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21/11/2019 | FRANCE | N°18LY00295

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 18LY00295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Cimob a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 octobre 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme D....

Par un jugement n° 1507052 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, la SARL Cimob, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°)

d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Cimob a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 octobre 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme D....

Par un jugement n° 1507052 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, la SARL Cimob, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 30 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme D....

Elle soutient que :

* le délai de huit jours visé à l'article R. 2421-14 du code du travail entre la mise à pied à titre conservatoire et la demande d'autorisation de licenciement n'est pas prescrit à peine d'irrégularité ;

* ledit délai est incompatible avec le délai de cinq jours ouvrables imparti par l'article L. 1332-2 du code du travail pour la convocation à l'entretien préalable ;

* elle a été contrainte de réitérer la procédure de convocation à l'entretien préalable dès lors que le 7 avril 2015 le courrier du 3 avril 2015 n'était toujours pas notifié à Mme D... ;

* elle a procédé à un complément d'enquête auprès de son fournisseur et son expert-comptable afin de motiver sa demande d'autorisation de licenciement auprès de l'inspecteur du travail ;

* le délai qui s'est écoulé entre la réception des réponses de ceux-ci et la demande d'autorisation de licenciement n'est pas excessif ;

* l'inspecteur du travail n'a pas estimé les délais de procédure excessifs ;

* les motifs de la décision du ministre du 30 octobre 2015 sont entachés d'erreur matérielle et d'illégalité, dès lors que les faits soumis à l'inspecteur du travail puis au ministre du travail sont fautifs et qu'il n'existe aucun lien entre le mandat de déléguée du personnel suppléante de Mme D... et la demande d'autorisation de licenciement.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2018, Mme D..., représentée par la SCP Revel Mahussier, avocats, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Cimob une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la procédure de licenciement est entachée d'un vice substantiel dès lors que le délai de 20 jours qui s'est écoulé entre la mise à pied effective le 8 avril 2015 et la saisine de l'inspecteur du travail le 28 avril 2015 est excessif, que les griefs qui lui sont reprochés sont infondés et prescrits, qu'il existe un lien entre son mandat et la procédure diligentée par son employeur, qu'elle a enfin quitté les effectifs de la société le 22 mars 2016 en raison de son inaptitude et qu'ainsi la procédure d'appel intentée par la société Cimob est dilatoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre 2019 par une ordonnance du 20 août 2019.

La SARL Cimob a présenté un mémoire enregistré le 24 octobre 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* le code du travail ;

* le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, rapporteur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour la SARL Cimob et de Me C... pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Cimob a saisi le 28 avril 2015 l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute grave de Mme D..., salariée de l'entreprise depuis le 29 janvier 1990 en qualité d'agent administrative, chargée de la comptabilité et des paies, laquelle exerçait alors un mandat de déléguée du personnel suppléante. Par décision du 8 juin 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. Saisi d'un recours hiérarchique formé par la SARL Cimob le 20 juin 2015, le ministre du travail a, par décision du 30 octobre 2015, retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique née le 23 octobre 2015, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 8 juin 2015 et refusé d'autoriser le licenciement. La SARL Cimob relève appel du jugement rendu le 27 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 30 octobre 2015.

Sur la légalité de la décision du 30 octobre 2015 :

2. Aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. / S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. / La mesure de mise à pied est privée d'effet lorsque le licenciement est refusé par l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre. ".

3. D'une part, l'employeur qui, comme la SARL Cimob, ne dispose pas de comité d'entreprise, doit présenter sa demande d'autorisation de licenciement dans le délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied du salarié. D'autre part, si ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure de licenciement, l'employeur est tenu, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, de respecter un délai aussi court que possible à peine d'irrégularité de sa demande. Par suite, il appartient à l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, de s'assurer que ce délai a été, en l'espèce, aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 3 avril 2015, la SARL Cimob a informé Mme D... de sa mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat et de sa convocation à un entretien préalable, fixé le 13 avril suivant, en raison, selon les termes de ce courrier, de la découverte de faits de détournement au seul profit de Mme D... de bons cadeaux et avantages professionnels accordés par la société Bruneau, fournisseur du matériel de bureau de la SARL Cimob, et destinés à cette dernière. Ce courrier n'ayant pas été réceptionné par l'intéressée au 7 avril 2015, l'employeur de Mme D... lui en a remis une copie le même jour et a reporté, par courrier du 8 avril 2015 notifié le lendemain, la date de l'entretien préalable au 17 avril 2015 afin de respecter le délai de cinq jours ouvrables, prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail, qui doit séparer la convocation à l'entretien préalable de celui-ci. La mise à pied effective de la salariée a pris effet à compter du 7 avril 2015. La demande d'autorisation de licenciement a été envoyée par l'employeur le 28 avril 2015 et reçue par l'inspection du travail, le 29 avril suivant. Afin de justifier le délai de vingt et un jours séparant la mise à pied de la demande d'autorisation de licenciement, la SARL Cimob soutient avoir été contrainte d'effectuer un complément d'enquête auprès de son fournisseur, la société Bruneau, et son expert-comptable dans le but de conforter son dossier de demande à l'inspecteur du travail et qu'il ne lui a été répondu que le 21 avril 2015. Toutefois, un tel complément d'enquête diligentée par l'employeur, après l'entretien préalable qui a pour objet de présenter au salarié les éléments recueillis contre lui, et de lui permettre de les contester utilement, ne saurait constituer un motif justifiant un dépassement du délai de huit jours prescrit à l'article R. 2421-14 du code du travail. Dans ces conditions, la longueur excessive du délai séparant la mise à pied de la demande d'autorisation a entaché d'irrégularité la procédure de licenciement intentée à l'encontre de Mme D... et c'est à bon droit que la ministre du travail a refusé pour ce motif d'autoriser son licenciement.

5. Par ailleurs, dès lors que la décision en litige ne se prononce pas sur l'existence de faits fautifs ni sur le lien entre le mandat de la salariée et la demande de licenciement, les moyens tirés de ce que la faute serait de nature à justifier le licenciement, ainsi que de l'absence de lien entre le licenciement et le mandat de la salariée, sont, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

6. Il résulte de ce qui précède que la SARL Cimob n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2015 du ministre du travail refusant d'autoriser le licenciement de Mme D.... Les conclusions de sa requête doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Cimob une somme de 1 000 euros que Mme D... demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Cimob est rejetée.

Article 2 : La SARL Cimob versera à Mme D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cimob, à Mme D... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

2

N°18LY00295

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00295
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELAS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-21;18ly00295 ?
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