Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... a demandé le 28 juillet 2018 au tribunal administratif de Dijon :
1°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2018 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé un titre de séjour, lui a enjoint de quitter la France dans un délai de 30 jours et a fixé le Sénégal comme pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour ou subsidiairement une autorisation de séjour ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Par un jugement n°1801996 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2019, M. A..., représenté par Me C... (J...-C...), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2018 du tribunal administratif de Dijon;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 15 juin 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour ou subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour dans l'attente de ce réexamen, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour Me C... de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
S'agissant de l'ensemble des décisions :
- elles sont insuffisamment motivées;
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle méconnaît les droits de la défense et d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; il disposait d'informations pertinentes sur sa situation personnelle qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis plus de 10 ans, que la commission du titre se séjour a donné un avis favorable à la délivrance du titre de séjour sollicité ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis plus de 12 années, y a travaillé, poursuit des études, a un logement, est autonome financièrement, y a le centre de ses intérêts amicaux et familiaux ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- le refus de titre de séjour étant illégal, elle est dépourvue de base légale ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle interrompt son cycle d'études avant son achèvement ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les droits de la défense et d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire étant illégale, elle est dépourvue de base légale ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen sérieux de sa situation personnelle
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision portant obligation de quitter le territoire étant illégale, elle est dépourvue de base légale ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire enregistré le 30 août 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
S'agissant de l'ensemble des décisions :
- les décisions sont suffisamment motivées ;
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- les droits de la défense et le caractère contradictoire n'ont pas été méconnus ; le requérant ne fait valoir aucun élément supplémentaire qu'il n'aurait pas été à même de communiquer avant l'édiction de l'arrêté en litige ;
- il a procédé à un examen de la situation du requérant et dispose d'une large marge d'appréciation dans le cadre d'une admission exceptionnelle au séjour ; il n'est pas suffisamment inséré professionnellement et financièrement ; il a décidé de ne pas suivre l'avis favorable de la commission du titre de séjour ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
-la décision de refus de séjour est légale :
- aucun texte ne prévoit un temps particulier pour la prise d'une telle décision ;
- il a procédé à un examen de la situation du requérant ;
- il n'y a pas méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant des autres décisions :
- les moyens ne sont pas fondés ;
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme F..., première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 21 mars 1985, est entré en France le 2 octobre 2006 sous couvert d'un visa " étudiant ". Après avoir obtenu différents titres de séjour en qualité d'étudiant, il a fait l'objet, le 11 février 2014, d'une obligation de quitter le territoire français suite à un refus de titre de séjour " vie privée et familiale ". Il s'est toutefois maintenu irrégulièrement en France à la suite de cette obligation de quitter le territoire. Il a demandé le 6 juillet 2017 un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 6 juin 2018, il a bénéficié d'un récepissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'au 5 septembre 2018. Par arrêté du 15 juin 2018, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a abrogé le récepissé de demande de titre de séjour. M. A... fait appel du jugement du 16 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande à fin d'annulation des décisions du 15 juin 2018 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.
Sur la légalité des décisions du 15 juin 2018 :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... résidait à la date de la décision en litige depuis 12 ans en France et qu'il a bénéficié le 7 mars 2018 d'un avis favorable de la commission du titre de séjour aux fins de se voir délivrer un titre de séjour. En ce qui concerne son insertion sociale et professionnelle, il ressort également des pièces du dossier produites en appel que, contrairement à ce qui est indiqué par le préfet en première instance et en appel, M. A... a déclaré des revenus dans le cadre d'une activité salariée entre 2009 et 2018, excepté une période comprise entre 2013 et 2014 durant laquelle il était en situation irrégulière et faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire et démontre ainsi s'être inséré professionnellement durant les périodes où il était en situation régulière. En ce qui concerne son cursus universitaire, il est constant qu'entre 2016 et 2018 alors qu'il bénéficiait d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, il a repris ses études et a obtenu sa licence en droit au cours de l'année universitaire 2016/2017 avant de poursuivre en master 1 de droit. Il ressort par ailleurs des pièces produites en appel que si le requérant n'a obtenu son master 1 qu'en juin 2019, soit postérieurement à la décision en litige du 15 juin 2018, les différentes attestations circonstanciées établissent un fort investissement du requérant dans sa scolarité depuis 2016 ainsi qu'une forte intégration sociale et professionnelle en France. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. A..., qui est un enfant né hors mariage, n'a pas de relations avec son père ou sa mère résidant au Sénégal. Dès lors dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de la Côte-d'Or a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
3. Les décisions du 15 juin 2018 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 15 juin 2018 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administration : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Durant cette période, M. A... sera muni, dans un délai de huit jours à compter de la même date, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... conseil de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1801996 du 16 novembre 2018 du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 15 juin 2018 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. I... A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la même date.
Article 3 : L'Etat versera à Me C..., avocat de M. A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme B..., présidente,
Mme F..., première conseillère,
Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 novembre 2019.
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N° 19LY01109