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19/12/2019 | FRANCE | N°18LY01369

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 décembre 2019, 18LY01369


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 avril 2016 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 23ème section de la Loire et a autorisé la société Sogranlotrans à le licencier.

Par jugement n° 1604755 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la ministre du travail du 21 avril 2016 en tant qu'elle autorise le licenciement de M. A... F... et a rejeté le surplus des conclusi

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Procédure devant la cour

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 avril 2016 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 23ème section de la Loire et a autorisé la société Sogranlotrans à le licencier.

Par jugement n° 1604755 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la ministre du travail du 21 avril 2016 en tant qu'elle autorise le licenciement de M. A... F... et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A... F....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 avril 2018 et des mémoires enregistrés les 24 décembre 2018 et 20 février 2019, la société Sogranlotrans, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé la décision de la ministre du travail du 21 avril 2016 autorisant le licenciement de M. A... F... ;

2°) de mettre à la charge de M. A... F... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le mémoire récapitulatif de M. A... F... est irrecevable ;

- l'auteur de la décision du 21 avril 2016 était compétent ;

- la procédure préalable à la mesure de licenciement a été respectée notamment en ce qui concerne la saisine du comité d'entreprise dès lors qu'un membre suppléant de la délégation unique du personnel qui remplace en cours de procédure un membre titulaire démissionnaire à cette même délégation en remplacement du titulaire élu ne peut être considéré comme ayant acquis un mandat différent ;

- l'ordonnance du 20 décembre 2017 a modifié l'article L. 2421-3 du code du travail démontrant la volonté du législateur de mettre fin à la jurisprudence du Conseil d'État ;

- la décision du 21 avril 2016 vise expressément la qualité de titulaire de la délégation unique du personnel de M. A... F... permettant au ministre d'opérer les contrôles qui s'imposaient et notamment l'absence de lien avec le mandat détenu par M. A... F... ;

- le licenciement était justifié et il n'existe aucun lien entre le mandat détenu par M. A... F... et la demande d'autorisation de licenciement.

Par des mémoires enregistrés les 17 décembre 2018 et 16 janvier 2019, M. H... F..., représenté par Me G..., conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Sogranlotrans ;

2°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 février 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du ministre du travail annulant la décision de l'inspecteur du travail ;

3°) mettre à la charge de la société Sogranlotrans le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- compte tenu de la modification de la nature du mandat entre la suppléance et la titularisation, la société Sogranlotrans aurait dû saisir à nouveau le comité d'entreprise ;

- la décision du ministre du travail en tant qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'incompétence et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- le licenciement est en lien avec son mandat ;

- la décision du ministre annulant la décision de l'inspection du travail est insuffisamment motivée.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2019, la ministre du travail conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 février 2018 et au rejet du recours présenté par M. A... F....

Elle soutient que :

- M. A... F... a fait l'acquisition de son mandat lorsqu'il a été élu membre de la délégation unique du personnel le 6 décembre 2013 et le remplacement d'un titulaire ayant quitté la société n'était pas constitutif de l'acquisition d'un nouveau mandat mais d'un simple changement de statut au sein d'une même institution représentative du personnel ; il n'avait donc pas acquis un mandat différent obligeant l'employeur à procéder à une nouvelle consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement de ce salarié avant la décision de l'autorité administrative ;

- au titre de l'effet dévolutif, les moyens invoqués par M. A... F... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 septembre 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me E... pour la société Sogranlotrans, ainsi que celles de Me D..., substituant Me G..., pour M. A... F... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Sogranlotrans, société de transport routier, a saisi l'inspecteur du travail le 11 septembre 2015 d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A... F..., salarié de la société en qualité de conducteur routier et titulaire du mandat de délégué du personnel suppléant depuis décembre 2013. Par une décision du 20 octobre 2015, l'inspecteur du travail de la 23ème section de la Loire, a refusé de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement au seul motif que les faits reprochés au salarié et leur gravité ne sont pas démontrés. La ministre du travail, saisie d'un recours hiérarchique de l'employeur, a, par décision du 21 avril 2016, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. A... F.... Par un jugement du 13 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 21 avril 2016 en tant qu'elle autorise le licenciement de M. A... F... (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A... F... tendant à l'annulation de la décision du ministre annulant la décision de l'inspecteur du travail (article 2). La société Sogranlotrans relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de la ministre du travail du 21 avril 2016 autorisant le licenciement de M. A... F.... Par la voie de l'appel incident, M. A... F... demande l'annulation de l'article 2 du même jugement.

