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15/01/2020 | FRANCE | N°19LY01839

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 janvier 2020, 19LY01839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Chemkostav HSV a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des cotisations de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la forma

tion professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Chemkostav HSV a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des cotisations de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction mises à sa charge au titre des années 2009 à 2011, des impositions supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011, et des rappels de TVA auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement nos 1203915, 1402574 du 29 mars 2016, le tribunal administratif a fait droit à ses demandes en ce qu'elles concernaient les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source, et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 16LY02023 du 6 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'article 2 de ce jugement déchargeant la société Chemkostav HSV des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source et rejeté le surplus de ses conclusions présentées tant en première instance qu'en appel.

Par une décision n° 422046 du 9 mai 2019, enregistrée à la cour le 14 mai 2019 sous le n°19LY01839, le Conseil d'Etat, sur la demande de la société Chemkostav HSV a, d'une part, annulé l'arrêt du 6 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Chemkostav HSV tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de retenue à la source mises à sa charge et, d'autre part, renvoyé, dans la mesure de la cassation, le jugement de l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour

Par un recours enregistré le 16 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2016 ;

2°) de remettre à la charge de la société Chemkostav HSV la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 à hauteur de 306 770 euros ainsi que les cotisations supplémentaires de retenue à la source et les pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie à hauteur de 37 430 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et de 8 659 euros au titre de l'exercice clos en 2011 ;

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'activité exercée par la société Chemkostav HSV constituant une activité économique exercée de façon autonome au moyen d'une installation fixe d'affaires implantée en France, il s'agit d'un établissement stable au sens de l'article 5 de la convention fiscale conclue entre la France et l'ex-Tchécoslovaquie de 1973 et, par suite, assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2016, la société Chemkostav HSV, représentée par Me B..., conclut au rejet du recours et demande à la cour :

1°) de prononcer la décharge des autres impositions contestées en première instance ;

2°) de prononcer la restitution de la somme principale de 321 234 euros appréhendée par saisie conservatoire du 31 octobre 2013, assortie des intérêts moratoires à compter de cette date ;

3°) de prononcer la mainlevée de toutes les inscriptions de privilège du Trésor prises auprès du greffe du tribunal de commerce ;

4°) de condamner l'Etat à rembourser à la société Chemkostav HSV les frais irrépétibles qu'elle a été, ou serait, amenée à exposer au cours de cette instance.

La société Chemkostav HSV soutient que :

- la démonstration réalisée par le ministre de l'existence d'une installation fixe d'affaires est inopérante au regard du f) du 3°) de l'article 5 de la convention fiscale conclue entre la France et l'ex-Tchécoslovaquie de 1973, cet article excluant par principe toute qualification d'établissement stable pour les activités de chantier de construction ou de montage ;

- elle exerce une activité de chantier de construction ou de montage ;

- n'étant ni établie en France ni soumise à l'impôt sur les sociétés en France, toutes les autres impositions mises à sa charge doivent être dégrevées.

Par un courrier en date du 19 décembre 2017, la cour a informé les parties, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de la société Chemkostav HSV, présentées après l'expiration du délai d'appel, l'irrecevabilité des conclusions tendant à la main levée de toutes inscriptions de privilège du Trésor, présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre et l'irrecevabilité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faute d'être chiffrées ;

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2017, la société Chemkostav HSV a présenté des observations suite à la communication des moyens d'ordre public susvisés et a chiffré ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en les fixant à 3 000 euros.

Par courriers du 17 mai 2019, les parties ont été informées du renvoi, dans la mesure de la cassation, à la cour administrative d'appel de Lyon, de l'affaire qui a été enregistrée sous le n°19LY01839.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2019, la société Chemkostav HSV conclut aux mêmes fins.

Elle soutient que :

- elle n'a qu'une activité de construction et ne peut ainsi être considérée comme disposant d'un établissement stable en France ;

- n'étant pas soumise à l'impôt sur les sociétés, elle n'est pas redevable de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage, de la participation des employeurs au développement de la formation continue et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut aux mêmes fins.

