Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société EBD a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 1510613 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 février 2018 la société EBD, représentée par la société Fanget Avocats, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2017 ;
2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société EBD soutient que :
- la proposition de rectification du 1er juillet 2013 est insuffisamment motivée ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier du régime d'exonération d'impôt sur les bénéfices prévu par l'article 44 octies A du code général des impôts, tel que précisé par le paragraphe n° 630 du BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-10 dans la mesure où son activité est localisée en zone franche urbaine et qu'elle n'exerce pas d'activité en dehors de cette zone ;
- en application de l'article 49 M de l'annexe III au code général des impôts elle est réputée avoir exercé l'ensemble de son activité en zone franche urbaine ;
- elle est bien fondée à se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position formelle par courrier du 29 septembre 2009 de l'inspecteur principal ayant indiqué qu'elle pouvait bénéficier de cette exonération.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la société EBD ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 juillet 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2019, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- et les conclusions de M. E..., rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL EBD, spécialisée dans la vente par internet de tapis de showrooms destinés au réseau de distribution d'un concessionnaire automobile, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012. A l'issue de ce contrôle, après avoir remis en cause l'application à cette société du régime d'exonération d'impôts sur les bénéfices prévu pour les implantations en zone franche urbaine, l'administration fiscale l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant de 96 656 euros assorties d'intérêts de retard de 7 120 euros. La société EBD relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. La proposition de rectification du 1er juillet 2013 adressée à la société EBD indiquait qu'elle portait sur l'impôt sur les sociétés et mentionnait les exercices concernés. L'administration a exposé les raisons pour lesquelles elle a remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies A du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification était insuffisamment motivée doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
5. En premier lieu, aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...) ; ".
6. L'implantation d'une activité en zone franche urbaine, en l'absence de salarié, s'apprécie, pour le bénéfice de l'exonération prévue par les articles 44 octies et suivants du code général des impôts, au regard de tous éléments pertinents, notamment de la situation des locaux et des moyens d'exploitation utiles à cette activité et de son lieu d'exercice effectif, sans que fasse obstacle à l'application de ces articles la seule circonstance qu'une partie de l'activité, en raison de sa nature, doive s'exercer chez les clients de la société.
7. Il résulte de l'instruction que la SARL EBD, dont le gérant est M. C..., n'emploie aucun salarié. Son activité consiste à la vente en ligne de tapis à destination des show-rooms des concessionnaires automobiles Citroen. Elle vend des kits dont la pose ne nécessite pas le recours à un professionnel. Ces kits sont composés de tapis en PVC tissé et de profilés en aluminium collables au sol. Les concessionnaires passent une commande sur un site internet et la règlent en ligne. A réception du paiement, la société EBD adresse, par mail, un bon de préparation généré à partir du bon de commande du client à son fournisseur de tissus sis à Macon (Saône-et-Loire) ainsi qu'à son fournisseur de profilés sis à la Mure (Isère). Le fournisseur de tissus procède, à réception des profilés aluminium, à la préparation des kits conditionnés en palettes qui seront expédiés chez les clients. La marchandise est acheminée chez ces derniers via une société de transport affrétée soit directement par la société EBD soit par le fournisseur de tissus qui en refacturera ensuite le montant à EBD. Ainsi, les opérations de conditionnement des kits vendus et de stockage ne se déroulent pas dans le périmètre de la zone franche urbaine de Rilleux-la-Pape (Rhône). Seuls la validation des commandes, l'envoi de bons de préparation aux fournisseurs, le suivi client, le support client et l'organisation du transport peuvent se dérouler depuis la zone franche urbaine.
