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17/12/2019 | FRANCE | N°17LY03901

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 décembre 2019, 17LY03901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté d'agglomération du pays ajaccien a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 21 janvier 2014 par laquelle l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse a sollicité le remboursement de l'aide qui lui avait été attribuée, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 2 avril 2014 ;

2°) d'enjoindre à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui verser la

subvention prévue par la convention du 16 février 2009 dans le délai d'un mois à compter du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté d'agglomération du pays ajaccien a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 21 janvier 2014 par laquelle l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse a sollicité le remboursement de l'aide qui lui avait été attribuée, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 2 avril 2014 ;

2°) d'enjoindre à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui verser la subvention prévue par la convention du 16 février 2009 dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1406184 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions contestées, mis à la charge de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2017, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse, représentée par Me Cossalter (SELARL Legitima), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de la communauté d'agglomération du pays ajaccien ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du pays ajaccien une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable et dépourvue d'objet, la requérante, qui a acquiescé au bien-fondé de la réfaction appliquée en s'acquittant de la somme demandée, ne justifiant plus d'un intérêt à agir ;

- les conclusions de première instance à fin d'annulation pour excès de pouvoir étaient irrecevables, étant dirigées contre un acte contractuel, non détachable de la convention conclue le 16 février 2009 ;

- la décision du 21 juin 2014 ne constitue pas une décision retirant une décision créatrice de droits, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, et aucune procédure contradictoire n'était prévue par la convention elle-même ;

- une procédure contradictoire a, en tout état de cause, été préalablement mise en oeuvre et cette décision était motivée ;

- la procédure de réfaction était justifiée, eu égard aux manquements de la communauté d'agglomération à ses obligations contractuelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, la communauté d'agglomération du pays ajaccien, représentée par Me D... (G... et Associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- les conclusions de première instance étaient recevables, le paiement de la somme réclamée ne valant pas acquiescement au bien-fondé de la procédure et ne lui faisant pas perdre son intérêt à agir, l'émission d'un titre exécutoire ne conférant pas aux décisions litigieuses le caractère d'un acte préparatoire et la décision contestée, qui emporte retrait d'une subvention, constituant un acte administratif unilatéral faisant grief dont l'annulation peut être demandée au juge administratif ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- l'arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement et de leur efficacité, et aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de DBO5 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 21 janvier 2014, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse a informé la communauté d'agglomération du pays ajaccien de sa décision de procéder à la réfaction totale de l'aide de 260 142 euros qui lui avait été attribuée par convention du 16 février 2009 en vue de la réhabilitation et de l'agrandissement de la station d'épuration située sur le territoire de la commune d'Afa. La communauté d'agglomération a demandé l'annulation de cette décision, ainsi que de celle datée du 2 avril 2014 rejetant son recours gracieux au tribunal administratif de Lyon, lequel a fait droit à sa demande, par jugement du 3 octobre 2017, au motif que cette décision n'avait pas été précédée d'une procédure contradictoire. L'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, la circonstance que la communauté d'agglomération du pays ajaccien se soit, ainsi qu'elle était tenue de le faire en vertu de l'état exécutoire émis à son encontre le 28 avril 2014, acquittée de la somme qui lui était demandée par l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse ne saurait avoir pour conséquence ni de la priver de son intérêt à demander l'annulation de la décision du 21 janvier 2014 sur le fondement de laquelle ce titre exécutoire a été établi, ni de faire perdre son objet au présent litige, l'annulation demandée ayant pour effet, si elle venait à être prononcée, de priver de fondement le titre exécutoire ultérieurement émis et le versement opéré en exécution de celui-ci, nonobstant l'absence de recours engagé à son encontre. En tout état de cause, ce paiement ne saurait pas davantage valoir acquiescement de la communauté d'agglomération au bien-fondé de la procédure de réfaction engagée à son encontre. Ainsi, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance aurait été irrecevable, ou dépourvue d'objet, en raison de l'intervention de ce paiement.

