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24/10/2019 | FRANCE | N°19LY02273

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 24 octobre 2019, 19LY02273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'enjoindre à son administration de procéder à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pension, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux ;

- de condamner l'État à lui verser les sommes de 53 455,88 euros au titre de sa perte de revenus, 8 000 euros au titre de ses préjudices moraux, 27 012,91 euros au titre de sa reconstitution de carrière et 50 000 euros au titre des préjudices inhérents au harcèlement mora

l qu'elle a subi.

Par un jugement n° 1802419 du 5 mars 2019, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'enjoindre à son administration de procéder à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pension, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux ;

- de condamner l'État à lui verser les sommes de 53 455,88 euros au titre de sa perte de revenus, 8 000 euros au titre de ses préjudices moraux, 27 012,91 euros au titre de sa reconstitution de carrière et 50 000 euros au titre des préjudices inhérents au harcèlement moral qu'elle a subi.

Par un jugement n° 1802419 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 juin 2019, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1802419 du 5 mars 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de faire droit à sa demande devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'ayant pas fait droit à ses demandes de mutation en Guadeloupe depuis 2002, elle a eu à subir, de par cette inaction, une importante perte de revenus et une absence de déroulement de carrière satisfaisant ;

- compte tenu de son caractère répétitif, cette situation caractérise un harcèlement moral ;

- elle aurait dû être mutée en Guadeloupe à la suite de la réunion de la commission administrative paritaire du 13 décembre 2011, ce qui n'a pas été le cas et elle est donc fondée à demander à nouveau l'indemnisation de ses préjudices du fait de la faute commise par l'administration.

Par ordonnance du 23 juillet 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2019.

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé en se référant à ses mémoires de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., alors adjoint administratif de 2ème classe titulaire, affectée à la préfecture de l'Yonne, a été placée, à sa demande, en position de disponibilité pour convenances personnelles, à compter du 2 février 2002, et demeure depuis lors en Guadeloupe. Sa mise en disponibilité ayant été prolongée à plusieurs reprises jusqu'au 31 janvier 2012 elle alors sollicité son affectation en Guadeloupe mais, par une décision du 13 décembre 2011, le ministre de l'intérieur n'a pas fait droit à cette demande. Par un jugement du 25 avril 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 13 décembre 2011, pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation. Par une lettre adressée au ministre de l'intérieur le 11 juillet 2014, Mme A... avait demandé la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en conséquence de l'illégalité fautive de la décision ministérielle du 13 décembre 2011 ainsi que la reconstitution de sa carrière, de ses droits à pension, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux puis elle avait saisi le tribunal administratif de Dijon d'une première demande tendant à la condamnation de l'État à réparer ses préjudices et à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à une reconstitution de sa carrière. Par un jugement du 24 novembre 2016, confirmé par un arrêt de la cour du 14 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, limité à 21 251 euros l'indemnité mise à la charge de l'État et, d'autre part, rejeté les conclusions de sa demande aux fins d'injonction de reconstitution de sa carrière. Mme A... a ensuite saisi à nouveau le tribunal administratif de Dijon d'une demande aux fins d'injonction à son administration de procéder à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pension, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux et aux fins de condamnation de l'État à lui verser une somme totale de 138 468,79 euros en réparation des préjudices qu'elle affirmait avoir subis. Elle interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

2. En dehors des cas expressément prévus par les dispositions législatives particulières du code de justice administrative, inapplicables au cas d'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration.

3. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, dont le jugement n'est au demeurant pas contesté sur ce point, en l'absence de contestation par Mme A... du refus opposé à sa demande, formulée dans sa lettre du 18 mai 2018, tendant à ce qu'il soit procédé à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pensions, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux, les conclusions de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à une telle reconstitution étaient irrecevables. Elle n'est, dès lors, pas fondée à reprendre de telles conclusions en appel alors, au demeurant, qu'ainsi qu'il a été dit dans l'arrêt de la cour du 14 janvier 2019, l'annulation, par le jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 avril 2014, de la décision de refus de mutation du 13 décembre 2011, n'impliquait pas la reconstitution rétroactive de sa carrière.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le harcèlement moral :

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Mme A... affirme que les refus systématiquement opposés par son administration à ses demandes de mutation en Guadeloupe, où se trouve le centre de ses intérêts familiaux et moraux depuis longtemps, caractérise un harcèlement moral, au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, se traduisant par une dégradation de son état de santé.

6. Toutefois, la situation actuelle de Mme A... procède à la fois de sa décision de s'installer en Guadeloupe avant l'obtention d'une mesure de mutation, alors qu'elle se trouvait en position de disponibilité, et de son refus d'accepter les postes vacants dont le préfet de l'Yonne lui avait communiqué la liste par courrier daté du 13 janvier 2012 pour permettre sa réintégration. Elle n'établit pas que sa situation, par comparaison avec celle des autres agents concernés, aurait dû conduire l'administration à faire droit à ses demandes de mutation qui ont été soumises à l'avis de la commission administrative paritaire de mutation lors de séances intervenues depuis le 13 décembre 2011, alors, au contraire, que par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 décembre 2017 confirmé en appel le 20 septembre 2018, ses conclusions tendant à l'annulation des refus de mutation des 7 mai 2015 et 26 janvier 2016 ont été rejetées. L'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral imputable à l'administration, dont Mme A... serait fondée à se plaindre et à demander l'indemnisation, n'est donc pas établie.

En ce qui concerne les autres conclusions indemnitaires :

7. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas contesté que Mme A... a déjà obtenu l'indemnisation de ses préjudices résultant de l'illégalité fautive de la décision du 13 décembre 2011 par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 novembre 2016 confirmé en appel le 14 janvier 2019, soit une indemnité de 18 521 euros au titre de son préjudice matériel pour la période comprise entre la date de ladite décision et la fin du premier semestre de l'année 2014 et une autre indemnité de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, et que les recours qu'elle avait formés contre deux décisions de rejet de demandes de mutations ultérieures, des 7 mai 2015 et 26 janvier 2016 ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 décembre 2017 confirmé en appel le 20 septembre 2018. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'annulation, par le jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 avril 2014, de la décision de refus de mutation du 13 décembre 2011, n'impliquait ni la reconstitution rétroactive de la carrière de Mme A... ni, en particulier, aucun avancement d'échelon ou de grade de l'intéressée, se trouvant en situation de disponibilité. A défaut pour la requérante d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les nouveaux chefs préjudices dont elle demande réparation, au titre à la fois de son préjudice matériel et de son préjudice moral, et la décision illégale du 13 décembre 2011, et à défaut de démontrer l'existence d'autres décisions illégalement fautives ou d'autres fautes de l'administration, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.

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N° 19LY02273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02273
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DEPORCQ DOMINIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-24;19ly02273 ?
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