8. Jusqu'au 30 octobre 2009, la société EBD, qui ne disposait que d'une domiciliation postale et fiscale au sein d'un centre d'affaires sis 555 chemin du bois à Rilleux-la-Pape, n'y disposait ni de locaux, ni de moyens d'exploitation. A compter du 1er novembre 2009, elle a signé avec ce centre d'affaires une convention de mise à disposition d'un bureau de 14 mètres carré équipé de mobilier à usage de bureau avec l'accès, moyennant une facturation distincte, aux services d'imprimerie, scanner, téléphonie, connexion internet et location de salles offerts par le centre. Il ne résulte pas de l'instruction que ce bureau aurait été équipé par la SARL EBD d'autres moyens matériels que ceux mis à disposition par le centre tel, par exemple, qu'un ordinateur fixe. Les refacturations téléphoniques par le centre d'affaires attestent d'une consommation très faible de téléphone fixe. Aucune photocopie ou impression n'a été facturée, ni aucune location de salle de réunion. Le site internet sur lequel les commandes sont passées ne mentionne que le numéro de téléphone portable du dirigeant. Si la société a produit quatre mails faisant apparaître que, dans la signature électronique de son gérant, le numéro de téléphone fixe du bureau est également mentionné, cet élément ne suffit pas à s'assurer de son utilisation effective. Le vérificateur a indiqué qu'aucun client n'est reçu dans les locaux de la société, cette dernière communiquant avec ses clients via des conférences téléphoniques. Si la société fait valoir qu'elle était régulièrement amenée à recevoir des fournisseurs, banquiers, comptables, ou encore des prospects à son siège social, elle n'a produit, hormis deux mails rédigés en termes généraux pour les besoins de l'affaire, aucun élément circonstancié en ce sens tel que des agendas, prises de rendez-vous ou réservations de salles. Enfin, la circonstance que les factures adressées à la société, ainsi que son site internet, mentionnent l'adresse de Rillieux-la-Pape, ne permet pas de démontrer que l'exercice effectif des activités de la société s'y déroule. Dans ces conditions, la présence effective et significative du dirigeant de la SARL, doté d'un téléphone et d'un ordinateur portables, qui peut exercer ses missions depuis n'importe quel endroit muni d'une connexion internet, au sein des bureaux de la société n'est pas avérée.
9. Ainsi même si la société disposait, dans la zone franche urbaine, de locaux, une part importante de son activité ne s'y déroulait pas, les moyens d'exploitations dont elle disposait dans la zone étaient limités et la présence régulière de son dirigeant pour y assurer les missions susceptibles de se dérouler au sein de cette zone n'est pas établie. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts sous le bénéfice de laquelle la société s'était placée au titre des exercices litigieux.
10. En second lieu, aux termes des dispositions du sixième alinéa du II de l'article 44 octies A du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le contribuable n'exerce pas l'ensemble de son activité dans une zone franche urbaine, le bénéfice exonéré est déterminé en affectant le montant résultant du calcul ainsi effectué du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis à l'article 1467, à l'exception de la valeur locative des moyens de transport, afférents à l'activité exercée dans les zones franches urbaines et relatifs à la période d'imposition des bénéfices et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle du contribuable définis au même article pour ladite période. ". Aux termes de l'article 49 M de l'annexe III audit code alors en vigueur : " Pour l'application du sixième alinéa du II (...) de l'article 44 octies A du code général des impôts, le contribuable est réputé avoir exercé l'ensemble de son activité dans les zones franches urbaines s'il n'a pas disposé, en dehors de ces zones et au cours de l'année ou de l'exercice considéré, d'immobilisations corporelles au sens du 1° de l'article 1467 du code général des impôts. ".
11. Ces dispositions n'ont pour objet que de déterminer le montant du bénéfice exonéré d'un contribuable qui, bien qu'entrant dans le champ de l'exonération, ne réalise pas l'ensemble de ses activités dans une zone franche urbaine et ne sauraient dispenser ce contribuable de justifier, au préalable, de ce qu'il exerce effectivement une activité dans une telle zone. Par suite, la société EBD n'est pas fondée à soutenir que dès lors qu'elle n'a pas disposé d'immobilisations corporelles en dehors de la zone urbaine, elle doit être réputée avoir exercé l'ensemble de son activité dans cette zone.
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :
12. La SARL EBD se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 630 du BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-10. Toutefois, ce paragraphe n'existe pas et l'extrait des prévisions de la doctrine qu'elle cite expressément ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle appliquée ci-dessus.
13. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
14. Si, interrogé par la société EBD sur la possibilité de celle-ci de bénéficier du régime d'exonération prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts, le directeur des services fiscaux a indiqué, par courrier du 29 septembre 2009, que l'activité exercée par la société en zone franche urbaine pouvait donner lieu à exonération, il a précisé que son " appréciation n'a de valeur que dans la mesure où la situation de [l]'entreprise sera conforme aux données de fait que vous m'avez communiquées et qui ne seront pas ultérieurement modifiées ". Le directeur des services fiscaux avait notamment précisé que la condition d'implantation requise par l'article 44 octies A du code général des impôts ne serait remplie que si l'entreprise pouvait justifier " exercer une activité effective en zone franche urbaine ", cette condition n'étant considérée comme remplie que si " vous exercez réellement votre activité dans les locaux professionnels situés en ZFU ". Ce courrier ne constitue pas, par suite, pour la société EBD une prise de position formelle de l'administration sur le fait qu'elle entre dans le champ de l'exonération prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts.
Sur les frais liés au litige et les dépens :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société EBD la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
16. Aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, la société EBD n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société EBD est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société EBD et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme A..., présidente-assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.
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N°18LY00442