Sur les conclusions principales de la société Sogranlotrans :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Il résulte des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail, en vigueur à la date des décisions litigieuses, que tout licenciement envisagé par l'employeur d'un salarié élu délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise, en qualité de titulaire ou de suppléant, est obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise. Il appartient à l'employeur de mettre le comité d'entreprise à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé. À cette fin, il doit lui transmettre, notamment à l'occasion de la communication qui est faite aux membres du comité de l'ordre du jour de la réunion en cause, des informations précises et écrites sur l'identité du salarié visé par la procédure, sur l'intégralité des mandats détenus par ce dernier ainsi que sur les motifs du licenciement envisagé. Il appartient à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'apprécier si l'avis du comité d'entreprise a été régulièrement émis, et notamment si le comité a disposé des informations lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. À défaut, elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... F... était, au moment des faits qui fondent la mesure de licenciement envisagée et lors de la réunion du comité d'entreprise du 10 septembre 2015, délégué du personnel suppléant. Toutefois, par lettre reçue le 14 septembre 2015, l'union locale des syndicats a informé la société Sogranlotrans que M. A... F... devenait délégué du personnel titulaire en raison du départ de l'ancien titulaire conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article L. 2314-30 du code du travail. Eu égard à la différence de statuts et de prérogatives associés aux mandats de membre titulaire et de membre suppléant, il appartenait à la société Sogranlotrans d'informer le comité d'entreprise de cette modification du mandat de M. A... F... et par suite, de le saisir une nouvelle fois pour avis sur le projet de licenciement de l'intéressé alors même que la décision du ministre autorisant le licenciement du salarié précise le mandat de membre titulaire détenu par M. A... F.... En conséquence, et alors que la société ne peut utilement invoquer les dispositions, postérieures à la décision en litige, de l'ordonnance du 20 décembre 2017 modifiant l'article L. 2421-3 du code du travail, la demande d'autorisation de licenciement de M. A... F... résulte d'une procédure irrégulière.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Sogranlotrans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la ministre du travail du 21 avril 2016 autorisant le licenciement de M. A... F....

Sur les conclusions incidentes de M. A... F... :

5. En premier lieu, par une décision du 11 août 2015, publiée au Journal Officiel du 14 août suivant, le ministre chargé du travail, a donné délégation à M. C... B..., chef du bureau du statut protecteur, à l'effet de signer dans la limite des attributions du bureau du statut protecteur et au nom du ministre chargé du travail, " tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ". Il résulte de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2006 relatif à l'organisation de la direction générale du travail, que le bureau du statut protecteur est notamment chargé de l'instruction des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés. Ainsi, M. B..., qui a agi dans les limites des attributions du bureau du statut protecteur, était compétent pour signer la décision en litige du 21 avril 2016 en tant qu'elle prononce l'annulation la décision de l'inspecteur du travail du 20 octobre 2015 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... F....

6. En deuxième lieu, le ministre du travail, par la décision en litige du 21 avril 2016, après avoir visé la décision de l'inspecteur du travail du 20 octobre 2015 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... F... au seul motif que les faits reprochés au salarié et leur degré ne sont pas démontrés, précise lesdits faits, examine leur matérialité ainsi que leur degré de gravité. Elle est dès lors suffisamment motivée.

7. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, l'autorité administrative doit s'assurer de la régularité de la procédure de licenciement avant de délivrer l'autorisation demandée par l'employeur à l'encontre d'un salarié protégé.

8. M. A... F... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que les faits qui lui sont reprochés et qui fondent la demande de licenciement ne sont pas établis. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du ministre annulant la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. A... F... présente un lien avec le mandat détenu par ce dernier.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité du mémoire récapitulatif présenté par M. A... F..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre la décision du 21 avril 2016 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail qui avait refusé d'autoriser son licenciement.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le société Sogranlotrans au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de mettre à la charge de la société Sogranlotrans le versement à M. A... F... au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Sogranlotrans et les conclusions de la ministre du travail sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de M. A... F... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogranlotrans, à M. H... F... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

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N° 18LY01369

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01369
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Procédure préalable à l'autorisation administrative - Consultation du comité d'entreprise.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : MIOLANE ET ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-19;18ly01369 ?
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