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05/12/2019 | FRANCE | N°18LY01582

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 18LY01582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Apodiss, représentée par la société d'avocats Lawréa, a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la pénalité pour manquement délibéré qui lui a été infligée au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1603075 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, la SAS Apodiss, représentée par l

a société d'avocats Fanget, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 février 2018 et de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Apodiss, représentée par la société d'avocats Lawréa, a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la pénalité pour manquement délibéré qui lui a été infligée au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1603075 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, la SAS Apodiss, représentée par la société d'avocats Fanget, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 février 2018 et de prononcer la décharge de la pénalité pour manquement délibéré lui ayant été infligée au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'exercice clos en 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* elle a fait l'objet d'une vérification globale de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ; elle s'est vue notifier une proposition de rectification le 14 décembre 2012 en matière de rappels de TVA collectée et de rejet de déduction de la TVA sur certaines charges ; après observations auprès du service, les rectifications afférentes à la TVA déductibles sur certaines charges ont été abandonnées par l'administration, elle a saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires laquelle a rendu un avis tendant à la diminution des rectifications concernant l'avantage en nature de véhicules de société ; la majoration contestée en matière de taxe sur la valeur ajoutée porte sur un montant de 29 200 euros ;

* en ce qui concerne le caractère délibéré de l'omission, permettant l'application d'une majoration de 40 % au titre de l'article 1729 du code général des impôts : la preuve de la mauvaise foi incombe, au regard de l'article L.195 A du livre des procédures fiscales, à l'administration en cas de contestation des pénalités appliquées ; la doctrine administrative indique que les omissions ou les inexactitudes commises par les contribuables sont présumées involontaires ; l'administration doit établir le caractère délibéré de l'omission ou de l'inexactitude ; elle a provisionné dans un compte d'attente une somme de 73 029 euros au titre de la TVA collectée suite à un accord transactionnel conclu avec le groupe Cardinal mais le groupe Cardinal n'a versé que le versement hors taxe de l'accord transactionnel soit 379 000 euros et n'a pas versé le montant de la TVA due soit 74 284 euros ; un contentieux étant pendant entre elle et le groupe Cardinal, la somme encaissée de 73 000 euros en juillet 2011 ne lui permettait pas de procéder au versement de la TVA relative à cette transaction ; elle n'a pas cherché délibérément à éluder l'impôt ; elle ignorait que la TVA non versée par le groupe Cardinal était immédiatement exigible ; en inscrivant dans un compte d'attente le montant de la TVA à régulariser, elle a manifesté son intention de procéder à ce versement de TVA dès lors que le groupe Cardinal aurait versé les sommes dues en application du protocole d'accord transactionnel ;

* il ne s'agit que d'une erreur isolée laquelle ne s'est pas reproduite et qui s'explique par le caractère conflictuel de la situation ;

* l'élément intentionnel de l'infraction visé à l'article 1729 du code général des impôts n'est pas caractérisé.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et à l'irrecevabilité des conclusions relatives aux dépens.

Il soutient que :

* la société requérante reprend littéralement son argumentation de première instance ;

* le manquement délibéré est caractérisé par la réunion d'un élément matériel tenant à l'existence d'une insuffisance de déclaration et d'un élément intentionnel à savoir le caractère délibéré de cette omission ; la société est soumise pour la TVA au régime des encaissements et ne pouvait pas ignorer les dispositions de l'article 269-2-c du code général des impôts portant sur les règles d'exigibilité de la TVA ; la société a encaissé le 27 juillet 2011 un montant de TVA de 73 000 euros correspondant à une facture émise le 16 mai 2011 à destination du groupe Cardinal portant des mentions HT net, TVA, TTC, déjà réglé et net à payer ; la société a délibérément inscrit ce montant de TVA dans un compte de TVA à régulariser alors qu'elle ne pouvait pas ignorer que cette TVA était exigible au titre du mois de juillet 2011 ; ce montant de TVA était toujours inscrit sur ce compte de régularisation à la date de clôture des opérations de contrôle sur place soit le 7 décembre 2012 ; la facture émise réclamant le montant de la TVA due représentait 90 % du montant de la TVA collectée totale de l'exercice clos en 2011, ce que la société ne pouvait pas ignorer ; la société requérante ne peut pas utilement soutenir son ignorance sur le caractère immédiatement exigible de cette TVA dès lors que la comptabilité de la société est tenue par le même cabinet d'expertise depuis 2010 ; l'administration apporte ainsi la preuve, lui incombant, d'une volonté délibérée de la société Apodiss d'éluder la TVA ;