Il soutient que la société Chemkostav HSV doit être regardée comme disposant en France d'une installation fixe et pérenne d'affaires et de moyens humains et matériels lui permettant d'exercer son activité de maçonnerie ; la permanence de cette activité générale doit conduire à écarter la notion de " chantier de construction ou de montage ".

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Chemkostav HSV, société de droit slovaque exerçant une activité de " bâtiments, travaux publics ", a fait l'objet d'un contrôle sur pièces et d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 à l'issue desquels l'administration a estimé qu'elle disposait en France d'un établissement stable et l'a, en conséquence, assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et aux pénalités correspondantes, à des retenues à la source au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, à des cotisations de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2009 à 2011, à des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Par un jugement du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a accordé à cette société la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source, et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 9 mai 2019, le Conseil d'Etat, sur la demande de la société Chemkostav HSV a, d'une part, annulé l'arrêt du 6 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Chemkostav HSV tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de retenue à la source mises à sa charge et, d'autre part, renvoyé, dans la mesure de la cassation, le jugement de l'affaire devant la cour.

2. Si la société Chemkostav HSV persiste à soutenir que n'étant pas soumise à l'impôt sur les sociétés, elle n'est pas redevable de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage, de la participation des employeurs au développement de la formation continue et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, un tel moyen se rapporte à des impositions qui ne sont plus en litige devant la cour après cassation et renvoi par la décision susvisée du Conseil d'Etat.

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

4. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. ". Aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal en France ". A ce titre, ils donnent lieu à l'application d'une retenue à la source en application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts.

5. Il est constant que la société requérante exploite en France une entreprise de bâtiment dont elle tire des bénéfices au sens du I de l'article 209 du code général des impôts ; elle est à ce titre imposable à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source en France.

6. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-tchécoslovaque du 1er juin 1973 tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, applicable aux relations entre la France et la Slovaquie en vertu de l'accord conclu sous forme d'échange de lettres relatif à la succession en matière de traités entre la France et la Tchécoslovaquie signées les 24 juin et 7 août 1996 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ". L'article 5 de cette convention stipule : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. (...) / 3. On ne considère pas qu'il y a établissement si : (...) f) L'activité de l'entreprise consiste en un chantier de construction ou de montage ".

7. Les stipulations de la convention fiscale franco-tchécoslovaque doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Il résulte des termes mêmes des stipulations du f) du 3 de l'article 5 de cette convention, qui ont pour objet de définir la notion d'établissement stable afin de répartir le droit d'imposer les bénéfices des entreprises dans le but d'éviter les doubles impositions, que les parties signataires ont entendu exclure l'existence d'un établissement stable lorsqu'une entreprise résidente d'un Etat contractant n'exerce, dans l'autre Etat contractant, qu'une activité de chantier de construction ou de montage.

8. Si le ministre fait valoir que la société Chemkostav HSV exerce en permanence depuis 2008, ses activités en France dans le domaine du bâtiment et de la maçonnerie générale et qu'elle utilise d'importants matériels et humains, il est constant qu'elle exerce ces activités dans le cadre de chantiers de construction. Ainsi, ces activités entrent dans le champ d'application des stipulations précitées du f) du 3 de l'article 5 de la convention fiscale franco-tchécoslovaque. Par suite, et dès lors qu'elle n'exerce pas d'autres activités, la société Chemkostav HSV ne peut être regardée comme disposant en France d'un établissement stable et comme devant être assujettie à l'impôt sur les sociétés en France.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé au bénéfice de la société Chemkostav HSV la décharge de l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

10. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance exposés par la société Chemkostav HSV et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Chemkostav HSV en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Chemkostav HSV.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme A..., présidente,

Mme C..., première conseillère,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N°19LY01839 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01839
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SPE SAS SR CONSEIL - LEXALP

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;19ly01839 ?
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