintrom " qui lui avait été prescrit dans son pays d'origine avant son arrivée en France. L'intéressé fait valoir également qu'il n'a pas les moyens financiers pour bénéficier d'un suivi médical de sa pathologie dans son pays d'origine. Toutefois, les pièces qu'il produit ne suffisent pas à établir qu'il n'existerait aucun traitement équivalent à la Coumadine en Algérie ni que son suivi médical y serait impossible et ce alors qu'il ressort des pièces du dossier que depuis 1974, il y a bénéficié d'un traitement et de contrôles réguliers et qu'il y a été opéré en 2010. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de nature à démontrer l'existence de circonstances faisant obstacle à ce que M. B... bénéficie effectivement d'une prise en charge médicale appropriée à sa pathologie en Algérie, le préfet de l'Isère, en se fondant sur l'avis émis le 7 septembre 2018 par le collège des médecins de l'OFII, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en prononçant une mesure d'éloignement, n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
7. M. B... fait valoir qu'il est né en France, y a vécu jusqu'à ses dix-sept ans et justifie y disposer de fortes attaches. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée, après avoir vécu jusqu'à l'âge de soixante ans en Algérie où il a construit sa vie familiale. Ainsi en particulier, même si l'intéressé a divorcé de son épouse en 1990 et que ses parents sont décédés, il ne conteste pas que ses quatre enfants résident en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.
2
N° 19LY02870