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09/01/2020 | FRANCE | N°18LY00267

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 09 janvier 2020, 18LY00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 398 377,61 euros, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015 et capitalisation des intérêts en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de la résiliation du contrat qui le liait à cet établissement.

Par un jugement n° 1506788 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la courr>
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 14 novembre 2018...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 398 377,61 euros, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015 et capitalisation des intérêts en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de la résiliation du contrat qui le liait à cet établissement.

Par un jugement n° 1506788 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 14 novembre 2018, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 novembre 2017 ;

2°) de condamner la maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 398 377,61 euros, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la maison de retraite Bouchacourt une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'accord verbal qui le liait à l'EHPAD était un contrat administratif ;

- la résiliation a été brutale et repose sur un motif erroné dès lors qu'il n'a pas refusé de prendre la responsabilité de la préparation des piluliers ;

- la directrice de l'EHPAD s'est livrée à des manoeuvres dolosives pour retarder et faire obstacle à la conclusion d'une convention et n'a pas respecté le principe de loyauté des relations contractuelles ;

- le préjudice qu'il a subi, correspondant à la perte de clientèle, au coût des licenciements économiques, à la perte de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, à la perte des recettes liées au volume d'activité, au coût de l'achat d'une voiture, au coût des travaux réalisés dans la pharmacie, à son préjudice moral, aux intérêts bancaires, aux frais d'avocat et à la réduction de ses droits à la retraite, s'élève à 398 377,61 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 juillet 2018 et le 16 avril 2019, la maison de retraite Bouchacourt conclut à titre principal à l'incompétence de la juridiction administrative et à titre subsidiaire au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente dès lors que le contrat la liant à M. A... était un contrat de droit privé, et que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme C...,

- et les observations de Me D..., représentant M. A... et celles de Me E..., représentant la maison de retraite Bouchacourt.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exploite à Saint-Laurent-sur-Saône une pharmacie qui fournissait depuis 1996 les médicaments nécessaires aux résidents de l'hôpital local, devenu le 1er janvier 2008 un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sous le nom de maison de retraite Bouchacourt. Par un courrier du 6 mars 2015, la directrice de l'établissement a informé M. A... de la fin de leur collaboration à compter du 1er juin 2015. Le 29 avril 2015, M. A... a présenté une réclamation préalable tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cette décision. M. A... relève appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 398 377,61 euros, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015 et capitalisation des intérêts en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

2. Il résulte de l'instruction qu'un accord verbal a été conclu en 1996 entre l'hôpital local de Saint-Laurent-sur-Saône transformé en EHPAD à compter du 1er janvier 2008, et la pharmacie de M. A....

3. Cet accord, modifié en 2008, avait pour objet d'offrir la possibilité aux résidents qui ne souhaitaient pas faire appel à un autre pharmacien de leur choix, de s'adresser à l'officine de M. A... qui, en contrepartie, livrait à la maison de retraite les médicaments prescrits dans des contenants individuels aux noms des résidents. Les cartes " vitale " des résidents étaient conservées par M. A..., à qui l'établissement public transmettait quotidiennement les besoins recensés des résidents. Le coût des médicaments était à la charge des résidents et aucune contrepartie financière au service ainsi rendu par M. A... n'était à la charge de l'établissement public.

4. Les médicaments étant dispensés directement aux résidents, qui en acquittaient le prix, l'accord conclu entre l'établissement public et M. A... ne constituait pas un contrat de fourniture de biens mais un contrat de prestation de service. Cet accord n'était pas conclu à titre onéreux, en l'absence de toute rémunération de M. A... en contrepartie du service rendu, et ne constituait donc pas un marché public. Toutefois, alors même que le titulaire de l'officine ne participait pas à l'organisation ou à la supervision de l'administration des médicaments, M. A... doit être regardé, eu égard à la mission qui lui était confiée et aux modalités selon lesquelles elle était organisée et exécutée, comme participant directement à la mission de service public confiée à l'EHPAD, à qui incombe la prise en charge médico-sociale des résidents. Dès lors, l'accord conclu entre l'EHPAD et M. A... revêt le caractère d'un contrat administratif. Par suite, contrairement à ce que fait valoir l'EHPAD, la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige né de la résiliation unilatérale de ce contrat.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

5. Le contrat verbal conclu entre l'EHPAD et M. A... ne prévoyant pas de limitation de durée, l'EHPAD pouvait le résilier à tout moment pour des motifs légitimes sans que cette résiliation présente un caractère abusif et ouvre droit à indemnisation au profit de son cocontractant.

6. Il résulte de l'instruction que l'EHPAD a résilié le contrat à compter du 1er juin 2015. M. A... en a été informé par un courrier du 6 mars 2015, soit près de trois mois avant la prise d'effet de la résiliation. En outre, l'EHPAD avait engagé des négociations avec M. A... dès le début de l'année 2014 en vue de formaliser le futur contrat et de faire évoluer les prestations confiées au cocontractant. M. A... avait ainsi connaissance depuis plus d'un an du projet de l'EHPAD de modifier la nature du contrat, et donc éventuellement de confier l'approvisionnement en médicament à un autre prestataire. Contrairement à ce qu'il soutient, la résiliation ne peut être regardée comme ayant été "brutale".

7. Il résulte de l'instruction que l'EHPAD a résilié le contrat avec M. A... au motif qu'il souhaitait y substituer une convention de la nature de celle prévue par les dispositions de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique. Les raisons pour lesquelles un nouveau contrat de ce type n'a pas pu être conclu avec M. A... sont sans incidence sur les conséquences dommageables éventuelles de la résiliation du contrat dont M. A... était précédemment titulaire et dont il critique la rupture. Contrairement à ce que soutient le requérant, il n'est pas établi que l'EHPAD ou sa directrice seraient à l'origine de manoeuvres dolosives de nature à compromettre la conclusion d'une convention formalisée avec lui ou auraient méconnu le principe de loyauté des relations contractuelles. La résiliation repose ainsi sur un motif légitime et n'ouvre pas droit à l'indemnisation de M. A....

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la maison de retraite Bouchacourt, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge M. A... à verser à la maison de retraite Bouchacourt.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la maison de retraite Bouchacourt en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la maison de retraite Bouchacourt.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme G..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 janvier 2020.

2

N° 18LY00267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00267
Date de la décision : 09/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Nature du contrat - Contrats ayant un caractère administratif.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Nature du contrat - Contrats ayant un caractère administratif - Contrats ayant pour objet l'exécution d'un service public.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DELSOL et AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-09;18ly00267 ?
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