3. En second lieu, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

4. En l'espèce, l'aide accordée par l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse à la communauté d'agglomération du pays ajaccien, dont le caractère obligatoire n'est nullement établi, revêt la nature d'une subvention, ainsi que l'indique d'ailleurs la convention du 16 février 2009 qui en encadre le versement. Dès lors, et alors même qu'une telle convention a été signée entre l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse et la communauté d'agglomération du pays ajaccien, le présent litige relève du contentieux de l'excès de pouvoir. Par ailleurs, le courrier du 21 janvier 2014 par lequel l'agence de l'eau a notifié à la communauté d'agglomération du pays ajaccien sa " décision de procéder à une réfaction totale de l'aide attribuée " ne peut être regardé, contrairement à ce que prétend l'agence, comme une simple mesure d'information quant à l'interprétation de cette convention. En conséquence, la communauté d'agglomération était recevable à en demander l'annulation pour excès de pouvoir.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - (...) imposent des sujétions ; - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". En application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Ces dispositions impliquent que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations. En revanche, elles n'imposent pas à l'administration d'informer l'intéressé de sa faculté de présenter des observations écrites ou orales et de la possibilité de se faire assister d'un conseil. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par ces dispositions constituant une garantie pour l'intéressé, sa décision est illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que ce dernier a été effectivement privé de cette garantie.

6. En premier lieu, le courrier du 21 janvier 2014 par lequel l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse a notifié à la communauté d'agglomération du pays ajaccien sa " décision de procéder à une réfaction totale de l'aide attribuée ", qui ne peut être regardé comme une simple mesure d'information, a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, en procédant ainsi au retrait d'une aide financière qui avait été précédemment accordée, ainsi que celui d'une décision imposant une sujétion, au sens des mêmes dispositions, en tant qu'elle assujettit le bénéficiaire de cette aide indue à l'obligation de la reverser. Contrairement à ce que prétend l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse, la décision du 21 janvier 2014 devait, dès lors, être motivée et précédée d'une procédure contradictoire, en application des dispositions précitées, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle diligenté sur place au mois d'octobre 2011, l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse a constaté, dans les rejets de la station d'épuration, le dépassement des seuils que la communauté d'agglomération du pays ajaccien s'était engagée à respecter par convention du 16 février 2009. Si l'agence soutient en avoir informé l'intéressée et l'avoir invitée, à deux reprises, à produire les justificatifs utiles, par courriers du 3 juillet 2012 et du 10 janvier 2013 mentionnant la procédure de réfaction totale de l'aide accordée susceptible, le cas échéant, d'être engagée, elle n'établit nullement avoir effectivement notifié ces courriers à la communauté d'agglomération, laquelle conteste les avoir reçus. Il en est de même du courrier électronique daté du 27 septembre 2012, lequel, au demeurant, n'était pas adressé au président de la communauté d'agglomération mais seulement à l'un de ses agents. Dans ces conditions, l'appelante n'établit pas avoir préalablement mis en oeuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées.

8. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que la procédure de réfaction était justifiée, eu égard aux manquements de la communauté d'agglomération à ses obligations contractuelles, est dépourvue d'incidence sur le bien-fondé du jugement attaqué.

9. Il résulte de ce qui précède que l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 21 janvier 2014, ensemble sa décision du 2 avril 2014 rejetant le recours gracieux de la communauté d'agglomération du pays ajaccien.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du pays ajaccien, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse demande au titre des frais non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération du pays ajaccien, en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse est rejetée.

Article 2 : L'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse versera à la communauté d'agglomération du pays ajaccien une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse et à la communauté d'agglomération du pays ajaccien.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme B... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

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N° 17LY03901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY03901
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire.

Collectivités territoriales - Dispositions générales.

Procédure - Diverses sortes de recours - Recours pour excès de pouvoir - Recours ayant ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SARTORIO - LONQUEUE - SAGALOVITSCH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-17;17ly03901 ?
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