Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 17 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1800627 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, M. D..., représenté par Me Bret, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1800627 du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour d'une durée de dix ans dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il justifie de ressources suffisantes et vit régulièrement en France depuis 1980 ; plusieurs de ses enfants résident ou travaillent en France et il bénéficie d'un suivi médical constant ; le refus de renouveler son titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il répond aux conditions des f) et g) de l'article 10-1 de l'accord franco-tunisien pour prétendre à un titre de séjour de dix ans ;
- il répond également aux conditions de l'alinéa 3 de l'article 3 de l'accord franco-tunisien pour prétendre à un titre de séjour de dix ans.
Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il demande à la Cour de se rapporter à ses écritures de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien né le 26 janvier 1952 est entré pour la première fois en France en 1980, en qualité de travailleur saisonnier. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité de salarié entre 1980 et 2012. Le 27 octobre 2015, il a obtenu un titre de séjour " vie privée et familiale " qui a été renouvelé chaque année jusqu'en 2017. Le 25 septembre 2017, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour ainsi que la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, ou subsidiairement d'une durée de quatre ans. Par décisions du 17 janvier 2018, le préfet de la Drôme a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 9 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " :
2. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ".
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. D... fait valoir qu'il est entré pour la première fois en France en 1980 en qualité de travailleur saisonnier, qu'entre 1980 et 2012 il a obtenu des titres de séjour en qualité de salarié et que le 27 octobre 2015, il a obtenu un titre de séjour " vie privée et familiale " qui a été renouvelé chaque année jusqu'en 2017. Il ajoute que, bénéficiant d'une pension de retraite et d'une rente d'invalidité, il justifie de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins, qu'il dispose d'un logement et qu'un de ses fils réside en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'épouse du requérant et trois de ses enfants résident en Tunisie, pays dans lequel il a pu se rendre régulièrement et où il a séjourné durant sept mois au cours de l'année 2017. S'il se prévaut également du suivi médical dont il bénéficie en France, il n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier en Tunisie d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de délivrance d'une carte de résident :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) f) Au ressortissant tunisien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ".
7. Aux termes de l'article 3 du même accord : " (...) Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. "
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande présentée le 25 septembre 2017, que M. D... a sollicité un titre de séjour de longue durée sur le seul fondement des dispositions du g) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié qui prévoit notamment que l'intéressé doit justifier " de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France ". Dès lors, le préfet n'était pas tenu d'examiner sa demande de titre de séjour de longue durée au regard des dispositions du f) de ce même article ou des dispositions précitées de l'article 3 de ce même accord. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) / g) Au ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 5, 7 ter, ou 7 quater, qui justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France, sans préjudice de l'application de l'article 3 du présent Accord. "
10. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ressort des pièces du dossier que M. D... a séjourné en Tunisie pendant une durée de sept mois au cours de l'année 2017. Ainsi, il ne peut être regardé comme remplissant la condition de résidence régulière ininterrompue durant cinq années posée par le g) du 1. de l'article 10 de l'accord franc-tunisien du 17 mars 1988 modifié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme A..., présidente,
Mme G..., première conseillère,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019
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N° 18LY01371