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05/12/2019 | FRANCE | N°17LY02947

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 17LY02947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois assortie d'un sursis de deux mois ;

- de condamner l'État à lui verser une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1502796 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, et un mémoire enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois assortie d'un sursis de deux mois ;

- de condamner l'État à lui verser une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1502796 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, et un mémoire enregistré le 22 septembre 2017, présentés pour Mme C... épouse B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1502796 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de ce que la sanction constituait un détournement de pouvoir ni sur le moyen tiré de ce que l'autorité disciplinaire s'est appuyée sur des faits non établis, commettant ainsi une erreur sur les règles de preuve ;

- la décision prononçant la sanction est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il y avait lieu d'écarter l'application des dispositions de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 introduisant un délai de prescription de trois ans en matière disciplinaire, au motif que cette loi n'était pas en vigueur à la date de la décision en litige, alors qu'il convenait de faire application du principe de rétroactivité de la loi plus douce ;

- c'est à tort que le tribunal, tout en reconnaissant qu'une partie importante des griefs qui lui étaient reprochés étaient infondés, car reposant sur des faits non établis, a estimé néanmoins que le garde des sceaux était fondé à infliger une sanction du troisième groupe ; la matérialité de certains faits n'était pas établie ;

- la sanction était clairement disproportionnée ;

- la sanction présentait un caractère discriminatoire ;

- la décision illégale lui a causé un préjudice moral.

Par une lettre du 21 janvier 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice a été mis en demeure, dans un délai d'un mois, de produire ses observations en réponse à la requête de Mme B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me Viegas, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent du ministère de la justice du corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, affectée au service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) de la Savoie, a fait l'objet, après la rédaction, en juillet 2014, d'un rapport de l'inspection des services pénitentiaires de la direction de l'administration pénitentiaire " relatif à la dégradation du climat social au sein du SPIP de la Savoie et plus particulièrement de l'antenne de Chambéry ", d'une sanction disciplinaire du 3ème groupe, d'exclusion temporaire de fonctions, pour une durée de trois mois assortie d'un sursis de deux mois, qui lui a été infligée par un arrêté du 13 janvier 2015 du garde des sceaux, ministre de la justice. Elle interjette appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices qu'elle affirme avoir subis en conséquence de l'illégalité fautive de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte de la lecture du jugement attaqué, selon lequel " le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ", que les premiers juges ont ainsi répondu au moyen tiré d'un détournement de pouvoir. Dès lors le moyen tiré d'une omission de répondre à ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.

3. En second lieu, les premiers juges, après avoir considéré qu'était établie la réalité d'un certain nombre de griefs reprochés à Mme B..., ont, ensuite, estimé que, même si la matérialité ou l'imputabilité à l'intéressée d'autres griefs n'était pas établie, l'administration aurait pris la même décision au vu des seules fautes dont la matérialité était établie. Ils ont ainsi nécessairement répondu au moyen tiré de ce que l'autorité disciplinaire se serait appuyée sur des faits non établis pour infliger la sanction contestée.

Sur la légalité de la décision du 15 juin 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. La décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée, dès lors, en particulier, qu'après avoir énoncé les griefs reprochés à Mme B..., elle considère que le comportement de l'intéressée a activement contribué à la dégradation du climat social au sein de l'antenne de Chambéry et qu'elle a commis des fautes professionnelles de nature à justifier la sanction.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de cette date, ce qui exclut son application aux décisions déjà prises à cette même date. Il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date. Dès lors qu'à la date de la décision en litige, ladite loi n'était pas encore entrée en vigueur, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées qui en sont issues.

6. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que ne serait pas établie la matérialité de certains griefs, tirés respectivement de ce que Mme B... avait pu en plusieurs occasions écourter ses conversations téléphoniques avec le juge d'application des peines du tribunal de grande instance de Chambéry en raccrochant le combiné de manière prématurée, avait incité les différents conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation de l'antenne de Chambéry à ne plus répondre aux soit-transmis de ce juge, de ce qu'elle avait détruit des soit-transmis et pas répondu à certaines demandes du magistrat qui a pu lui-même souligné cet état de fait, qu'elle avait aussi dénigré en termes virulents et à plusieurs reprises les pratiques professionnelles de sa collègue Mme A... et entretenu par son attitude un contexte d'agressivité au sein de l'antenne de Chambéry du SPIP de la Savoie, l'intéressée ayant aussi sciemment manqué à son obligation d'obéissance hiérarchique en refusant d'utiliser son téléphone portable professionnel et d'utiliser le logiciel " APPI ", doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges.

7. En troisième lieu, il résulte de la lecture de la décision en litige que la sanction infligée à Mme B... a été motivée par le fait que l'intéressée " a activement contribué à la dégradation du climat social au sein de l'antenne de Chambéry, qu'elle a entraîné certains de ses collègues à participer à cette dégradation, qu'elle a commis des fautes professionnelles susceptibles d'engager sa responsabilité personnelle, que son attitude a nui à l'image de l'administration pénitentiaire et de son corps d'appartenance tant vis-à-vis de l'autorité judiciaire que des partenaires institutionnels ". Eu égard aux conséquences du comportement reproché à Mme B... tant au sein de son service d'affectation que dans ses relations avec certains partenaires institutionnels, il résulte de l'instruction que l'administration aurait, ainsi que l'ont considéré les premiers juges, pris la même décision si elle n'avait pas pris en compte les autres fautes reprochées à l'intéressée, dont les premiers juges ont estimé que la réalité n'était pas établie, concernant une altercation avec un collègue et son attitude insultante vis-à-vis d'un juge d'application des peines.

8. En dernier lieu, pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter, les moyens tirés du caractère disproportionné de la sanction infligée à Mme B... et du caractère discriminatoire de la mesure dont elle a fait l'objet doivent être écartés.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Il résulte de ce qui a été dit qu'en l'absence d'illégalité fautive de la décision contestée, les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle affirme avoir subis en conséquence de cette faute ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

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N° 17LY02947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02947
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : VIEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;17ly02947 ?
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