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28/11/2019 | FRANCE | N°18LY00830

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 28 novembre 2019, 18LY00830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 avril 2015 par laquelle le préfet du Rhône lui a interdit définitivement l'exercice de quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles.

Par un jugement n° 1506325 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré

e le 20 février 2018, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 avril 2015 par laquelle le préfet du Rhône lui a interdit définitivement l'exercice de quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles.

Par un jugement n° 1506325 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2018, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 avril 2015 du préfet du Rhône ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne comporte pas l'énoncé des éléments de fait ; l'évocation d'une condamnation pénale est, à ce titre, insuffisante pour motiver la décision ; son audition et celle de sa curatrice n'ont pas été prises en compte dans la décision et la décision ne mentionne pas les risques qui pourraient exister pour les mineurs à sa date d'édiction ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; si le tribunal correctionnel a prononcé une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans ainsi qu'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pendant une durée de trois ans, les obligations prévues par le jugement ont été observées et cette mise à l'épreuve a pris fin à son échéance ; il a témoigné d'une volonté de réinsertion en reprenant des études et en s'investissant dans une association et d'une volonté thérapeutique en participant à des groupes de parole avec des personnes condamnées à des faits similaires ; sa soeur atteste qu'il s'occupe de ses neveux depuis 2014 ; il résulte d'une attestation médicale du 19 février 2018 que tout traitement médicamenteux a été arrêté depuis le 27 octobre 2012 et que le suivi s'est arrêté courant 2013 devant une évolution favorable ;

- la décision est disproportionnée compte tenu de l'avis de la commission préconisant une interdiction de cinq ans ;

Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse indique que la requête de M. E... n'appelle pas d'observation de sa part.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. E... F... et les observations de M. E... F....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 28 août 1982, est titulaire du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur de centre de vacances et de loisirs (BAFA) obtenu le 13 juin 2007. Par un jugement du 1er juin 2010, le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Lyon a condamné M. E... à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, lui a imposé d'exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement ou une formation professionnelle, de se soumettre à des mesures d'examen, de contrôle de traitements, de soins médicaux mêmes sous un régime d'hospitalisation, de payer les sommes dues à la victime et lui a interdit d'entrer en relation avec le mineur, pour des faits d'agression sexuelle incestueuse sur un mineur de 15 ans par personne ayant autorité. Le tribunal correctionnel a assorti cette peine d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pour une durée de trois ans. A la suite de cette condamnation, M. E... a été inscrit au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS). Le 1er septembre 2014, il a été embauché en tant qu'animateur périscolaire au sein d'une association. Par un arrêté du 29 octobre 2014, le préfet du Rhône a suspendu M. E... de l'exercice de son activité pendant une période de six mois en application de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles. L'association a prononcé sa mise à pied le 3 novembre 2014 et a procédé à son licenciement le 13 novembre 2014. A la suite de la séance du 3 avril 2015 du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, réuni en formation spécialisée en matière d'interdiction d'exercer, le préfet du Rhône a, par arrêté du 20 avril 2015, prononcé une interdiction définitive d'exercer quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles. M. E... relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 avril 2015 du préfet du Rhône :

2. Aux termes de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles, " A... protection des mineurs, dès leur inscription dans un établissement scolaire en application de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, qui bénéficient hors du domicile parental, à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif entrant dans une des catégories fixées par décret en Conseil d'Etat, est confiée au représentant de l'Etat dans le département. /Ce décret définit, pour chaque catégorie d'accueil, la réglementation qui lui est applicable, et les conditions dans lesquelles un projet éducatif doit être établi. /Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à l'accueil organisé par des établissements d'enseignement scolaire. " et aux termes de l'article L. 227-10 du même code, " Après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et de sport, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer à l'encontre de toute personne dont la participation à un accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ou à l'organisation d'un tel accueil présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4, ainsi que de toute personne qui est sous le coup d'une mesure de suspension ou d'interdiction d'exercer prise en application de l'article L. 212-13 du code du sport, l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils. /En cas d'urgence, le représentant de l'Etat dans le département peut, sans consultation de ladite commission, prendre une mesure de suspension d'exercice à l'égard des personnes mentionnées à l'alinéa précédent. Cette mesure est limitée à six mois. Dans le cas où l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la mesure de suspension s'applique jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par la juridiction compétente. "

3. Ces dispositions permettent à l'autorité administrative, pour assurer la protection des mineurs bénéficiant d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif hors du domicile parental à l'occasion des vacances ou des loisirs, de prononcer une mesure d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils, lorsqu'il existe " des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale " de ces mineurs.

