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28/11/2019 | FRANCE | N°18LY02760

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 28 novembre 2019, 18LY02760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1800861 du 21 juin 2018, après avoir décidé un supplément d'instruction et sursis à statuer par un jugement avant dire-droit du 10 avril 2018, le tribu

nal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. D....

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1800861 du 21 juin 2018, après avoir décidé un supplément d'instruction et sursis à statuer par un jugement avant dire-droit du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. D....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2018, M. D..., représenté par la SELARL BS2A, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 juin 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 1er février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- les condamnations anciennes prononcées à son encontre ne peuvent à elles seules caractériser l'existence d'une menace grave et actuelle affectant un intérêt fondamental de la société ; il n'a plus fait l'objet d'aucune poursuite pénale depuis plus de vingt ans ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas avérés ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfants français sur le fondement du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me C..., représentant M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né en 1957, est entré une première fois en France à une date indéterminée et y a vécu régulièrement sous couvert d'un certificat de résidence algérien de dix ans jusqu'à sa condamnation, le 28 octobre 1996, par le tribunal de grande instance de Grasse à une peine de trois ans d'emprisonnement avec interdiction définitive du territoire français. Suite au jugement correctionnel du 3 juin 2015 faisant droit à sa requête en relèvement d'interdiction définitive du territoire national, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien valable un an en faisant valoir sa qualité de parent d'enfants français. Par un arrêté du 1er février 2018, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée. M. D... relève appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir décidé un supplément d'instruction par un jugement avant dire-droit du 10 avril 2018, a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions.

2. En premier lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué, et en particulier de ses points 7 et 8, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont répondu de manière suffisamment motivée au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'autorité préfectorale en considérant que le comportement de M. D... constituait une menace pour l'ordre public. Le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif que M. D..., marié à une ressortissante de nationalité française depuis 1998, est père de quatre enfants français qu'il a reconnus dès leur naissance et sur lesquels il n'est pas contesté qu'il exerce l'autorité parentale, et ce alors même que ses enfants ont fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert. La délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées n'étant pas soumise à la condition supplémentaire que le demandeur subvienne effectivement aux besoins de ses enfants, M. D... remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence d'un an en sa qualité de parent d'enfants français.

5. Cependant, les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, même si elles n'en font pas expressément mention, ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

6. Pour refuser à M. D... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Isère, qui a tenu compte notamment d'une plainte déposée le 13 février 2014 du chef de violences, viol et séquestration ainsi que de la découverte au domicile de l'intéressé de faux documents, de moyens de paiement vierges et établis à des identités diverses, a considéré que celui-ci représentait une menace pour l'ordre public. Cependant, les faits qui lui étaient reprochés ont fait l'objet entre 2014 et 2016 de classements sans suite soit que les infractions étaient insuffisamment caractérisées soit que leur auteur était inconnu.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D... a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales à des peines d'emprisonnement en 1992, 1994 et en dernier lieu en 1996 avec interdiction définitive du territoire français. Si ces condamnations sont anciennes et que l'interdiction définitive du territoire national a été levée en 2015, M. D... est entré en France en 2004 et en 2011 en méconnaissance de l'interdiction qui lui était faite. Il a également utilisé de fausses identités et nationalités pour travailler irrégulièrement dans plusieurs pays de l'espace Schengen et même solliciter l'asile alors qu'il vivait en Grèce. Dans ces conditions, même s'il n'a pas fait l'objet de poursuites pénales pour les faits qui lui étaient reprochés en 2014, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant que l'intéressé représentait encore, à la date de la décision en litige, une menace pour l'ordre public.

8. En troisième lieu, si M. D... se prévaut de la présence en France de son épouse et de ses enfants, de nationalité française, l'intéressé est entré irrégulièrement en France en 2011 alors que le juge pénal lui en avait fait interdiction et que son épouse et son aînée y résidaient déjà depuis plusieurs années. Il n'établit pas, ainsi que le relève le préfet de l'Isère dans la décision en litige, la durée de son séjour en France compte tenu de ses déclarations concernant différents séjours dans d'autres pays de l'espace Schengen, en particulier en Italie. Il ne fait état d'aucune intégration particulière en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces circonstances et compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente M. D..., le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels la décision de refus de titre de séjour a été prise. Il n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants ni leur droit de séjourner en France, pays dont ils ont la nationalité. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience 8 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.

Le rapporteur,

S. B...Le président,

J.-L. d'Hervé

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 18LY02760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02760
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-28;18ly02760 ?
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