* il n'existe pas de dépens ; par suite les conclusions formulées à ce titre par la société requérante sont " irrecevables car dépourvues d'objet ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* le code général des impôts ;

* le livre des procédures fiscales ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Bourrachot, président,

* et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Apodiss, exerçant une activité immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, assortis pour l'exercice clos en 2011 de pénalités pour manquement délibéré. La SAS Apodiss fait appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré lui ayant été appliquée dans le cadre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période 2011.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

2. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la majoration en cas de manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt. Si l'administration se fonde également sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, la mention d'un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l'application d'une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que la mauvaise foi soit regardée comme établie dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont satisfaites.

4. Lorsque le comportement du contribuable vise, au moment de sa déclaration, à différer volontairement et de manière réitérée le paiement de l'impôt dû, l'administration doit être regardée comme caractérisant le caractère intentionnel du contribuable de se soustraire à ses obligations fiscales. Une telle pratique a nécessairement pour effet d'éluder l'impôt et entre ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

5. Pour justifier l'application de la majoration mentionnée à l'article 1729 a) précité du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur la circonstance que suite à un accord transactionnel avec le groupe Cardinal, la société requérante a adressé le 16 mai 2011 à ce groupe une facture portant des mentions explicites sur le montant hors taxe, le montant de la TVA, le montant TTC soit 453 284 euros ainsi que le reste à payer après paiement d'un montant de 379 000 euros et a inscrit la somme de 73 000 euros correspondant à la TVA collectée dans le cadre de cet accord transactionnel dans un compte d'attente à régulariser. L'administration fait également état de la circonstance que, dans le cadre des règles d'encaissement de la TVA, la société ne pouvait pas sérieusement ignorer que la TVA encaissée le 27 juillet 2011 faisant suite à la facture du 16 mai 2011 était exigible au titre du mois de juillet 2011 et ce d'autant plus que la comptabilité de la société était tenue par un cabinet d'expert-comptable. L'administration indique également que ce montant de TVA, qui représentait 90% du montant de la TVA collectée totale de l'exercice clos en 2011 ne peut pas être considéré comme un acte isolé et était toujours inscrit sur ce compte de régularisation le 7 décembre 2012, date de clôture des opérations de contrôle sur place. Si l'attitude du contribuable lors du contrôle fiscal sur place, et en l'occurrence le maintien de la TVA collectée dans un compte de régularisation à la date de clôture du contrôle fiscal est sans incidence sur la réalité de son intention d'éluder l'impôt, les circonstances évoquées par la société Apodiss relatives à la simple existence d'une erreur isolée et à la spécificité du contexte lié à un contentieux pendant avec le groupe Cardinal qui l'aurait incité à attendre l'issue définitive du contentieux avec cette entreprise pour procéder au versement ultérieur de la TVA collectée ne sauraient suffire à écarter les autres éléments apportés par l'administration concernant le caractère délibéré de ce manquement. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que la société requérante a délibérément cherché à différer le paiement de la TVA collectée et à éluder le paiement de l'impôt dû au titre cette période. L'administration justifie ainsi du bien-fondé de la pénalité qui a été infligée à la société Apodiss sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

6. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Apodiss n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Apodiss, partie perdante, présentées sur leur fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Apodiss est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Apodiss et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure ;

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le président-rapporteur,

F. Bourrachot La présidente assesseure,

P. A...

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 18LY01582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01582
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-07-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Procédure de taxation. Régime réel.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL FANGET - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;18ly01582 ?
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