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12/12/2019 | FRANCE | N°18LY00489

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 12 décembre 2019, 18LY00489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1500896, la SCI Saint-Laurent a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du conseil municipal des Sièges du 21 janvier 2015 en ce qu'elle autorise le maire à vendre le chemin n° 44 dit des Plants.

- Sous le n° 1502608, la SCI Saint-Laurent a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la délibération du conseil municipal des Sièges du 9 juillet 2015 en ce qu'elle autorise le maire à vendre à M. D... C... une portion du chemin n° 44,

devenue la parcelle ZM 132, et le chemin d'exploitation n° 35 bis, devenu la parce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1500896, la SCI Saint-Laurent a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du conseil municipal des Sièges du 21 janvier 2015 en ce qu'elle autorise le maire à vendre le chemin n° 44 dit des Plants.

- Sous le n° 1502608, la SCI Saint-Laurent a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la délibération du conseil municipal des Sièges du 9 juillet 2015 en ce qu'elle autorise le maire à vendre à M. D... C... une portion du chemin n° 44, devenue la parcelle ZM 132, et le chemin d'exploitation n° 35 bis, devenu la parcelle ZM 131 et d'autre part, d'enjoindre à cette commune de procéder à la résolution des actes de cession en la forme administrative de ces parcelles dans le délai de deux mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n°s 1500896, 1502608 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon, après avoir joint ces deux demandes, a annulé la délibération du 9 juillet 2015 autorisant le maire des Sièges à vendre à M. C... les parcelles ZM 131 et 132, lui a prescrit d'initier la résolution des actes de vente de ces parcelles dans le mois suivant la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, a mis à la charge de la commune la somme de 1 000 euros au titre des frais de litige et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la SCI Saint-Laurent.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 février 2018, la commune des Sièges, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 décembre 2017 en tant qu'il annule la délibération du 9 juillet 2015, lui prescrit, sous astreinte, d'initier la résolution des actes de vente des parcelles ZM 131 et 132 et met à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de frais du litige ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la SCI Saint-Laurent dirigée contre la délibération du 9 juillet 2015 ;

3°) de mettre à la charge de cette société une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il s'appuie sur un moyen qui n'était pas invoqué par la SCI Saint-Laurent et n'a pas été soumis au contradictoire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'elle opposait, tirée de ce que la SCI Saint-Laurent ne pouvait être régulièrement représentée par M. A... F... ;

- les chemins, objets de la vente, ont depuis longtemps cessé d'être affectés à l'usage du public, y compris à celui exclusif de la SCI Saint-Laurent ; il n'y a donc aucun obstacle à leur vente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2019, la SCI Saint-Laurent, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune des Sièges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- sa demande de première instance n'est pas irrecevable ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les parcelles litigieuses n'avaient pas été désaffectées ;

- en tout état de cause, la délibération du 9 juillet 2015 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir.

Par une ordonnance en date du 27 février 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mars 2019.

Un mémoire présenté pour la commune des Sièges, enregistré le 15 novembre 2019, n'a pas été communiqué.

La procédure a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- le décret n° 76-921 du 8 octobre 1976 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune des Sièges (89) relève appel du jugement du 4 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon en tant, d'une part qu'il annule, à la demande de la SCI Saint-Laurent, la délibération du 9 juillet 2015 par laquelle son conseil municipal a décidé la vente, à M. D... C..., des parcelles ZM 131 et ZM 132 correspondant à l'assiette de l'ancien chemin d'exploitation n° 35 bis et à une fraction du chemin rural n° 44, et a autorisé le maire à signer tous les documents afférents à cette vente et, d'autre part, lui a enjoint d'initier la résolution de l'acte de vente en la forme administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour annuler la délibération du 9 juillet 2015 en tant qu'elle concerne la cession des parcelles ZM 131 et 132, les premiers juges ont censuré la méconnaissance des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 161-2 du même code alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel moyen avait été invoqué par la SCI Saint-Laurent. En fondant leur jugement sur un tel motif, qui n'est pas d'ordre public, sans au demeurant en informer préalablement les parties, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Il s'ensuit que le jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 décembre 2017 doit être annulé en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la SCI Saint-Laurent dirigées contre la délibération du 9 juillet 2015.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande n° 1502608 présentée par la SCI Saint-Laurent devant le tribunal administratif de Dijon.

Sur la légalité de la délibération du 9 juillet 2015 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 161-6 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent être incorporés à la voirie rurale, par délibération du conseil municipal prise sur la proposition du bureau de l'association foncière ou de l'assemblée générale de l'association syndicale : / a) Les chemins créés en application des articles L. 123-8 et L. 123-9 ; / b) Les chemins d'exploitation ouverts par des associations syndicales autorisées, au titre du c de l'article 1er de l'ordonnance du 1er juillet 2004 précitée. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 19 avril 2011, le bureau de l'association foncière de remembrement de la commune des Sièges a décidé sa dissolution et a proposé au conseil municipal le transfert de son patrimoine rural. Par une délibération du 3 août 2011, le conseil municipal des Sièges a accepté l'incorporation du patrimoine de cette association foncière et a intégré les chemins d'exploitation au réseau des chemins ruraux. Par un arrêté du 27 novembre 2012, le préfet de l'Yonne a prononcé la dissolution de l'association foncière de remembrement de sorte que, à compter de cette date, le chemin d'exploitation n° 35 bis était intégré dans la voirie rurale de la commune des Sièges.

6. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 162-3 du code rural et de la pêche maritime qui concerne la suppression des chemins d'exploitation et non leur intégration dans la voirie rurale, ne peut être utilement invoqué.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 8 octobre 1976 fixant les modalités de l'enquête publique préalable à l'aliénation, à l'ouverture, au redressement et à la fixation de la largeur des chemins ruraux, applicable au présent litige: " L'enquête publique préalable à l'aliénation des chemins ruraux est effectuée dans les conditions de forme et de procédure prévues aux articles 2 à 8 du décret du 20 août 1976 fixant les modalités de l'enquête préalable au déclassement, à l'ouverture, à la fixation de la largeur et au déclassement des voies communales. ". Les articles 2 à 8 du décret du 20 août 1976 ont été incorporés dans le code de la voirie routière aux articles R. 141-4 à R. 141-10. Aux termes de l'article R. 141-7 de ce code : " Une notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite aux propriétaires des parcelles comprises en tout ou partie dans l'emprise du projet, sous pli recommandé, avec demande d'avis de réception lorsque leur domicile est connu ou à leurs mandataires, gérants administrateurs ou syndics. (...) ".

8. La SCI Saint-Laurent fait valoir sans être sérieusement contredite qu'elle n'a pas été destinataire de la notification individuelle du dépôt du dossier d'enquête publique en mairie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'avant son intégration dans la voirie rurale, la parcelle ZM 131 était un chemin d'exploitation (n° 35 bis), servant exclusivement à l'exploitation et à la desserte des fonds riverains et se poursuivait par le chemin rural n° 44. La SCI Saint-Laurent, dont la parcelle E 845 n'est pas riveraine du chemin d'exploitation, n'établit pas par les pièces qu'elle produit qu'elle bénéficiait d'un droit d'usage sur ce chemin. Par suite, sa parcelle n'était pas comprise dans l'emprise du projet de la commune tendant à la cession de l'ancien chemin d'exploitation n° 35 bis, et des fractions du chemin rural n° 44 jusqu'en limite de sa propriété. C'est donc sans entacher la délibération en litige d'un vice de procédure, que la commune ne l'a pas informée, par une notification individuelle sous pli recommandé, du dépôt du dossier d'enquête publique à la mairie.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. (...) ".

10. Lorsqu'il est soutenu que l'aliénation d'un chemin rural est possible du fait d'une désaffectation résultant d'un état de fait, caractérisé notamment par la circonstance qu'il n'est plus utilisé comme voie de passage et qu'il ne fait plus l'objet de la part de l'autorité communale d'actes réitérés de surveillance ou de voirie, il appartient au juge, qui apprécie souverainement cet état de fait, de tenir compte, pour cette appréciation, de l'éventuelle irrégularité de la situation ayant empêché l'utilisation de ce chemin et des contestations qu'elle a, le cas échéant, suscitées.

11. La SCI Saint-Laurent fait valoir en appel que si le chemin d'exploitation n° 35 bis, devenu chemin rural, et la portion nord du chemin rural n° 44, n'étaient plus utilisés comme voie de passage, dès lors qu'ils avaient été mis en culture, cette situation est imputable à la commune des Sièges dans la mesure où la SCI a demandé à plusieurs reprises au maire, à compter de 2010 et en dernier lieu, par un courrier du 26 mai 2013, d'intervenir sur le fondement de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime pour mettre un terme aux obstacles s'opposant à la circulation sur ces chemins ruraux. Cependant, et ainsi qu'il a été dit au point 8, l'utilisation comme voie de passage du chemin rural n° 44, dans sa portion nord, impliquait nécessairement que le chemin d'exploitation n° 35 bis ait été utilisé à cette même fin à la date de son intégration dans la voirie rurale. Or, la SCI Saint-Laurent ne conteste pas que ce chemin d'exploitation avait été mis en culture, plusieurs années avant son intégration dans la voirie rurale et elle n'établit au demeurant pas qu'elle y disposait d'un droit d'usage. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la désaffectation du chemin d'exploitation n° 35 bis, intégré dans la voirie rurale, et du chemin rural n° 44, dans sa portion nord, résultait de l'inaction du maire de la commune des Sièges.

12. En cinquième lieu, la SCI des Sièges n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait entaché sa décision d'aliénation d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'est pas établi que les parcelles dont la vente a été autorisée, qui n'étaient pas affectées à l'usage du public depuis plusieurs années, constituaient le seul accès à la parcelle E 845, propriété de la SCI.

13. En dernier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un propriétaire riverain tout propriétaire qui possède au moins une parcelle contigüe au chemin rural alors même que ce chemin n'est pas une voie d'accès à sa propriété.

14. Il ressort des pièces du dossier que la commune des Sièges a décidé la vente de la portion nord du chemin rural n° 44, en deux parties, devenues les parcelles ZM 132 et ZM 133. La parcelle E 845, propriété de la SCI, n'est pas contigüe à l'une ou l'autre de ces tronçons du chemin rural n° 44. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait, en décidant de scinder la vente de la partie nord du chemin rural, entaché sa délibération d'un détournement de procédure, dans l'unique but de ne pas lui céder les parties du chemin rural n° 44 en cause.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la SCI Saint-Laurent n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération du 9 juillet 2015 du conseil municipal des Sièges en tant qu'elle décide la vente, à M. D... C..., des parcelles ZM 131 et ZM 132 correspondant à l'ancien chemin d'exploitation n° 35 bis et à une fraction du chemin rural n° 44, et autorise le maire à signer tous les documents afférents à cette vente. En conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige doivent également être rejetées.

16. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Saint-Laurent, le versement à la commune des Sièges de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n°s 1500896, 1502608 du 4 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon sont annulés.

Article 2 : La demande n° 1502608 présentée par la SCI Saint-Laurent devant le tribunal administratif de Dijon ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SCI Saint-Laurent versera à la commune des Sièges la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune des Sièges, à la SCI Saint-Laurent et à M. C....

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.

2

N° 18LY00489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00489
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

71-02-006 Voirie. Régime juridique de la voirie. Aliénation de chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-12;18ly00489 ?
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