4. Si M. E... fait valoir que la décision contestée ne comporte pas une motivation suffisante en fait au sens des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, il ressort de son examen que cette décision comporte le visa des textes applicables, notamment les articles L. 227-4 et L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles, et précise, après avoir visé les témoignages de Mme G..., curatrice de M. E..., et de M. E... devant la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative et dont le procès-verbal lui a été communiqué, les éléments de fait à l'origine de la mesure d'interdiction définitive d'exercice de quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles, à savoir les faits d'agression sexuelle incestueuse sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité ayant justifié une condamnation, le 1er juin 2010, par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Lyon de M. E... à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans assortie d'une interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pendant une durée de trois ans. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision ne peut qu'être écarté.

5. Les dispositions précitées soumettent l'édiction d'une mesure d'interdiction d'exercer auprès de mineurs, laquelle constitue une mesure de police administrative, à la seule circonstance que la participation de l'intéressé à un accueil de mineurs ou à son organisation présente des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs, indépendamment de l'exercice de toute poursuite pénale. Par suite, les circonstances que les obligations prévues dans le cadre de la mise à l'épreuve ont été observées et que la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pendant une durée de trois ans a pris fin sont dès lors sans incidence sur la légalité de la décision adoptée à son encontre.

6. M. E... fait valoir qu'il a témoigné d'une volonté de réinsertion en reprenant des études et en s'investissant dans une association et d'une volonté thérapeutique en participant à des groupes de parole avec des personnes condamnées à des faits similaires, que sa soeur atteste qu'il s'occupe de ses neveux depuis 2014 et qu'une attestation médicale du 19 février 2018 indique que tout traitement médicamenteux a été arrêté depuis le 27 octobre 2012 et que le suivi s'est arrêté courant 2013 devant une évolution favorable. Il résulte de l'instruction que la condamnation de M. E... par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Lyon pour des faits d'agressions sexuelles commises courant 2009 jusqu'au 16 avril 2010 sur son neveu né le 3 novembre 2002 à une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve comportait des obligations notamment de suivre un enseignement ou une formation professionnelle et de soins médicaux. Si le médecin psychiatre a attesté, par lettre du 19 février 2018, " que M. E... s'est engagé dans le soin de manière conséquente, volontaire, se dégageant du cadre d'obligation de soins pour se saisir, lui-même, de cette démarche de soins ", que le suivi psychiatrique " s'est arrêté courant 2013 devant une évolution favorable sur le plan de l'organisation de la personnalité de M. E... " et que le traitement médicamenteux a pris fin le 27 octobre 2012, le médecin psychiatre n'est pas affirmatif quant à l'appréciation de l'absence de tout risque de répétition en se bornant à mentionner qu'il " lui a semblé que M. E... avait pu élaborer son comportement, la gravité de son passage à l'acte " et en soulignant qu'il " a mis fin de manière effilochée et non organisée à la prise en charge psychothérapeutique ". Eu égard à la gravité des faits pour lesquels M. E... a été condamné et à leur caractère répété entre l'année 2009 et le 16 avril 2010, et quand bien même le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative réuni en formation spécialisée a proposé une interdiction d'exercice limitée à cinq années ou encore que sa soeur Stéphanie atteste de ce qu'il s'occupe de ses enfants, et ce alors qu'il résulte des mentions du jugement du tribunal correctionnel que l'un de ces enfants est la victime des agressions sexuelles pour lesquelles M. E... a été condamné, l'interdiction d'exercice définitive prononcée par le préfet du Rhône n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque créé par le comportement de M. E....

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressé au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme D..., premier conseiller,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 novembre 2019.

Le rapporteur,

R. D...

Le président,

H. DrouetLe greffier,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre des solidarités et de la solidarité en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 18LY00830

mv


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00830
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP MAURICE- RIVA-VACHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-28;18ly00830 ?
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