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19/12/2019 | FRANCE | N°18LY01967

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 19 décembre 2019, 18LY01967


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 octobre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1709342 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 11 octobre 2017, a enjoint au préfet de délivrer à M. C... un titre de s

jour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 octobre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1709342 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 11 octobre 2017, a enjoint au préfet de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros, à verser au conseil de M. C..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2018, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... au regard de la situation de l'intéressé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2019, M. C..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un vice de procédure, le préfet n'ayant pas saisi la commission du titre de séjour ;

- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E... .

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né en 1969, de nationalité albanaise, est entré en France à la date déclarée du 28 mai 2012, accompagné de son fils âgé de dix-sept ans. Après le rejet définitif de sa demande d'asile par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 26 mai 2014, M. C... a demandé au préfet du Rhône la régularisation de sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par une décision du 19 décembre 2014, confirmée par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2015, le préfet du Rhône a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. C..., se prévalant non seulement de la présence régulière de son fils en France mais également de sa concubine, a réitéré sa demande en 2016. Par des décisions du 11 octobre 2017, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions, lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre des frais du litige.

2. M. C... faisait valoir devant les premiers juges sa communauté de vie, depuis trois ans, avec une compatriote dont la qualité de réfugiée a été reconnue par décision de la CNDA du 19 mai 2015. Toutefois, les seules pièces jointes par l'intéressé à sa demande de titre de séjour et produites par le préfet en appel, ne permettent pas en l'absence d'autres éléments contemporains de la décision en litige, portés à la connaissance de la cour par M. C..., d'établir l'ancienneté et la stabilité de la communauté de vie du couple à la date de la décision contestée. Par ailleurs, si son fils, devenu majeur, poursuit des études en France, il n'est pas contesté que ce dernier réside habituellement à Saint-Etienne (42) et il n'est pas établi que la présence à ses côtés de son père, qui réside d'ailleurs à Caluire-et-Cuire (69), serait indispensable à son " équilibre psychologique ". Enfin, si M. C... soutient qu'il vit en France depuis cinq ans, qu'il y est socialement inséré et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée et qu'il est entré en France à l'âge de quarante-trois ans, après avoir passé l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dès lors qu'y résident sa mère et sa fille majeure. Dans ces conditions, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler ses décisions du 11 octobre 2017.

3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... tant devant le tribunal que devant elle.

4. En premier lieu, par un arrêté du 31 août 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, Mme B... D..., directrice des migrations et de l'intégration, a reçu délégation du préfet du Rhône à l'effet de signer les actes administratifs établis par sa direction à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour des étrangers et à leur éloignement. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français manque donc en fait.

5. En deuxième lieu, les décisions portant refus de séjour, fixant à trente jours le délai de départ volontaire accordé à M. C... pour quitter le territoire français et fixant le pays de destination font état des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé, de la circonstance que sa demande d'asile a été rejetée définitivement par la CNDA ainsi que des éléments relatifs à sa situation personnelle. Ces décisions sont ainsi suffisamment motivées en fait.

6. En troisième lieu, il ne ressort ni des énonciations des décisions en litige ni des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C... au regard des éléments portés à sa connaissance avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français, de fixer le délai de départ volontaire à trente jours et de fixer le pays de destination en cas d'exécution forcée. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il se serait cru, à tort, tenu de prendre à l'encontre de M. C... une mesure d'éloignement, ni qu'il se serait estimé lié par les décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la CNDA.

7. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. En l'absence de droit au séjour de M. C... sur le territoire français, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour. Par ailleurs, la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le délai de départ volontaire à trente jours ne sont entachées d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

8. En cinquième lieu, M. C..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée ainsi qu'il a été dit au point 1, se borne à soutenir que sa vie est en danger dans son pays d'origine, sans faire état d'élément nouveau sur les risques encourus personnellement. Le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté.

9. En dernier lieu, les moyens dirigés contre le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français étant écartés, les moyens tirés de l'exception d'illégalité de ces décisions ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 11 octobre 2017, lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre des frais du litige. Par suite, les conclusions présentées par M. C..., en appel, au titre des frais liés au litige, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1709342 du 3 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre des frais du litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience 5 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

2

N° 18LY01967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01967
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DEBBACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-19;18ly01967 ?
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